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rêve 03

Je n’ai pas rêvé. Pourtant hier soir, après avoir vu Phenomena de Dario Argento j’étais persuadé que ma nuit serait faite de cauchemar. Au moins un, j’étais peut-être à la recherche de cela après tout. J’en suis au troisième Dario Argento en à peine 7 jours.
D’abord Suspiria, une atmosphère angoissante. Des lumières oniriques et faites de brouillard, teintées de bleue et de rouge. S’y ajoutaient, sur les parois de ma chambre les ondes bleutées du gyrophare des camions de pompier qui passaient à travers la vitre, tout cela en pleine nuit. Il n’y a pas eu de cauchemar.
Quelques jour plus tard, Ténèbres. Une erreur probablement m’impose un doublage en italien, l’action se situe en Italie, des acteurs italiens, d’autres américains, je ne sais plus trop s’il s’agit d’un doublage ou de la version originale, je ne fais pas attention à chaque mouvement de lèvres. L’acteur principal lui est américain, c’est d’ailleurs flagrant, et il est clairement doublé, c’est flagrant aussi. Peut-être que cela me permet de prendre un peu de distance avec les égorgements à coups de rasoir et les coups de hache qui découpent des omoplates. Bref, toujours pas de cauchemar.
Hier donc c’était Phenomena. Quelques frissons vers la fin du film mais surtout l’expression d’un certain dégout. Trop d’insectes et de larves. De corps en pleine putréfaction. Le corps baigné de Jennifer Connelly, encore adolescente, dans une eau marron, on dirait des excréments, de la pleine merde jaillit des égouts mais ce sont des armées d’asticots et des bouts de membres à moitié rongés, visqueux, en train de se liquéfier. Son corps plonge er replonge dans la mélasse. C’est la noyade. Des hauts le coeur, la scène m’incomode, un peu. Les asticots me rappellent les milliers de vers séchés que j’ai vu l’autre jour dans la poussière qui gît dans le plancher lorsque j’ai soulevé une latte de parquet. Et le visage déchiqueté de l’enfant infirme, les larves qui s’y baladent, puis les mouches qui massacrent le tout. Cette nuit, j’en suis sûr, les cauchemars seront là. Retirer le t-shirt pour prévenir les litres de transpiration qui inonderont les draps. Et si les asticots sous le plancher se réveillaient et venaient me ronger le visage pendant la nuit ? J’éprouve le besoin d’allumer la lumière pour reprendre contact avec la réalité, ce n’est pas suffisant et je visionne quelques vidéos pathétiques de plateaux télévisés invitant de jeunes personnes à montrer un de leur talent. Je visionne en diagonale, je ne comprends pas trop ce qu’il y a à gagner. J’éteins finalement la lumière, j’ai retrouvé un peu de légèreté et peux m’endormir calmement.
Une erreur sans doute qui m’éloignera de Dario. Aucun cauchemar ne s’est emparé de mon corps cette nuit. Quel dommage.
Ce matin, pour reprendre contact avec un univers paranormal j’écoute à pleine balle la BO de Phenomena.
Iron Maiden
Motorhead
Goblin
et le titre Phenomena de Claudio Simonetti, je conseille, de préférence dans un environnement confiné et dans la solitude la plus extrême.

