La leçon

De ma fenêtre, je vois encore le même type. Cette fois-ci, il est sur son vélo. L’autre jour, il marchait avec une femme. Hier, je l’ai croisé rue Pixérécourt. Il est clair qu’il abuse.

Comme le primeur improvisé. Comme ma cousine, qui se plaint de ne pas pouvoir sortir, alors qu’elle habite seule dans 100 m2. Comme les élèves, qui prétendent ne pas avoir reçu les consignes ou ne pas arriver à se connecter.

C’est moi qui vit le mieux. J’ai compris la situation, j’en ai perçu les subtilités internationales. Je suis au courant des implications socio-économiques de cette crise-sans-précédent. Je fais preuve, au quotidien, d’un équilibre parfaitement dosé de courage, de sérénité, de dignité mais aussi de révolte ; parce qu’on ne saurait accepter l’entrave, mais parce que j’ai compris à quel point elle nous révélait.

D’ailleurs, nul besoin pour moi d’en faire la démonstration. Il me suffit de convoquer le moindre argument d’autorité. Il me suffit de puiser dans l’immensité des références qui peuplent mon esprit pour faire face et pour analyser.

São paulo – dia 15

01.04

Está difícil escolher leituras. Agora que terminei minhas leituras anteriores estou com dificuldade em começar outras. Soma-se à dificuldade de escolher, a dificuldade de me concentrar. Abri alguns livros, tentei levar algumas frases. Nada vingou.

E, então, um pouco aleatoriamente e intuitivamente, decidi reler o meu livro preferido do final da adolescência: “Uma aprendizagem ou O livro dos prazeres”. E me deparei com um trecho magnífico, que fez meu corpo estremecer:

“É tão vasta a noite na montanha. Tão despovoada. A noite espanhola tem o perfume e o eco duro do sapateado da dança, a italiana tem o mar cálido mesmo se ausente. Mas a noite de Berna tem o silêncio.
Tenta-se em vão ler para não ouvi-lo, pensar depressa para disfarçá-lo, inventar um programa, frágil ponte que mas nos liga ao subitamente improvável dia de amanhã. Como ultrapassar essa paz que nos espreita. Montanhas tão altas que o desespero tem pudor. Os ouvidos se afinam, a cabeça se inclina, o corpo todo escuta: nenhum rumor. Nenhum galo possível. Como estar ao alcance dessa profunda meditação do silêncio? Desse silêncio sem lembranças de palavras. Se és morte, como te abençoar?
É um silêncio que não dorme (…) Ele é vazio e sem promessa. (…)
Pode-se tentar enganá-lo também. Deixa-se como por acaso livro da cabeceira cair no chão. Mas – horror – o livro cai dentro do silêncio e se perde na muda e parada voragem deste. E se um pássaro enlouquecido cantasse? Esperança inútil. O canto apenas atravessaria como uma leve flauta o silêncio. O que mais se parecia, no domínio do som, com o silêncio, era uma flauta. (…)
Depois nunca mais se esquece. Inútil fugir até para outra cidade. Pois quando menos se espera pode-se reconhecê-lo – de repente. Ao atravessar a rua no meio das buzinas dos carros. Entre uma gargalhada fantasmagórica e outra. Depois de uma palavra dita. Às vezes no próprio coração da palavra se reconhece o Silêncio. Os ouvidos se assombram, o olhar se esgazeia – ei-lo.”
(In: “Uma aprendizagem ou O livro dos prazeres, de Clarice Lispector)

la cabane

Ce matin, le balcon. 

L’ailleurs est ici. 

La giroflée, venue de Noirmoutier, m’emmène au bord de la mer. Outre son odeur douce et épicées, je sens les feuilles de cupressus sur le sable humide. Elle me rappelle l’enfance, les vacances de printemps, les grandes ballades et un autre confinement, celui de ma cabane. Dans ce petit endroit, isolé du monde, je pouvais inventer mon univers.

São paulo – dia 14

31.03

Não sei como o tempo passou, mas ele passou. Este último final de semana foi duro. Diversas crises de choro, com a certeza de que eu estava doente, infectada…

Hoje passei o dia faxinando. Queimei o dedo e percebi que o confinamento poderia ser pior, caso não tomasse cuidado – a casa é cheia de armadilhas. Passei o dia ruminando tudo isso. Não tive vontade nem energia para trabalhar. Não consegui ser disciplinada com a rotina. Quase não entrei em redes sociais.

