BLANCHE (rue)*

IX e Arrondissement. Commence 6 pl. d’Estienne-d’Orves ; finit pl. Blanche. Longueur 715 m ; largeur minimum 16 m.

Cette rue est une partie de l’ancien chemin, cité en 1398, qui conduisait des Porcherons aux carrières de Montmartre ; elle ne commença à être bâtie que vers 1670. Appelée alors de la Croix-Blanche, de l’enseigne d’un cabaret, ce nom de « blanche » pouvant résulter soit du passage incessant des voitures chargées de plâtre venant des carrières de Montmartre, soit de l’expression « Porte Blanche » appliquée à l’entrée d’une carrière située vers la rue Tholozé, elle fut nommée des Portes-Blanches de 1733 à 1793 et de son nom actuel à cette dernière date. Elle reliait alors la rue Saint-Lazare à la place Blanche ; le côté de ses numéros impairs bordait, dans la seconde moitié de sa longueur à partir du n°39, les « folies » du maréchal-duc de Richelieu, puis celle du fermier général de la Bouëxière dont les entrées principales se trouvaient situées dans la rue de Clichy. Le square et l’église de la Trinité (1863-1867) ont enlevé à la rue Blanche ses huit à dix premiers numéros impairs.

N°5. – Emplacement, sous la Restauration, de la demeure du financier Boscari de Villeplaine où mourut le baron Pichon, père du collectionneur et bibliophile Jérôme Pichon à qui l’hôtel Lauzun est tant redevable, et où habita le marquis de Casa-Riera au milieu du XIXe siècle.

Nos 10, 12. – Emplacement d’une maison où J.-B. Pigalle habita de 1756 à 1782 (cf. 1 r. Pigalle).

N°15. – Ancien Skating, ou salon de patinage, avec jadis, une autre entrée rue de Clichy, que remplaça, en 1891, le Nouveau-Théâtre destiné surtout à de grandes auditions musicales, qui devint, en 1908, le théâtre Réjane. Réjane le vendit, en 1918, à Léon Volterra qui le rouvrit, en août 1919, sous le nom de Théâtre de Paris. La Comédie-Française l’utilisa quelques jours après l’incendie qui détruisit, en 1900, la salle Richelieu. Une petite salle de théâtre de 350 places, le Théâtre Moderne, d’abord Petit-Théâtre de Paris, a été incorporée, en 1957-1958, dans une partie du Théâtre de Paris.

N°17. – Date de Louis-Philippe ; ancienne école paroissiale du quartier.

N°19. – Hôtel de la Société des ingénieurs civils, construit, par l’architecte Delmas, en deux cent soixante-deux jours, inauguré par le président Félix Faure en janvier 1897. Cette société était installée antérieurement cité Rougemont dans un immeuble qu’elle vendit à la Société des gens de lettres jusqu’alors locataire rue de la Chaussée-d’Antin.

Nos 22 à 28. – Emplacement d’une « petite-maison » ayant appartenu à Roncières, fils de l’entremetteuse la Fillon. Il la vendit, en 1753, à Marie-Françoise Marchand, dite Dumesnil, reçue sociétaire à la Comédie-Française en 1737. Elle habita ainsi dos à dos avec son amant, le comédien Granval, installé, en 1754, 17-19 rue Pigalle. Tragédienne réputée, la puissance de son jeu était si grande que Mlle Dumesnil faisait, dit-on, reculer le parterre d’effroi pendant la scène des imprécations dans Cléopâtre : « Ce n’est pas l’actrice que j’ai vue, disait d’elle Garrick, c’est Agrippine, c’est Sémiramis, c’est Athalie ». Elle se retira de la scène en 1776, reçut de la Convention une pension de 3000 francs et de Chaptal un logement au Louvre. Elle mourut en 1803, à 92 ans. Elle avait loué cette maison en 1785 à Mlle Ruggieri et, après celle-ci, au comédien Granger.

Cette maison fut remplacée, sous l’Empire, par une caserne qui servit d’hôpital à la maison militaire de Louis XVIII, d’école pour les musiques de la garnison de Paris, sous Louis-Philippe, puis de caserne de pompiers à partir de 1856 (caserne reconstruite en 1902).

N°25. – Eglise évangélique allemande (confession d’Augsbourg), de 1899, et aumônerie des étrangers protestants en France. Les vitraux du premier étage représentent la ville de Worms et le château de Wattburg, souvenirs de Luther.

N°29. – Emplacement d’une raffinerie de sucre sous la Restauration.

