La giroflée, venue de Noirmoutier, m’emmène au bord de la mer. Outre son odeur douce et épicées, je sens les feuilles de cupressus sur le sable humide. Elle me rappelle l’enfance, les vacances de printemps, les grandes ballades et un autre confinement, celui de ma cabane. Dans ce petit endroit, isolé du monde, je pouvais inventer mon univers.
Il me manque d’être ailleurs, de voir des ciels différents, de sentir ce qui fait me fait sentir un nouveau lieu. L’énergie qu’il me faut pour détailler et préciser mes pensées est beaucoup.
Sortie aujourd’hui à 15h15. Passer par la maison à 16h pour chercher une stylo qui sert à remplacer les 5 avec les 6 sur l’attestation.
À la fenêtre du salon, un camion recouvert de graffitis est garé depuis deux semaines, je crois. Je ne l’avais pas remarqué. Il était sûrement déjà là avant. S’organise, alentours, un commerce de fruits et légumes. Le chauffeur distribue sa marchandise, depuis le hayon, à une clientèle qui m’était inconnue.
De la station Télégraphe, descendent des hommes en blouson de cuir vinyle, coupés court, l’air pas commode. Des originaux, un type en manteau militaire et guêtres, une femme et sa doudoune dorée. Fenêtre sur rue.
Des voitures s’obstinent à descendre la rue de Belleville pour aller où ? Où peut-on aller ? Le bus 20 : à son bord un voyageur, parfois aucun.
j’ai envie de boue. me rouler dedans. y enfouir mon visage et le remuer dans la crasse. comme un enfant. envie de me salir. de puer le fauve avec autre chose que ma transpiration en courant.
On a passé à l’heure d’été aujourd’hui en France. Il fait froid et le soleil ne nous éclaire plus comme il faisait jusqu’au hier.
Un dimanche, qui a commencé avec quelques petits missions manuel suite à un bon petit déjeuner. J’ai poncé et huilé quelques planches dans la court. Le mode de bricolage qui sauve.
Planche de droite huilée, celle de gauche pas encore huilée.
Le reste de la journée jusqu’à 15h était occupé par la lecture des infos sur le virus. Oui, je me suis sentie prête à me confronter à l’actualité à la fin de la 2eme semaine de la « crise sanitaire ». Un seul article que je lis jusqu’au bout sur l’Afrique où la propagation du virus est moins précipité (en ce moment) comparé à l’Europe. Mais, ils ont d’autres problèmes, qui les empêcherais de passer en mode de confinement totale: on doit sortir pour gagner sa vie. Rester à la maison voudrais dire pour la plupart mourir de la faim. Les hôpitaux en Afrique, au centre notamment, ne sont pas équipés du tout. J’ai lu « 50 respiratoires » ce qu’il y a à l’hôpital public d’une ville de 12 million (Kinshasa).
Dans une vidéo, un médecin turc parle de la grandeur des chiffres de covid positifs dans le pays, par une accélération de propagation presque comme en Italie. Mon beau frère envoi une video de la mer de leur maison secondaire parlant de l’ indisponibilité de rester chez eux avec une fille de 4 ans.
Je ne suis pas sortie du tout finalement. Le quartier de 1km de mon domicile ne me parle pas beaucoup ce dimanche gris et froid. Le travail de thèse m’occupe bien ainsi que l’immeuble d’en face.
je me souviens de ce vieux monsieur, au bord de sa fenêtre, dans la rue de mon lycée. un vieux monsieur dégueu. il passait son temps à la fenêtre. il regardait tout ce qu’il se passait dans la rue. déserte la plupart du temps. aujourd’hui ce vieux dégueu c’est moi. et les lycéens sont les pompiers d’en face.
bientôt je serai capable de faire tourner une caserne.
