Archives de catégorie : Paris

#jesuisCouvre-feu

De retour d’une promenade à vélo, vous prenez une bière place de Rhin et Danube (qui nomme l’armée de libération en 1944 et non un chant patriotique de 1870). Il est 19h45.

Mais c’est une veille de couvre-feu ratée parce qu’un professeur de collège a été égorgé au nom d’Allah. Ainsi, cette nouvelle étape dans l’aventure pandémique est-elle annulée par l’urgence laïque, voire, on le sent bien dans l’air lourd du soir, l’urgence de désislamiser le pays. L’idée que quelqu’un puisse égorger son prochain n’est pas associée à la tendance criminelle du meurtrier mais à son appartenance religieuse fondamentaliste. Il l’a dit, on le croit, “on vous l’avait bien dit” a précisé la famille Le Pen.

Une du Monde vers 22h30, samedi 17 octobre 2020

Bref, vous avez pris cette bière et vous avez réussi à passer par le grand Monoprix de la Place des fêtes juste avant la fermeture de 21h. Des voitures et des scooters circulent quand-même rue de Belleville, dans l’ambiance retrouvée de mars-avril dernier.

N’empêche, tu profites d’un retour de haine pour savourer #jesuisprof en attendant le mois prochain qu’on se rappelle combien tu tires au flanc et combien tu as trop de vacances.

À pied et à vélo

Hier, après les cours, je suis sorti à pied pour aller voir l’eau au Port de l’Arsenal. Je voulais vérifier que sa transparence était comme sur les photos du « Parisien » : avec les algues visibles. En descendant la rue de Belleville, j’ai été vivement ramené au réel par la pétarade des scooters. C’était une bonne idée de téléphoner à C. Notre échange a fait écran, m’a certainement évité de protester intérieurement contre les canards sans tête ; les autres.

Pourtant, dès la sortie de la maison, le trottoir devant le garage de notre voisin, réparateur de motos (et surtout de scooters), concentrait une population de jeune types, toujours prêts au combat de virilité de celui qui changera en dernier de place pour laisser passer les piétons. Soupirs à l’infini…

Après avoir récupéré mon vélo et roulé jusqu’au XIIe, j’ai prolongé la marche jusqu’au lac Daumesnil. La nuit qui monte et le paysage fabriqué des arbres et de la grotte, représentent un apaisement considérable. Je retrouve É, amical et inchangé.
Au retour sur mon vélo, à la nuit, mes jambes me lancent dans la montée rue de la Chine.

Ce matin une cycliste descendait la pente, depuis la Porte des Lilas, sacoches rouges à l’arrière, équipement complet pour une longue randonnée. Je crois que je ne vais pas tarder à faire la même chose.

Enfin TouT va bIen

Enfin le jour X est arrivé !

Au début du confinement j’avais une image très naïve de ce jour-ci : j’imaginais faire la fête et embrasser tous mes amis au milieu de la rue, soulagés, en souriant et en pleurant en même temps, dans une ambiance entre le carnaval et la fin de la coupe du monde au Brésil. 

Plus le temps passait je me suis convaincue de l’absurdité de mes pensées. Puisque le virus est toujours là et que ça suffit qu’on recommence « la normalité » pour qu’une deuxième vague y arrive, je ne me sens pas de tout de faire un pas trop grand pour l’instant. 

Par contre j’ai bien quitté l’appartement de L. comme prévu. Après 55 jours, j’ai croisé la ville en Uber. Il y avait de plastique partout, sur le banc, le sol et entre moi et le conducteur un rideau improvisé qui nous empêchait de nous regarder. Je n’ai pas vu son visage. Pas un mot échangé au delà du bonjour et d’un au revoir, bon courage. Il a parlé au téléphone pendant tout le voyage et le seul mot que j’ai pu comprendre c’était corona, corona, corona, répétait plusieurs fois. 