numérique 01

Ils forment un couple, il a fêté ses 70 ans cette année, elle ne tardera pas à faire de même. Il s’appelle J, elle s’appelle A, un prénom que certains lui ont crié “pour qu’elle revienne” : d’autres mais pas J. m’a-t-elle dit un jour. En tout cas elle est toujours là. Ils sont nos patrons. Officiellement il est seul patron et elle est salariée, mais ça c’est sur le papier.
X et moi avons rendez-vous avec eux à 17h pour une réunion en visioconférence, un genre de réunion assez prisé en ce moment. Alice et moi avons téléchargé le logiciel qu’ils ont utilisé il y a quelque jour pour une autre réunion.
Il est 17h. On s’appelle par téléphone. A nous demande un rab de 15 minutes. Des papiers à remplir pour la banque. Vers 17h40 elle nous rappelle. X et moi avons déjà lancé la visioconférence et envoyé un lien sur le mail de la “patronne”. Elle ne comprends pas très bien comment se connecter à son mail depuis chez elle puis se rend compte qu’elle a oublié son mot de passe. Après une lutte acharnée de 20 minutes elle réussit à rejoindre cette boîte mail lointaine et clique sur le lien que nous lui avons envoyé. Elle est au téléphone avec X qui a activé le haut-parleur, j’entends à travers l’écran ; X tente de lui expliquer comment rejoindre sur la plateforme notre réunion mais A se retrouve dans une autre conversation, ancienne et périmée. Nous lançons un appel depuis la plate-forme mais elle ne parvient pas à l’intercepter.
Las, nous décidons d’effectuer la réunion de cette manière. X et moi de part et d’autre de nos écrans, et A et J dans le haut-parleur du téléphone de X.
Entre X et moi il y a un écran.
Entre X et A & J il y a un haut-parleur.
Entre A & J et moi il y’a un écran + un haut-parleur.
Et pourtant on arrive à communiquer.
On devrait essayer de faire de longues chaînes comme cela, voir jusqu’à combien d’intermédiaires on arrive encore à intercepter quelques ondes.
Par contre la réunion était plutôt pourrie.

rêve 02

Il y avait deux corps dans la salle de bains. Disposés dans la baignoire. Un homme et une femme, un couple je crois, la trentaine environ. Des corps habillés. Déjà morts probablement.
L’épreuve du cannibalisme semblait finalement arrivée. Mais il fallait d’abord préparer, découper, hacher la viande, avant de pouvoir consommer le repas.
C’était l’oncle JF qui s’occupait de la préparation. Lui qui faisait frire du lard sur la plage l’été quand j’étais gamin. Ile me répétait toujours que c’était la meilleure chose qui existait.
Je n’étais pas à l’aise avec l’idée d’aider Uncle Jeff à préparer l’ensemble, alors j’ai quitté la salle de bains. Quand j’y suis retourné, les deux corps avaient perdu leur tête, ces “têtes de lard”, une insulte que JF adorait proférer. Une vraie tête de lard. Les deux corps étaient enduits d’une sorte de pâte visqueuse et jaunâtre, probablement une moutarde de moyenne qualité. Pourtant Uncle Jeff aime les bons produits, mais garnir d’aussi grandes pièces avec une moutarde de haute qualité aurait sans doute coûté une fortune.
Jeanfrançançois, comme l’appelle sa petite sœur qui a du mal à prononcer les mots, se débat dans la baignoire. Il y en a partout. Même s’il a toujours aimé revêtir le tablier de cuisinier, s’affairer en cuisine, préparer de beaux rôtis, et user de couteaux et de broches, il n’avait jamais été un boucher à l’abattoir. C’est une autre histoire.

Un peu plus tard, je déguste un os. Je lui demande comment il a coupé tout cela. Le travail est bien réalisé. Il n’a pas utilisé de hachoir. Étonnant. Incroyable même. Il a seulement utilisé le couteau, sans forcer, en sciant les os seulement, sans jamais frapper. Le con, il a du foutre en l’air mes beaux couteaux, je les avais payé cher. Le fil doit être dans un sale état.
Après tout, ce n’est pas si grave. Mangeons. Je ronge le bout d’os, il est petit, et je me nourris de la moelle.