Foi um estranho silêncio esta terça-feira. Não sabia o que queria fazer: ler um livro, escrever, assistir algo, trabalhar? O que significa trabalhar nesta situação?

Não conseguia nomear meu desejo, e passei a tarde sem rumo ou destino. Derivando na casa como um corpo leve, que se move sem qualquer motivo aparente, apenas com o corpo do vento. Me sentia transparente e vazia. Não consegui escrever a tarde toda.

Agora são 19h e me sentei finalmente em frente à mesa onde fica meu caderno. Tive coragem de abri-lo. A ponta do dedo indicador esquerdo ainda dói – da queimadura – uma enorme bolha protege o local queimado. A bolha é uma maneira do corpo de permitir que a pele se recomponha. Eu tento pensar se essa cicatriz, essa bolha, pode se tornar uma metáfora para algo. Mas não encontro figura de linguagem ou poesia no dia de hoje.

O meu mundo está mudo e surdo.

manque

Entre Thessalonique et Kavala, été 2019

Il me manque d’être ailleurs, de voir des ciels différents, de sentir ce qui fait me fait sentir un nouveau lieu. L’énergie qu’il me faut pour détailler et préciser mes pensées est beaucoup.

Sortie aujourd’hui à 15h15.
Passer par la maison à 16h pour chercher une stylo qui sert à remplacer les 5 avec les 6 sur l’attestation.

Vigie

À la fenêtre du salon, un camion recouvert de graffitis est garé depuis deux semaines, je crois. Je ne l’avais pas remarqué. Il était sûrement déjà là avant. S’organise, alentours, un commerce de fruits et légumes. Le chauffeur distribue sa marchandise, depuis le hayon, à une clientèle qui m’était inconnue.

De la station Télégraphe, descendent des hommes en blouson de cuir vinyle, coupés court, l’air pas commode. Des originaux, un type en manteau militaire et guêtres, une femme et sa doudoune dorée.
Fenêtre sur rue.

Des voitures s’obstinent à descendre la rue de Belleville pour aller où ? Où peut-on aller ? Le bus 20 : à son bord un voyageur, parfois aucun.

Souleveur des problèmes

On a passé à l’heure d’été aujourd’hui en France. Il fait froid et le soleil ne nous éclaire plus comme il faisait jusqu’au hier. 

Un dimanche, qui a commencé avec quelques petits missions manuel suite à un bon petit déjeuner. J’ai poncé et huilé quelques planches dans la court. Le mode de bricolage qui sauve. 

Planche de droite huilée, celle de gauche pas encore huilée.

Le reste de la journée jusqu’à 15h était occupé par la lecture des infos sur le virus. Oui, je me suis sentie prête à me confronter à l’actualité à la fin de la 2eme semaine de la « crise sanitaire ». Un seul article que je lis jusqu’au bout sur l’Afrique où la propagation du virus est moins précipité (en ce moment) comparé à l’Europe. Mais, ils ont d’autres problèmes, qui les empêcherais de passer en mode de confinement totale: on doit sortir pour gagner sa vie. Rester à la maison voudrais dire pour la plupart mourir de la faim. Les hôpitaux en Afrique, au centre notamment, ne sont pas équipés du tout. J’ai lu « 50 respiratoires » ce qu’il y a à l’hôpital public d’une ville de 12 million (Kinshasa).

Dans une vidéo, un médecin turc parle de la grandeur des chiffres de covid positifs dans le pays, par une accélération de propagation presque comme en Italie. Mon beau frère envoi une video de la mer de leur maison secondaire parlant de l’ indisponibilité de rester chez eux avec une fille de 4 ans.

Je ne suis pas sortie du tout finalement. Le quartier de 1km de mon domicile ne me parle pas beaucoup ce dimanche gris et froid. Le travail de thèse m’occupe bien ainsi que l’immeuble d’en face.

numbers

exponential growth over 7 days demonstrated with coffee beans

505,375, 58,247, 37,575, 123,898

Every day I am looking at numbers and trying to make meaning of them. I look at different maps, graphics, desperate to comprehend the full meaning. Sometimes I find them comforting. They make me feel like I am in control. 

Germany is still below Iran. Well that’s good,” I say to myself. “Our death rates are still pretty low. What about France? How are they doing? Infection rates are lower. Good for France. What about those little countries? Greece only has about 100. They are okay.” 

It’s as if I am observing a sports match and analysing teams. I don’t even watch sports.