Par la fenêtre j’ai vu une queue immense devant le Darty à République. Je me suis demandé la vrai nécessité de ce gens d’y acheter. Pessimiste je me suis dit qu’ils profitent pour bien équiper leur maison en se préparant pour le prochain confinement. Encore plus des outils pour faire des bons gâteaux et du pain, avant qu’il ne soit pas trop tard. 

Ensuite aux Grands Boulevards l’embouteillage nous rappelait bien « le monde d’avant ». 

Je suis enfin arrivée chez moi après deux mois. Pas si différent comment j’avais imaginé : pas de poussière ni d’odeur étrange. Les plantes sont un peu tristes mais encore vivantes. Comme nous peut être.

Rien semble avoir eu lieu par ici…

J’ai l’impression que demain au réveil, je confirmerais que c’était juste un long rêve, comme ce matin, qu’après avoir un cauchemar au cours duquel ma dent était arrachée, je l’ai cherché avec ma langue en vérifiant qu’elle était bien là. 
Oui, tout va bien, je me suis dit.

(Ou pas. Mais qui le sait ?)

Merci et à bientôt

Que désirez-vous le lendemain du déconfinement ?

– Que l’on continue à applaudir tous les jours à 20h.
– Non, que l’on maintienne plutôt les appels sur Skype que les rencontres réelles.
– Non, que l’on reste dans la zone d’un kilomètre.
– Non non que l’on évite les contacts proches avec les autres.

Des jours fériés consécutifs tombant sur le vendredi, plus du grand soleil et l’air doux, fait que la sérénité se manifeste les week-end depuis deux semaines. Cela est différent, car c’est le dernier. N’empêche qu’hier, on est retourné au supermarché pour refaire un énorme plein de courses. Dans la queue je demande au monsieur :
– Vous faites la queue ?
– Oui, la queue pour Monoprix. (Voulant parler plus) vous avez écouté le discours de monsieur le primer ministre ?
– Non.

Ayant trop envie de me parler il cherche mon regard en faisant des gestes avec ses mains. Je regarde mon téléphone pour rattraper les nouveautés du déconfinement, sans rentrer en conversation direct avec quelqu’un. Ça fait plus de 50 jours que je n’ai pas eu un échange direct avec quelqu’un d’autre que Thomas.

Sortant du supermarché, on entend les dames assises sur le banc de la place parler de nos courses :
– Oh la la, c’est pourquoi tout ça ?  (en indiquant nos sacs remplis avec leur tête).

C’est vrai qu’avec les courses d’hier, il n’y aura pas besoin d’un tour alimentaire avant au moins 10 jours. Mais, à part la possibilité de rencontrer des amis, je ne suis pas encore intéressée par le bénéfice du plan officiel de déconfinement prévu par le gouvernement dans la zone rouge. D’une part, je me demande ce que nous ferons avec toutes les habitudes qu’on a tenu pendant deux mois : les balades, le jardinage, le pain, la lecture intensive, le yoga, l’écriture et bien sûr, la distanciation sociale ! et d’autre part, on se prépare à retourner aux anciennes habitudes.

Un ami qui vient d’entrer à Paris nous propose :
– Apéro sur les rives de Seine lundi soir ?

Une tache ardue : identifier le sentiment dont la proposition relève… excitation ou inquiétude ? impatience ou indifférence ?

TEMPO TEMPO TEMPO TEMPO

Je regarde la rue par le bacon et j’ai un moment de stupéfaction : je remarque que dehors tout est vert.

Ça fait 50 jours que j’y suis, avant il n’avait pas des feuilles dans les arbres. On a vu le printemps passer par la fenêtre. Elle semble très évidente cette constatation.   

Mais ça m’étonne en fait cette perception du passage du temps. Beaucoup de temps, assez long, pas assez, un hors-temps ?

La vie, malgré tout, elle est là, elle pousse.

Le temps, il n’a pas arrêté, malgré nous.

Sacré temps.

(C’est très bête mais je suis remplie d’espoir).