Hier soir, sur Skype avec Ophir et Briac, nous avons parlé du confinement, plutôt du point de vue positif. Notamment la liberté que nous avons de gérer le temps, sans aucune contrainte extérieure, comme il n’y en a pas presque pas. En restant chez toi, tu fais ta plus grande contribution à la société, et dans ce cas, où est le mal de penser à soi ? Un jeu de logique, super bien adapté à Skype, a suivi cette conversation. Il m’a décidément fait oublier mes préoccupations sur la suite des jours de confinement.
Réveillée avec des idées ambiguës sur le sujet d’hier soir.
Besoin de contact direct et d’action ! J’ai semé les graines de persil, tomate et basilique sous le soleil en écoutant une émission sur la pièce de Beckett En attendant Godot. J’ai aussi fait du levain pour le pain et le yaourt. Puis, je suis sortie pour faire une balade en fin d’après-midi, comme hier, mais à vélo ce soir. Normalement ça me suffirait pour changer mon humeur, mais le confinement consomme plus d’énergie de mon ordre mentale. Symptômes du besoin d’une interaction réelle. J’ai cru avoir réglé ce problème la semaine dernière mais non. Mais un autre gros problème c’est ce qui nous (le globe) attend après le confinement ?
Je “lis” trois journaux. Mediapart, quelques articles jusqu’au bout, Le Monde, comme on lirait un journal gratuit dans le métro ou une dépêche d’agence de presse et Le Figaro, les titres et les débuts d’articles seulement. Ce matin, j’ai particulièrement apprécié leur polarisation. C’est sûrement le bénéfice des évènements exceptionnels, ils ramènent aux valeurs fondamentales. En voici un florilège.
Le Figaro : “Confinement, vacances annulées… Les conseils d’une psy pour parler du coronavirus aux enfants” “Alain Finkielkraut: «Le nihilisme n’a pas encore vaincu, nous demeurons une civilisation»” “Appel à la grève: «Une attitude irresponsable en ces temps de guerre sanitaire»” “Coronavirus: poussée de fièvre anti-Parisiens à Noirmoutier”
Mediapart : “Médicaments : des hôpitaux au bord de la pénurie” “Les croisières de rêve virent au cauchemar” “Yémen : cinq ans sous les bombes” “Le gouvernement fait marche arrière sur les dividendes”
Le Monde : “Coronavirus : Emmanuel Macron plaide pour une « solidarité » budgétaire européenne” “Confinement : quelles applications pour les appels vidéo avec vos proches ?” “En Allemagne, l’aide à domicile pâtit de la fermeture des frontières” “Les 5 infos non liées au coronavirus que vous avez peut-être manquées cette semaine”
J’écris en turc ou en français ? Je me balade à pied ou à vélo ? Les courses, une fois par semaine ou on cherche de la glace vite fait ? Je vais lire les infos, non regarder un court métrage, non j’aimerais écouter des nouvelles chansons ! Je ne sais pas comment trouver, en tout cas je n’ai pas de patience.
Frustration de rester indécise devant si peu de choix comparé à la période normale, d’une part et d’autre part la culpabilisation d’être occupée que par soi-même et par les autres en leur demandant de faire “vraiment beaucoup attention” (surtout toi maman)… Plus tard, je me trouve devant mon ordinateur qui m’est très insuffisant car il n’est qu’un ordinateur, qui me sert quand je sais déjà quoi faire.
On est sorti pour faire un balade avec Thomas. Juste après le métro Botzaris, le police devant le parc de Buttes Chaumont : – Vous êtes à 1.1 km de chez vous. L’autre police, dame – Rue du soleil, c’est pas très loin mais regardons la carte. Moi, – On va vite tourner de toute façon vers la gauche pour rentrer. Lui – et votre attestation ? – Oups, j’ai du la faire tomber tout à l’heure, en regardant le soleil, mais voici (je sors de ma poche) celle d’hier, même heure. Vraiment ! – Je vous économise de 135 €, maintenant rentrez chez vous direct !