Merde. Uncle Jeff, est-ce qu’on est bien sûr que ces deux corps n’étaient pas infecté ? Comment avons-nous pu oublier de penser à cela ? Ce n’est pas sérieux du tout, par les temps qui courent. Je crache en vitesse le bout d’os coincé entre les dents. L’angoisse commence.

intérieur 04

Le balcon de la chambre n’est pas un balcon. Il s’agit d’une étroite terrasse qui échancre la toiture. Le zinc qui la recouvre n’est qu’une pliure de plus de celui qui forme la toiture. Orientation sud-ouest. Dès la fin de matinée le métal commence à s’échauffer, et il vous chauffe royalement le cul une fois l’après-midi entamée. Une technique consiste à utiliser un coussin pour se protéger le derrière fragile.
Seulement, le garde-corps est constitué d’un barreaudage en serrurerie ajouré. Pas d’ombre ou presque. Si l’on peut se protéger du métal, difficile de se protéger du soleil. Ça chauffe, on étouffe vite.
Alors aujourd’hui j’ai décidé d’étendre un vieux drap blanc qui ressemble presque à un chiffon autour de ce grade-corps, fabriquant une vraie muraille. Un nid. Une bannière presque. J’ai monté ma cabane. Le résultat est désuet mais charmant. Pas désagréable.
Je m’assieds, protégé de toutes chaleurs et me mets au travail.

La position est inconfortable. Il n’y a rien à faire, mal au cul, mal aux cuisses. Ce balcon ne semble pas vouloir de moi.

rêve 01

Cette nuit j’ai rêvé. Ou plutôt cauchemardé. Cela n’est pas fréquent mais cela arrive. De temps à autre. Et cela ne me déplaît pas, je l’avoue.

Une séance de tortures. Des supplices culinaires. Nous étions deux. Il était bien en chair, la peau blanche et rouge à la fois. Une tignasse blonde, cheveux en bataille, et une belle paire de joues. Boris Johnson ? pas sûr, il avait l’air plus jeune. Je crois.
C’est lui qui passe à la casserole le premier.

Supplice n°1 : de cuillerées de moutarde. Une moutarde aux teintes foncées. Elle semble extrêmement forte. Elle vous monte au nez rien qu’en la regardant. Les narines du jeune Boris attaché sont alors remplies massivement de ce condiment. Il résiste. Il a la carcasse solide.

Supplice n°2 : du nougat. Beaucoup de nougat. Le principe est simple, on vous en met un morceau dans la bouche. Il faut le mâcher, le mastiquer, il vous colle aux dents, s’englue dans le gosier. On n’a pas eu le temps d’en finir qu’un second morceau est glissé dans la bouche du supplicié. Il se mêle au premier, vient le grossir. Puis un nouveau morceau. Cela ne s’arrête pas. La pâte prend de plus en plus de place. Le muscle ptérygoïdien médial, entre la maxillaire supérieure et la mandibule s’étire comme il ne l’a jamais fait. Les dents résistent mais elles sont prêtes à éclater.

Le rêve-cauchemar se rompt et se répand dans le lit avant l’explosion buccale.
Je n’ai jamais aimé mourir dans mes voyages nocturnes, encore moins y perdre la bouche. Je trouve toujours une issue pour m’échapper.

cage d’escalier 01

Je descends chercher le journal dans la boîte aux lettres. Quelques marches avant d’arriver au rez-de-chaussée un rat, oui un rat, se balade, il monte les marches. Comme un voisin.
Il est plutôt charnu, et ses dimensions honnêtes, mais pas d’abus excessif. Cependant son pelage semble humide, il n’est ni peigné, ni brossé. Je n’ai pas vu ses yeux, et ne saurait dire s’ils étaient rouges vifs comme on aime les représenter. Il est seul. Il se balade, on dirait. Il n’est pas farouche non plus, et manque de rapidité. Fatigué ? Âgé ? Mélancolique ? Malade ?