Ainda assim acredito
Ser possível reunirmo-nos
Tempo, Tempo, Tempo, Tempo
Num outro nível de vínculo

Tempo, Tempo, Tempo, Tempo

Oração ao tempo, Caetano Veloso

La vie normale // Normal Hayat

// sonra Türkçe

L’odeur du jasmin que j’ai arraché du jardin, au croisement de la rue Agustin Thierry et de la rue Compans remplit le salon.
L’odeur de jasmin dans le pot de la fenêtre va-t-elle avec le kebab d’en dessous ?

Depuis quelques jours, une vague de stress se fait également sentir. Lorsque je ressens cette humeur deux jours consécutifs, le sentiment se double et il semble que quelque chose se passe depuis 4 jours. Le temps devient lourd. Mes rêves deviennent également sombres. Je me réconforte en pensant aux promenades que je ferai le matin.
Il y a des changements dans le quartier. De nombreux commerçants ont commencé à ouvrir, bien que le confinement se poursuive. La laverie d’en dessous est ouverte depuis le 1er mai (confiné) et pour son voisin j’avais déjà réservé un article en l’honneur de son ouverture. Le plus rigolo, c’est le bar de la rue des Rigoles, qui sert des boissons à l’entrée. Je ne comprends pas en quoi c’est intéressant, alors que le temps a commencé à se gâter depuis une semaine. Non seulement les fleuristes et les librairies, mais les quincailleries sont également ouvertes. Je m’imagine faire la queue derrière quelqu’un qui ne sait pas quel livre acheter. Quelle patience…
Les nuits où le bruit de voiture était absent sont finies. J’ai entendu les voix des passants jusqu’à 2-3 heures samedi soir. (Oui, le sommeil n’est pas mon domaine de prédilection). Bref, tout le monde a commencé à se préparer à retourner à la vie urbaine.

Malotru au Bureau des Légendes, s’inquiétait également de retrouver sa vie normale. Et moi, je suis occupée à différencier la vie normale que je vis actuellement de celle d’avant. C’est comme si la question des responsabilités, qui m’avaient été enlevées depuis longtemps à cause du confinement, viendrait se poser à nouveau. Parce que j’ai l’impression d’avoir fait ma sélection de vie normale d’une manière différente d’auparavant. Ça ressemble à la nouveauté que j’avais ressentie lorsque j’ai arrêté de fumer. La question c’est : est-ce que je vais tenir le coup ?

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Salon masasının üstündeki yaseminin kokusu burnumu yokluyor sanki. Bir kaç aksam önce Rue Agustin Thierry ile Rue Compan’in kesiştiği yerdeki binanın bahçesinden koparmıştım. Pencerenin önündeki saksıdaki yaseminin kokusu da aşağıdaki dönerciye gidiyor mu acaba ?

Bir kaç gündür bir stres dalgası yokluyor bir yandan da. Bu duygu halini iki gün üst üste yaşayınca, hissiyatı ikiye katlanıyor, 4 gündür böyle şeyler oluyor gibi geliyor. Zaman ağırlaşıyor. Rüyalarım da karanlıklaşıyor. Sabahları gün içinde yapacağım yürüyüşleri düşünerek rahatlatıyorum kendimi.

Değişiklikler var mahallede. Bir çok esnaf açmaya başladı, karantina devam etse de. Hemen altımızdaki çamaşırhane 1 Mayıs’ta, yanındaki dönercinin açılışının şerefine zaten bir makale ayırmıştım. Çiçekçiler, kitapçılar ve hırdavatçılar da açıldı. Kitapçıların önünde de sıra oluyor artık. Düşünsene hangi kitabi alacağını bilmediğin bir Parislinin dükkândan çıkacağı zamanı göze alarak sıraya girdiğini ! Ne sabır ama…

Artık araba seslerinin hiç olmadığı geceler de bitti. Cumartesi gecesi 2-3’e kadar yoldan geçenlerin seslerini duydum. (Evet uykum son zamanlarda zirve rahatsızlığını yaşıyor.) Kısacası herkesler şehir hayatına dönme hazırlıklarını yapmaya başladı.