N°31. – Emplacement d’une institution fondée, en 1837, par l’auteur dramatique Goubaud Prosper, dit Dinaux (1795-1859), sous le nom de pension Saint-Victor ; Alexandre Dumas fils y fut élève quelque temps. L’institution Saint-Victor, aussi appelée collège François Ier, devint, en 1846, la propriété de la Ville sous le nom d’école municipale, puis collège Chaptal. Celui-ci resta à cet endroit jusqu’en 1874, année où on le transféra sur le boulevard des Batignolles.

N°33. – Emplacement d’une maison construite sous la seconde Restauration, par Pellechet, pour le général Le Marois, fils de cultivateurs, l’un des témoins de Bonaparte lors de son mariage avec Joséphine et son aide camp en Italie. Colonel à Marengo, général de division après Austerlitz, gouverneur de Rome, de Varsovie, pair de France pendant les Cent-Jours, il mourut ici le 13 octobre 1836, à 55 ans.

N°34. – Emplacement du Crédit Minier où, au début du XXe siècle, Henri Rochette monta une escroquerie de 200 millions (or) qui ne lui valut que deux ans de prison. Il se suicida en 1934.

N°35. – Emplacement d’une maison de campagne ayant appartenu au comte Xavier de Girardin, fils de l’hôte de Jean-Jacques Rousseau à Ermenonville.

Nos 32 à 36. – Emplacement de terrains ayant fait partie de la Folie-Boursault (cf. ci-après) avant d’appartenir au préfet Debelleyme.

N°43. – Maison où habitèrent Gavarni, puis Berlioz, venant du 41 de la rue de Provence, avant qu’il n’aille au 31 de la rue de Londres. Fidèle à ce quartier, il devait mourir, en 1869, au n° 4 de la rue de Calais.

Nos 44 à 50. – Emplacement de l’ancienne Folie-Boursault, maison de plaisance du comédien Boursault, membre de la Convention, entrepreneur de l’enlèvement des boues, fermier des jeux de Paris et fondateur du théâtre Molière (cf. r. Quincampoix). Son jardin, fort réputé et l’un des plus célèbres de l’Europe, s’étendait jusqu’à la rue Pigalle (la r. La Bruyère, ex-r. Boursault entre les r. Blanche et Pigalle, passe par son emplacement). Boursault mourut ici en 1842, à 80 ans ; il dansa juqu’à la veille de sa mort. Une partie de sa propriété appartenait en 1858 à l’architecte Théodore Ballu.

N°47. – Endroit où mourut en 1846, à 56 ans, l’érudit portugais Francisco de Barros y Sousa, vicomte de Santarem, ministre d’Etat en 1827, ministre des affaires étrangères de 1828 à 1833, puis réfugié à Paris ; il est l’auteur de nombreux ouvrages de géographie.

N°57. – Le marquis Philippe de Custine (1793-1857), petit-fils du général de Custine, voyageur, romancier et auteur dramatique, a occupé une maison située à cet endroit.

N°70. – Maison où demeura avec son père et mourut, en 1857, à 53 ans, Daniel Manin, ancien président de la république vénitienne, adversaire véhément de la domination autrichienne (inscription). Ses cendres furent ramenées triomphalement à Venise en 1868. Ce fut dans cette maison que se réunirent, chez la baronne Coppens, le 2 décembre 1851, les représentants du peuple Victor Hugo, Manuel, Arago… hostiles au coup d’Etat du Prince-président.

N°73 (et 37 r. de Douai). – Façade.

N°80. – Hôtel construit pour lui-même par l’architecte Théodore Ballu qui y mourut en 1885, à 68 ans (inscription). Il avait restauré l’église Saint-Germain-l’Auxerrois, édifié les églises de la Trinité, Sainte-Clotilde, Saint-Ambroise, construit le nouvel Hôtel de Ville et le nouvel Hôtel-Dieu.

N°96. – Maison où, dans un vaste atelier au fond de la cour, l’acteur et directeur de théâtre Antoine (1858-1949) dirigea les débuts de son Théâtre Libre. L’acteur Firmin Gémier est mort non loin de là, en novembre 1933, à 68 ans.

La rue Blanche a été habitée par Amy Brown, morte le 7 mai 1876. Elle avait épousé secrètement le duc de Berri, mais ce mariage avait été cassé par le pape en 1816 ; toutefois, les deux filles qui en étaient issues, la baronne de Charrette et la princesse de Faucigny-Lucinge, furent légitimées. Armand Carrel (1800-1836) a habité dans cette rue (ex-n°19) avant d’aller rue de la Grange-Batelière. Jules Claretie y loua, en 1900, un hôtel proche du Nouveau-Théâtre (n°15) afin de continuer à administrer la Comédie-Française pendant le temps où celle-ci occupa cette salle. Cet hôtel avait été antérieurement la demeure de l’écrivain bonapartiste Gaston Jolivet et le quertier général de l’état-major boulangiste.