À pied et à vélo

Hier, après les cours, je suis sorti à pied pour aller voir l’eau au Port de l’Arsenal. Je voulais vérifier que sa transparence était comme sur les photos du « Parisien » : avec les algues visibles. En descendant la rue de Belleville, j’ai été vivement ramené au réel par la pétarade des scooters. C’était une bonne idée de téléphoner à C. Notre échange a fait écran, m’a certainement évité de protester intérieurement contre les canards sans tête ; les autres.

Pourtant, dès la sortie de la maison, le trottoir devant le garage de notre voisin, réparateur de motos (et surtout de scooters), concentrait une population de jeune types, toujours prêts au combat de virilité de celui qui changera en dernier de place pour laisser passer les piétons. Soupirs à l’infini…

Après avoir récupéré mon vélo et roulé jusqu’au XIIe, j’ai prolongé la marche jusqu’au lac Daumesnil. La nuit qui monte et le paysage fabriqué des arbres et de la grotte, représentent un apaisement considérable. Je retrouve É, amical et inchangé.
Au retour sur mon vélo, à la nuit, mes jambes me lancent dans la montée rue de la Chine.

Ce matin une cycliste descendait la pente, depuis la Porte des Lilas, sacoches rouges à l’arrière, équipement complet pour une longue randonnée. Je crois que je ne vais pas tarder à faire la même chose.

Enfin TouT va bIen

Enfin le jour X est arrivé !

Au début du confinement j’avais une image très naïve de ce jour-ci : j’imaginais faire la fête et embrasser tous mes amis au milieu de la rue, soulagés, en souriant et en pleurant en même temps, dans une ambiance entre le carnaval et la fin de la coupe du monde au Brésil. 

Plus le temps passait je me suis convaincue de l’absurdité de mes pensées. Puisque le virus est toujours là et que ça suffit qu’on recommence « la normalité » pour qu’une deuxième vague y arrive, je ne me sens pas de tout de faire un pas trop grand pour l’instant. 

Par contre j’ai bien quitté l’appartement de L. comme prévu. Après 55 jours, j’ai croisé la ville en Uber. Il y avait de plastique partout, sur le banc, le sol et entre moi et le conducteur un rideau improvisé qui nous empêchait de nous regarder. Je n’ai pas vu son visage. Pas un mot échangé au delà du bonjour et d’un au revoir, bon courage. Il a parlé au téléphone pendant tout le voyage et le seul mot que j’ai pu comprendre c’était corona, corona, corona, répétait plusieurs fois. 

Par la fenêtre j’ai vu une queue immense devant le Darty à République. Je me suis demandé la vrai nécessité de ce gens d’y acheter. Pessimiste je me suis dit qu’ils profitent pour bien équiper leur maison en se préparant pour le prochain confinement. Encore plus des outils pour faire des bons gâteaux et du pain, avant qu’il ne soit pas trop tard. 

Ensuite aux Grands Boulevards l’embouteillage nous rappelait bien « le monde d’avant ». 

Je suis enfin arrivée chez moi après deux mois. Pas si différent comment j’avais imaginé : pas de poussière ni d’odeur étrange. Les plantes sont un peu tristes mais encore vivantes. Comme nous peut être.

Rien semble avoir eu lieu par ici…

J’ai l’impression que demain au réveil, je confirmerais que c’était juste un long rêve, comme ce matin, qu’après avoir un cauchemar au cours duquel ma dent était arrachée, je l’ai cherché avec ma langue en vérifiant qu’elle était bien là. 
Oui, tout va bien, je me suis dit.

(Ou pas. Mais qui le sait ?)