Bureau des Legendes’daki Maloutru da normal hayatına dönmek için endişeleniyordu. Bense su anda yasadığımın normal hayattan farkını ayırt etmekle meşgulüm. Sanki bunca zamandır bana karantinadan dolayı dokunmayan sorumluluklar hesap sormaya gelecek gibi. Çünkü ben normal hayat seçimimi eskiye göre farklı bir yönde yapmış gibi hissediyorum. Aynı sigarayı bıraktığımda hissettiğim yenilik gibi bir duygu bu. Mesela bunu ise bunu sürdürmek sürdüremeyeceğim.

Perdre

Ça fait dix jours plus au moins que je me suis perdue : entre l’annonce de l’annulation du festival d’Arles –pour qui je travaille -, le « deuil » du projet interrompu et la nécessité de créer une nouvelle routine. Au début, j’ai eu le cœur serré. L’annonce a été violent. J’ai essayé de penser à ce que je ferais pendant le chômage technique, d’ici jusqu’à la fin du contrat en juillet (et après à la recherche d’un nouveau boulot !). C’est la première année depuis trois ans que je ne passerai pas mon séjour de deux mois à Arles.  

Ensuite j’ai ressenti une liberté immense, une excitation, l’opportunité de créer, de se réinventer de nouveaux scénarios. Dessiner ; écrire un projet de recherche de post-master, apprendre à renderizer des maquettes 3D ; préparer mon CV et portfolio pour faire des candidatures spontanées ; créer un livre avec des images du confinement. Bref. Mes journées de la semaine dernière ont été très flottantes, jamais concentrée.

Vendredi, premier mai, comme pour respect à cette journée, j’ai décidé de laisser tous les possibles projets en suspens. J’ai décidé de m’arrêter, de ne pas être productive.

J’ai pris un livre au hasard, sans avoir aucune idée de son contenu et de son origine, dans la bibliothèque qui ne m’appartient pas. Pendant sept semaines j’ai observé ce livre « l’Art de perdre » sans ne jamais l’ouvrir avec un mixte d’intérêt et méfiance. Je n’aimais pas le titre, il me semblait livre de développement personnel. Il me dérangeait. Depuis vendredi je suis complétement submergée par l’histoire de ce roman sur la fuite de la guerre en Algérie, sur le dépaysement forcé et la recherche des identités. Je me laisse oublier en suivant Naïma qui essaie de tracer son histoire en rassemblant les fils perdus et silencieux des souvenirs de sa famille.

« Tous les trois continuent à marcher en silence sur les champs hivernaux. Ali se retourne parfois vers ses deux fils ainés et il pense, sans oser leur dire mais en espérant qu’ils puissent le comprendre : Regardez bien tout ce qui se trouve autour de vous, fabriquez-vous des souvenirs de chaque branche, de chaque parcelle, car on ne sait pas ce qu’on va garder. Je voulais tout vous donner mais je ne suis plus sûr de rien. Peut-être que nous serons tous morts demain. Peut-être que ces arbres brûleront avant que j’aie réalisé ce qui se passe. Ce qui est écrit nous est étranger et le bonheur nous tombe dessus ou nous fuit sans que l’on sache comment ni pourquoi, on ne saura jamais, autant chercher les racines du brouillard. 

C’est à partir de là qu’il n’y a plus de vignettes, plus d’images aux couleurs vives que l’âge a délavées jusqu’aux pastels qui rendent toute scène charmante. Elles sont remplacées par des morceaux tordus ressurgis des souvenirs de Hamid et retravaillés par des années de silence et rêves hirsutes, éclats d’information que lâche Ali au détour d’une phrase avant de répondre le contraire quand on l’interroge, bribes de récits que l’on dirait tirés de films de guerre sans que personne n’ait été là pour les vivre. Et entre ces poussières, comme une pâte, comme du plâtre qui se glisserait dans les fentes, comme les pièces d’argent que l’on fond sur la montagne pour servir de montures aux coraux parfois gros comme la paume, il y a les recherches menées par Naïma plus de soixante ans après le départ d’Algérie qui tentent de donner une forme, un ordre à ce qui n’en a pas, n’en a peut-être jamais eu. »

(L’Art de perdre, Alice Zeniter, Ed, Flammarion, p. 121)

Sport

J’ai fait l’effort de chercher sur Youtube une vidéo de gymnastique, de musculation pour être précis.