Then the numbers become too much. I get overwhelmed. I can’t comprehend the factors; exponential rates of growth. The control is lost.

souvenir 04

je me souviens de ce vieux monsieur, au bord de sa fenêtre, dans la rue de mon lycée. un vieux monsieur dégueu. il passait son temps à la fenêtre. il regardait tout ce qu’il se passait dans la rue. déserte la plupart du temps.
aujourd’hui ce vieux dégueu c’est moi. et les lycéens sont les pompiers d’en face.

bientôt je serai capable de faire tourner une caserne.

Le nécessaire

Hier soir, sur Skype avec Ophir et Briac, nous avons parlé du confinement, plutôt du point de vue positif. Notamment la liberté que nous avons de gérer le temps, sans aucune contrainte extérieure, comme il n’y en a pas presque pas. En restant chez toi, tu fais ta plus grande contribution à la société, et dans ce cas, où est le mal de penser à soi ?
Un jeu de logique, super bien adapté à Skype, a suivi cette conversation. Il m’a décidément fait oublier mes préoccupations sur la suite des jours de confinement.

Réveillée avec des idées ambiguës sur le sujet d’hier soir.

Besoin de contact direct et d’action !
J’ai semé les graines de persil, tomate et basilique sous le soleil en écoutant une émission sur la pièce de Beckett En attendant Godot. J’ai aussi fait du levain pour le pain et le yaourt.
Puis, je suis sortie pour faire une balade en fin d’après-midi, comme hier, mais à vélo ce soir. Normalement ça me suffirait pour changer mon humeur, mais le confinement consomme plus d’énergie de mon ordre mentale. Symptômes du besoin d’une interaction réelle. J’ai cru avoir réglé ce problème la semaine dernière mais non. Mais un autre gros problème c’est ce qui nous (le globe) attend après le confinement ?

L’apparence du levain du yaourt le premier jour

Revue de presse

Je “lis” trois journaux. Mediapart, quelques articles jusqu’au bout, Le Monde, comme on lirait un journal gratuit dans le métro ou une dépêche d’agence de presse et Le Figaro, les titres et les débuts d’articles seulement.
Ce matin, j’ai particulièrement apprécié leur polarisation. C’est sûrement le bénéfice des évènements exceptionnels, ils ramènent aux valeurs fondamentales. En voici un florilège.

Le Figaro :
“Confinement, vacances annulées… Les conseils d’une psy pour parler du coronavirus aux enfants”
“Alain Finkielkraut: «Le nihilisme n’a pas encore vaincu, nous demeurons une civilisation»”
“Appel à la grève: «Une attitude irresponsable en ces temps de guerre sanitaire»”
“Coronavirus: poussée de fièvre anti-Parisiens à Noirmoutier”

Mediapart :
“Médicaments : des hôpitaux au bord de la pénurie”
“Les croisières de rêve virent au cauchemar”
“Yémen : cinq ans sous les bombes”
“Le gouvernement fait marche arrière sur les dividendes”

Le Monde :
“Coronavirus : Emmanuel Macron plaide pour une « solidarité » budgétaire européenne”
“Confinement : quelles applications pour les appels vidéo avec vos proches ?”
“En Allemagne, l’aide à domicile pâtit de la fermeture des frontières”
“Les 5 infos non liées au coronavirus que vous avez peut-être manquées cette semaine”

Les choix

J’écris en turc ou en français ?
Je me balade à pied ou à vélo ?
Les courses, une fois par semaine ou on cherche de la glace vite fait ?
Je vais lire les infos, non regarder un court métrage, non j’aimerais écouter des nouvelles chansons ! Je ne sais pas comment trouver, en tout cas je n’ai pas de patience.

Frustration de rester indécise devant si peu de choix comparé à la période normale, d’une part et d’autre part la culpabilisation d’être occupée que par soi-même et par les autres en leur demandant de faire “vraiment beaucoup attention” (surtout toi maman)…
Plus tard, je me trouve devant mon ordinateur qui m’est très insuffisant car il n’est qu’un ordinateur, qui me sert quand je sais déjà quoi faire.

On est sorti pour faire un balade avec Thomas. Juste après le métro Botzaris, le police devant le parc de Buttes Chaumont :
– Vous êtes à 1.1 km de chez vous. L’autre police, dame
– Rue du soleil, c’est pas très loin mais regardons la carte. Moi,
– On va vite tourner de toute façon vers la gauche pour rentrer. Lui
– et votre attestation ?
– Oups, j’ai du la faire tomber tout à l’heure, en regardant le soleil, mais voici (je sors de ma poche) celle d’hier, même heure. Vraiment !
– Je vous économise de 135 €, maintenant rentrez chez vous direct !