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Monoprix

Nous sommes allés ce matin à l’hypermarché de la Place des fêtes, seul moyen de trouver des chevilles en plastique pour la tablette de la cuisine. L’appartement étant plutôt mal exposé, nous cherchons à ménager un poste de travail dans le coin de la cuisine qui est au sud : trois heures de soleil entre 9h30 et 12h30, c’est plutôt bon à prendre.

La queue, non pas “soviétique”, ni même “d’après-guerre”, est simplement contre nature, avec des distances de sécurité respectées.

Des clodos slaloment entre les clients. Des flics contrôlent la fraîcheur des attestations, qu’il faut présenter datées du jour. Une Parisienne, mère de famille branchée, gueule contre ses enfants : “on amène la corde à sauter, c’est pour que vous l’utilisiez, je la reprends pas”. Manière de dire à tout le monde : avec des enfants c’est le pire, j’ai droit à votre compassion.

Dans le magasin tout le monde est à touche-touche mais ça ne compte plus, on est dans le groupe des élus : ceux qui peuvent faire leurs courses.

Promenade coupable

Le fait d’avoir besoin de se confesser n’est pas une nouveauté. En tout cas, pas pour moi.

En revanche, confesser une ballade de quoi ? 35, non, 38 minutes cet après-midi, représente une certaine difficulté. Je me laisse fliquer par Google depuis déjà quelques mois. Mes trajets quotidiens sont enregistrés quelque part, dans une ferme à data qui détruit l’atmosphère, que sais-je.

Voilà. Enfin, c’est une version édulcorée.
Cette fois-ci c’est moi qui me suis retrouvé à essayer de brandir un sac pour faire comme si je faisais vraiment des courses, là où j’étais. Enfin, j’en faisais, un peu.
C’est tuant qu’il n’y ait pas même une polémique dans l’affaire, pas une cause à rallier ou à détruire.

Bus vides

Devant la fenêtre un bus vide n°20 passe. Dans la journée on pouvait y voir, parfois, quelques rares passagers. En dehors de l’agitation habituelle du vendredi soir, tout est comme à l’accoutumée dans le quartier, depuis la fenêtre.
Peut-être plus de lumières allumées dans la tour d’en face ?
Je veux des preuves de l’existence de cette raison qui me force à demeurer. Non pas parce que je voudrais sortir mais parce qu’il a toujours été normal d’en avoir la possibilité.
Est-ce la définition de la privation de liberté ?

Pardon, je ne veux pas transformer la situation en prétexte à philosophie (pas chère), je m’interroge, seulement. Je suis surpris et il me semble qu’on le serait à moins. Et puis je cherche une occupation intellectuelle pour ne pas revenir sur les obscénités d’écrivains en vogue dans Le Monde.

Bref, je trépigne.

La haine de la communication

Le bureau de mon ordinateur.

Hier et aujourd’hui encore, les sms, les messages whatsapp, le mail de l’ENT, discord et quelques mails, sans compter les coups de fil aux parents d’élèves…

“Bientôt les êtres humains

S’enfuiront hors du monde

Alors s’établira

Le dialogue des machines

Et l’informationnel remplira

Triomphant

Le cadavre vidé

De la structure divine”

Michel Houellebecq, Présence humaine, Flammarion, 2000.


Molle autorité présidentielle

Paris, le 17 mars 2020

Paternel, le président de la République a demandé à tous les Français de rester chez eux. Pour le moment il use d’une autorité clémente. On sent qu’il pourrait rapidement dégainer des arrêtés plus radicaux. De toute façon, tout le monde attendait ce qu’il a dit. Depuis quelques jours, en France, on sait qu’il faut arrêter de penser que le virus a été bloqué par les frontières. Il est loin le temps où le nuage radioactif de Tchernobyl était contenu par les fortifications.