L’enjeu est pour moi de taille : accepter de m’entretenir sans le prétexte du déplacement. En effet, si j’aime faire du vélo ou marcher c’est parce que l’utilisation d’un moyen de transport permet, justement, le trajet qui est, en quelque sorte, le récit d’un voyage. Au contraire, les longueurs de piscine, le jogging, à plus forte raison la gymnastique et, qui plus est, à la maison, m’étaient jusqu’alors impossibles parce que trop abstraits.

Disons, pour tenter une comparaison, que la gymnastique correspond à la lecture d’un essai : s’entretenir physiquement c’est un peu comme apprendre sans récit, sans l’aide d’un récit qui fait oublier à quel point l’apprentissage peut être forcé. Au contraire, donc, le tour de vélo, qui suppose un but de promenade, enrobe le sport sous un glacis de paysages, sous l’excuse du lieu où aller.

Il est désormais trop tard pour user de stratagèmes : je peux faire du sport.

rêve 03

Je n’ai pas rêvé. Pourtant hier soir, après avoir vu Phenomena de Dario Argento j’étais persuadé que ma nuit serait faite de cauchemar. Au moins un, j’étais peut-être à la recherche de cela après tout. J’en suis au troisième Dario Argento en à peine 7 jours.
D’abord Suspiria, une atmosphère angoissante. Des lumières oniriques et faites de brouillard, teintées de bleue et de rouge. S’y ajoutaient, sur les parois de ma chambre les ondes bleutées du gyrophare des camions de pompier qui passaient à travers la vitre, tout cela en pleine nuit. Il n’y a pas eu de cauchemar.
Quelques jour plus tard, Ténèbres. Une erreur probablement m’impose un doublage en italien, l’action se situe en Italie, des acteurs italiens, d’autres américains, je ne sais plus trop s’il s’agit d’un doublage ou de la version originale, je ne fais pas attention à chaque mouvement de lèvres. L’acteur principal lui est américain, c’est d’ailleurs flagrant, et il est clairement doublé, c’est flagrant aussi. Peut-être que cela me permet de prendre un peu de distance avec les égorgements à coups de rasoir et les coups de hache qui découpent des omoplates. Bref, toujours pas de cauchemar.
Hier donc c’était Phenomena. Quelques frissons vers la fin du film mais surtout l’expression d’un certain dégout. Trop d’insectes et de larves. De corps en pleine putréfaction. Le corps baigné de Jennifer Connelly, encore adolescente, dans une eau marron, on dirait des excréments, de la pleine merde jaillit des égouts mais ce sont des armées d’asticots et des bouts de membres à moitié rongés, visqueux, en train de se liquéfier. Son corps plonge er replonge dans la mélasse. C’est la noyade. Des hauts le coeur, la scène m’incomode, un peu. Les asticots me rappellent les milliers de vers séchés que j’ai vu l’autre jour dans la poussière qui gît dans le plancher lorsque j’ai soulevé une latte de parquet. Et le visage déchiqueté de l’enfant infirme, les larves qui s’y baladent, puis les mouches qui massacrent le tout. Cette nuit, j’en suis sûr, les cauchemars seront là. Retirer le t-shirt pour prévenir les litres de transpiration qui inonderont les draps. Et si les asticots sous le plancher se réveillaient et venaient me ronger le visage pendant la nuit ? J’éprouve le besoin d’allumer la lumière pour reprendre contact avec la réalité, ce n’est pas suffisant et je visionne quelques vidéos pathétiques de plateaux télévisés invitant de jeunes personnes à montrer un de leur talent. Je visionne en diagonale, je ne comprends pas trop ce qu’il y a à gagner. J’éteins finalement la lumière, j’ai retrouvé un peu de légèreté et peux m’endormir calmement.
Une erreur sans doute qui m’éloignera de Dario. Aucun cauchemar ne s’est emparé de mon corps cette nuit. Quel dommage.
Ce matin, pour reprendre contact avec un univers paranormal j’écoute à pleine balle la BO de Phenomena.
Iron Maiden
Motorhead
Goblin
et le titre Phenomena de Claudio Simonetti, je conseille, de préférence dans un environnement confiné et dans la solitude la plus extrême.