Je lui fais comprendre qu’il se dirige dans la mauvaise direction. Son habitat n’est pas dans les étages, il n’est pas en train de faire du sport non plus, alors comme tout le monde il doit retourner dans ses appartements se confiner. Il aurait toutefois pu me rétorquer qu’il allait chercher là-haut des produits de première nécessité. Mais je n’ai vu aucune attestation.
Alors gentiment, pressé par mon pas, il se dirige vers chez lui et rejoins le local poubelle vers lequel il disparaît, la larme à l’oeil.

intérieur 02

plongée dans les entrailles de l’immeuble. un corps que l’on découvre, on on apprend chaque jour à se connaître. la perception est nouvelle.

le samedi matin sous le plancher il semble y avoir une chorale dont l’existence m’était jusqu’ici inconnue. des cris qui viennent des profondeurs de la cage d’escalier et résonnent jusque dans la chambre. des foulées d’un joggueur qui confond désormais l’escalier avec une piste verticale de course. des chasses d’eau qui rugissent. des soupirs infinis. des coups secs répétés, tard le soir, chaque soir : violence conjugale ou ébats sexuels ? une perceuse qui tourne en plein après-midi. l’irruption de bruits venant d’appartements de l’immeuble mitoyen.

le silence n’existe pas. si les rues sont désertes, elles nous révèlent que l’immeuble ne l’est pas. tant mieux. c’est qu’ils ne sont pas partis à la campagne.

souvenir 04

je me souviens de ce vieux monsieur, au bord de sa fenêtre, dans la rue de mon lycée. un vieux monsieur dégueu. il passait son temps à la fenêtre. il regardait tout ce qu’il se passait dans la rue. déserte la plupart du temps.
aujourd’hui ce vieux dégueu c’est moi. et les lycéens sont les pompiers d’en face.

bientôt je serai capable de faire tourner une caserne.

extérieur 01

ce matin j’ai traversé un petit bout de ville à vélo pour aller donner mon sang. je me suis éloigné de 4 kms de mon domicile. soit 4 fois la distance autorisée pour courir ou faire ses courses.

un long voyage à travers des avenues et boulevards (presque) déserts. les feux fonctionnent encore. ils n’ont pas été confinés.

sur le chemin du retour je me suis offert le luxe de faire mes courses dans un supermarché hors de mon quartier.

souvenir 03

depuis que la crise a commencé je me rappelle souvent ces mouchoirs de poche en tissu. reliquat d’un vieux monde. les derniers adeptes vont devoir s’en défaire.

gamin, je voyais ma grand-mère qui rangeait le tissu, après en avoir fait une boule dans sa main, dans la poche de sa veste. elle utilisait des mouchoirs aux motifs quadrillés. des rouges. des bleus. mon père avait pris la même habitude. moi ça me dégoûtait et je refusais de les utiliser. la morve dégoulinait. dans la poche. je me demandais comment ils faisaient pour ne pas rencontrer ce liquide visqueux à chaque réouverture du mouchoir. ce tissu qui ressortait propre de la machine à laver, j’avais du mal à y croire.

Souvenir 02

j’étais en classe de 3è et je commençais à prendre goût à la littérature. jusque-là je me refusais à toute lecture. ça m’emmerdait, tout simplement. je ne faisais aucun effort. la lecture c’était pour les cons.

devoir de français. rédiger une fiction. j’imagine le journal d’un condamné à mort. en attendant de se faire trancher la tête, celui-ci attend très patiemment dans sa cellule aux côtés de piles de bouquins, ses meilleurs amis nous dit-il. grâce à eux tout semble aller pour le mieux.

romantisme puéril.

gaminerie.

sale gosse.

Souvenir 01

gamin, j’ai été hanté durant plusieurs années par le souvenir d’un feuilleton vu à la télé chez mes grand-parents pendant les vacances. un enfant se réveillait un matin et le monde avait disparu. il avait été projeté, seul, dans un autre temps, décalé de quelques minutes. il y était seul. tout était désert. il arrivait à communiquer avec sa famille, restée dans le monde originel, à travers une brique de lait, écran faisant la liaison entre les deux mondes.

longtemps j’ai obligé ma mère et les autres à prononcer bien clairement les mots “à demain” avant de me coucher afin d’être sûr que je ne me réveillerai pas seul.

si cette angoisse enfantine a fini par disparaître, il m’arrive parfois, en ce moment, d’avoir l’impression que mes écrans skype, zoom et autres, sont le miroir de cette brique de lait.