Aujourd’hui j’étais comme un militaire, discipliné, déterminé et content d’avoir retenu sa parole mot à mot. Résultat 0 stress. J’ai eu une super session de balade dans le quartier, avec les vêtements dédiés à ce jour-là.
Ps : j’ai allumé mon téléphone à 14h et pas passé une seule minute dans ma boite mail avant d’être sûre d’être prête à digérer les nouvelles.
Tout est sous ma main, littéralement.
bien que ça n’est pas confortable, le tabouret tien bien pour mettre les pieds.
ce matin j’ai traversé un petit bout de ville à vélo pour aller donner mon sang. je me suis éloigné de 4 kms de mon domicile. soit 4 fois la distance autorisée pour courir ou faire ses courses.
un long voyage à travers des avenues et boulevards (presque) déserts. les feux fonctionnent encore. ils n’ont pas été confinés.
sur le chemin du retour je me suis offert le luxe de faire mes courses dans un supermarché hors de mon quartier.
Il est déjà temps de faire un recueil des changements impliqués depuis huit jours. À Paris, ils sont certainement flagrants pour bon nombre de personnes, n’empêche, il faut les noter pour ne pas les oublier. Ce sont avant tout des nuisances en moins.
La cheminée du Döner, habituellement allumée de 8h à 23h six jours sur sept : ronflement qui nous oblige à fermer une porte.
Les odeurs permanentes de viande en décongélation dans les escaliers.
La porte qui claque à l’entrée du bâtiment.
La poubelle toujours pleine de cartons et de détritus venant du même restaurant.
Les vibrations des machines à laver et des sèche-linge.
Les odeurs de cuisine du restaurant asiatique.
L’absence d’éclats de voix provenant du bar à chicha d’en-face à 2h du matin, jusqu’à 2h30. Il est désormais possible de dormir sans boules Quies.
La circulation automobile plus que réduite. Non, l’honnêteté commande d’écrire : LA CIRCULATION AUTOMOBILE RÉDUITE.
Il en faudrait moins à n’importe qui pour conclure de cette liste que son auteur déteste la ville, les commerces, la cuisine orientale, la voiture. Profitez-en, il est toujours si agréable de trouver son prochain plus étriqué et pénible que soi. Pourtant il s’agit d’autre chose : je parle de mille concessions que l’on fait parce qu’on doit les faire.
Nul bruit à l’horizon, nul cris dans les nuages ; La journée s’organise en groupes d’habitudes
Michel Houellebecq, Le Sens du combat, “Séjour-club”, 1996
Le confinement est prolongé jusqu’à 5 may, au moins. Entre les vagues d’inquiétudes, j’était partiellement et mal connecté à mon cerveau.
Le mercredi est un demi dimanche, le jour de faire des petits travaux dans l’apparement. Afin d’améliorer la vie dans la cuisine, on s’est activé. Mais j’ai laissé Thomas seul de s’activer pour que je me déprime au lit tranquillement.
Pendant ce moment j’ai reçu un appel sympa d’Ömer, ensuite duquel je me suis chabormillé (eh oui, c’est un nouveau mot qui désigne l’état d’esprit face à 25 mails-certains non lu repoussé-tous contenant des liens a cliquer sinon proposition des articles et les ouvrages a lire, alors que tu es sur la même page depuis début de travail, et on ne parle pas de WhatsApp), toujours dans mon lit.
Pas besoin de dire qu’à propos de travail de thèse je n’ai rien foutu. Je suis sortie pour faire une balade, mais les rues m’ont parue comme mon état d’esprit glauque. Au retour j’ai reçu la carte montrant heure par heure le nombre de morts de Corona dans le monde.
Heureusement on avait un apéro skype avec Hugo et ensuite un autre appelle cool avec Ophir. Et enfin j’ai enchaine ma soirée avec un long-cool appel téléphonique avec Elvan. Comme si on était ensemble.
On dirait que ma vie social-virtuel est bien amélioré.