Rétréci / Shrunk

Je ne suis plus si sûr d’avoir été franc en écrivant mes derniers articles. Non pas que je veuille l’être entièrement, on sait bien qu’écrire c’est toujours “mentir-vrai”. Mais l’écriture-vérité du journal suppose une certaine franchise, avec soi-même.

Ainsi, j’ai découvert ces derniers temps que je ne pouvais pas durablement vivre isolé. J’ai dû m’avouer que le repli sur soi n’était pas un signe noble de refus du matérialisme, ni une brave mise à distance des réseaux-de-communication-qui-pompent-notre-temps.
Non, j’ai broyé du noir.

J’en suis venu à la conclusion suivante : dans le monde dans lequel nous sommes entré, le moindre aphte, la moindre assiette cassée, la plus légère trace, la plus simple manifestation sonore des voisins peuvent virer au drame. Ces broutilles ne trouvent pas la perspective, la scène large du quotidien, pour apparaître à leur taille normale : infime.
Il s’agit de reconnaître ce changement d’échelle et de vivre honnêtement en fonction de cette nouveauté. Nier la transformation pourrait nous empêcher d’en recueillir les avantages et finir, peut-être, par devenir dangereux.

Daily Corona : 45

// dan sonra türkçe

Nous sommes au 45e jour de notre aventure (tout au moins c’était comme une aventure, au début) de confinement. Dans cette période, je peux assigner au moins un thème à chaque semaine, même si je ne peux pas les compter un par un,  et j’appellerais celle-ci « la semaine de l’intolérance à la vidéo ».  Parce que maintenant, la proximité que je sens dans le partage que nous faisons à travers l’écran ne me suffit plus. Je ne sais pas s’il faut lire l’horoscope ou les actualités, mais je pense que l’impatience obstinée, due au fait de savoir que nous sommes à la fin du confinement prévaut et ça émet des ondes négatives autour de moi. Dans mon esprit, ça devrait être le meilleur moment pour commencer à me plaindre, car dans 12 jours, la distance de 1 km du domicile passera à 100 km, et là nous pourrons marcher confortablement sans justifier chaque sortie de maison. Pas seulement marcher, on pourra même faire du vélo. Non, les piscines ou les cinémas ne seront pas en service immédiatement, mais au moins la zone d’incarcération s’agrandira.

J’adresse ma gratitude à Godard, Hitchcock, Eric Rochant, Chabrol et bien sûr Rohmer pour avoir réalisé des films qui m’accompagnent dans cette traversée. Grâce à vous, je ne me suis jamais sentie seule.

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Ev hapsinde sürdürdüğümüz maceranın (en azından başında macera gibiydi) 45. günündeyiz. Teker teker sayamayacak olsam da her haftasına en az bir tema atayabileceğim bu dönemin içinde bulunduğumuz bu haftasına “görüntülü konuşmaya tahammülsüzlük haftası” adını koydum. Çünkü artık ekran aracılıyla yaptığımız paylaşımlardaki geçici duyarlılığın daha fazlasına ihtiyacım var. Yıldız falına mı bakmalı yoksa haberlere mi bilmiyorum ama galiba işin sonuna geldiğimizi bilmekten kaynaklı inatçı bir sabırsızlık hakim ve durmadan negatif dalgalar yayıyor çevreme. Kendimce şikayet etmeye başlamanın için en doğru zamanı muhtemelen şu an, çünkü 12 gün sonra 1km olan evden uzaklaşma sınırı 100km’ye çıkacak, üstelik artık her evden çıkışımızı gerekçelendirmeden rahatça yürüyebileceğiz. Ne yürümesi, bisiklet bile sürebileceğiz. Hayır, havuz ya da sinemalar hemen devreye girmeyecek ama en azından hapis alanı genişleyecek.  

Bana bu süreçte eşlik eden filmler yaptıkları için Godard’a, Hitchcock’a, Eric Rochant’a, Chabrol’e ve tabi ki Rohmer’e buradan minnetlerimi gönderiyorum. Sayenizde kendimi hiç yalnız hissetmedim.  

balkonda düşünceler

Uzun zamandır yazmak konusunda tereddüt ettim. Herşey sıradanlaştı hissine kapıldım. Bir çok bir çok işle uğraştım. Ve sonunda sakinleşip dedim ki; yaptığım herşey bana dair değil mi? neden sıradan olsun? Yorulmak normal zamanlarımızda da hayatımızın bir parçasıydı. Sıkılmak da.

Evet bir çok arkadaşımın dediği gibi yaratıcılığın sosyal yaşantılardan beslendiğine katılıyorum. Ama içime dönüp baktığımda o kadar çaresiz bir ben görmedim başından beri. Sevilin bir yazısında bahsettiği gibi giderek hoşnut olduğum durumlar oluştu evde kalma zorunluluğunda. Bütün bunlar geçince dışarı çıkmak isteyeceğimden pek emin değilim artık. Ve yine bir arkadaşımla sohbet ederken onun da benim gibi sadeleşen hayatından çok memnun olduğunu öğrendim. İçime su serpen kendinden sıkılmanın olağanlığı durumu kendini yeniden keşfetmeye zaman tanıyor gibi. Bu çok da kişiselleşmiş tespitimin akabinde evde kalabilme lüksüne sahip kesimin bu imtiyazdan uzak kalan insanlara bağımlılığını hatırlatıyor yeniden. Dışarıdakilere.

Bu konuya sınıf farklılıklarıyla değil de daha kendi yaşamımdan hissettiklerimle değinmek istiyorum. Mesela kendine bakmaktan sıkılma durumu ile ilgili şımarıklıklarımızdan. Alışveriş yapmak yemek pişirmek temizlik yapmak gibi. Bunları kendimiz yapmaya başlayınca hayatın ister istemez sadeleştiğini seziyorum. Gereksiz olan eylemlerin (harcamalar)bir kenara atılabildiğini, abartılı alışkanlıkların giderek daha az yer işgal ettiğini ve bizi terkettiğini. Tüketim listemizin daha çok önceliklerle planlandığını farkediyorum. Elde olanla yaşamaya çalışmak normal zamanlarda bize neden bu kadar distopik bir hikaye gibi geliyordu. Kendi adıma bunları düşünecek zamanım ve enerjim yoktu diyebilirim. Ya da düşündüğüm kadarı yeterli gelmiyordu. Ayrıca okula giden çocuklarımla sisteme çok da güzel bir adaptasyon kanalım vardı. Onlar beni ben onları her gün yeniden sistem için kuruyorduk sanırım. Bizi saldılar bir süre için. Şimdi herkes kendi başının çaresine baksın. Tabi ki tamamen bir salıverme değil ancak kimse sokaklara döndüğü zaman eskisi gibi olmayacak diye umut ediyorum. En azından ben kendi adıma bir adım ötemdeyim diyebilirim artık.

FreeConferenceCall.com

Tout le monde est particulièrement sensible, ces temps-ci, aux moyens de communication. Avant, on s’amusait, on s’essayait timidement aux vecteurs proposés sur Internet : leur nombre s’accumulait au rythme d’une curieuse redondance (apparente ?). Il était doucement accepté de se tenir à distance, d’arborer même parfois une ignorance de toutes ces imbécilités, gage de sérieux par ailleurs : le temps où l’on imprimait les mails, comme la manifestation d’un refus de faire confiance à l’écran en tant que support de lecture, n’était pas si loin. Cette ère est révolue.

Nous avons eu une heure de discussion, couplant l’appel téléphonique et WhatsApp desktop, pour parler du retour en classe le 11 mai : abandon d’un modèle d’enseignement à distance qui fonctionne tant bien que mal contre urgence d’un retour au collège pour des élèves perdus, voire en danger.

Les Français peints par eux-mêmes : une discussion en avril 2020 dans le 20e arrondissement de Paris.

Jesus est Vivant

Rue d’Annam,
19/04/2020, 20h47

Contenant peu d’étonnement mais pas mal de concentration au travail, le déroulement de chaque jour se ressemble depuis déjà plusieurs semaines en plusieurs points. Grâce à la fidélité aux routines quotidiennes, je m’en sors mieux avec la difficulté de rester à la maison.  

Malgré le printemps, il fait frais à l’intérieur de l’appartement, comparé au temps dehors. Il est devenu une habitude de sortir vers 16h, pour me réchauffer et lire sous le soleil. La Place des Fêtes est le coin plus proche, étant l’unique espace vaste, elle est toujours animée par les enfants et les parents. C’est le symbole le plus agréable de mon quartier proche, depuis la fermeture des marchés parisien.  

Les balades, comme les jours, se ressemblent aussi. Le nombre des rues inconnues dans la zone d’1km est presque zéro. Il faut faire un inventaire pour savoir quelles sont les rues qui n’ont pas encore été traversées au moins une fois. Bien qu’une heure par jour ne soit beaucoup, ces balades suffisent (je dois me raisonner) à me reconnecter à la vie métropolitaine, en observant les details visibles à tous. 

La seule chose que je n’aime pas dans ce quotidien est le moment entre 20h00-20h03 dans la journée.

numérique 01

Ils forment un couple, il a fêté ses 70 ans cette année, elle ne tardera pas à faire de même. Il s’appelle J, elle s’appelle A, un prénom que certains lui ont crié “pour qu’elle revienne” : d’autres mais pas J. m’a-t-elle dit un jour. En tout cas elle est toujours là. Ils sont nos patrons. Officiellement il est seul patron et elle est salariée, mais ça c’est sur le papier.
X et moi avons rendez-vous avec eux à 17h pour une réunion en visioconférence, un genre de réunion assez prisé en ce moment. Alice et moi avons téléchargé le logiciel qu’ils ont utilisé il y a quelque jour pour une autre réunion.
Il est 17h. On s’appelle par téléphone. A nous demande un rab de 15 minutes. Des papiers à remplir pour la banque. Vers 17h40 elle nous rappelle. X et moi avons déjà lancé la visioconférence et envoyé un lien sur le mail de la “patronne”. Elle ne comprends pas très bien comment se connecter à son mail depuis chez elle puis se rend compte qu’elle a oublié son mot de passe. Après une lutte acharnée de 20 minutes elle réussit à rejoindre cette boîte mail lointaine et clique sur le lien que nous lui avons envoyé. Elle est au téléphone avec X qui a activé le haut-parleur, j’entends à travers l’écran ; X tente de lui expliquer comment rejoindre sur la plateforme notre réunion mais A se retrouve dans une autre conversation, ancienne et périmée. Nous lançons un appel depuis la plate-forme mais elle ne parvient pas à l’intercepter.
Las, nous décidons d’effectuer la réunion de cette manière. X et moi de part et d’autre de nos écrans, et A et J dans le haut-parleur du téléphone de X.
Entre X et moi il y a un écran.
Entre X et A & J il y a un haut-parleur.
Entre A & J et moi il y’a un écran + un haut-parleur.
Et pourtant on arrive à communiquer.
On devrait essayer de faire de longues chaînes comme cela, voir jusqu’à combien d’intermédiaires on arrive encore à intercepter quelques ondes.
Par contre la réunion était plutôt pourrie.