CHAUSSEE D'ANTIN (rue de la)

CHAUSSE D’ANTIN (rue de la)

IX e Arrondissement. Commence 4 bd des Capucines et 38 bd des Italiens ; finit 73 r. Saint-Lazare. Longueur 578 m ; largeur 14,20 à 20 m.

Cette rue remplace un ancien sentier tortueux qui, conduisant de la porte Gaillon de l’enceinte de Louis XIII aux Porcherons et à Clichy, donna naissance, vers 1700, à deux rues que séparait le Grand-Egout (r. de Provence). Celle du sud fut appelée d’abord chemin de l’Egout-de-Gaillon, car un branchement du Grand-Egout suivait son côté ouest, puis, en 1712, de son nom actuel, dû, d’une part, à sa surélévation par rapport aux marais voisins et, d’autre part, à l’hôtel du duc d’Antin situé sur le boulevard, face à son débouché sur celui-ci. Transformée, en 1720, en une rue pavée, de 8 toises de large, on l’appela, en 1770, après que son tracé eut été rectifié et son égout, voûté, rue de l’Hôtel-Dieu car elle conduisait à des terrains propriété de cet hôpital. On l’appela Mirabeau-le-Patriote en 1791, du Mont-Blanc en 1793, et on lui redonna, en 1816, son nom de la Chaussée d’Antin. Celle du nord s’appela, jusqu’à la rue Saint-Lazare, chemin de la Grande-Pinte, de l’enseigne du célèbre cabaret auquel elle conduisait (cf. pl. Estienne-d’Orves). Le nom actuel a été donné à l’ensemble de ces deux rues en 1816.

Nos 1 et 3. – Cf. n°2 du boulevard des Capucines.

Nos 2, 4 (et 38 bd des Italiens). – L’emplacement situé entre la rue du Helder, le boulevard et la rue de la Chaussée d’Antin était occupé, en 1690, par une grande exploitation maraîchère riche de 600 pieds d’artichauts, de planches d’épinards, de mâche, d’oseille, de 120 arbres fruitiers et de quelques pieds de vigne. Par ordre du roi, il fut prescrit, en janvier 1692, de construire pour cet emplacement une caserne pour gardes-françaises, que Leduc commença à édifier en 1697.

On y installa, en 1794, le dépôt militaire du régiment de ces gardes que commandait le maréchal duc de Biron et pour lesquels il avait fait édifier dans Paris cinq casernes (pendant quelque temps, le boulevard prit le nom de boulevard du Dépôt). Ce dépôt était une école pour l’instruction de 150 à 2002jeunes gens, fils de soldats, âgés de 10 à 16 ans, auxquels on apprenait la lecture, l’écriture, le calcul, l’allemand et la pratique de quelques exercices militaires ; ils étaient nourris et habillés aux frais du roi qui versait pour chacun d’eux 8 sols par jour, même solde que celle d’un soldat. A 16 ans, ils étaient libres de contracter un engagement s’ils avaient la taille requise, ou de se retirer s’ils ne se sentaient point de goût pour les armes. Les caporaux qui, ayant les qualités voulues, aspiraient au grade de sergent, pouvaient y être admis comme instructeurs ; ce fut le cas de Hoche au début de 1789.

Ce dépôt abrita également la Musique de la garde nationale que Bernard Sarrette, employé de bureau dans ce dépôt, organisa en 1789 pour qu’elle coopère aux fêtes de la Révolution. De cette institution devait découler l’Ecole nationale de Musique, puis le Conservatoire qui a donc eu l’un de ses bureaux à l’angle du boulevard des Italiens et de la rue de la Chaussée-d’Antin.

Cette caserne fut, le 12 juillet 1789, le siège d’une échauffourée entre les gardes-françaises, commandés par le colonel du Châtelet et favorables aux idées nouvelles, et le Royal-Allemand du prince de Lambesc ; il y eut des blessés des deux côtés ; cet incident fut le prélude des premières journées révolutionnaires.

En 1792, la caserne fut remplacée par le grand immeuble que l’on voit de nos jours ; lorsque Louis XVI comparu, à deux reprises, en décembre 1792, devant la Convention qui instruisait son procès, sa voiture passa devant cet immeuble et le roi s’intéressa chaque fois aux progrès de sa construction.

Sous l’Empire, un restaurant s’installa au rez-de-chaussée de cette maison. Il fut dirigé, en 1836, par Nibaut, en 1850 par Bignon, ancien garçon du café Foy, puis par son frère qui le céda, en 1880, à Paillard qui en fit un établissement réputé. Rossini occupa, à partir de 1857, un appartement du premier étage ; son loyer annuel était de 8 000 francs, ce qui montre le chemin qu’il avait parcouru depuis l’époque où il résidait vingt-huit ans auparavant, au n°10 du boulevard Montmartre. Ses réceptions du samedi étaient fort recherchées ; sa femme en faisait les honneurs ; ancienne demi-mondaine et ancienne maîtresse d’Eugène Sue et d’Horace Vernet, elle était affligée d’un long nez que son mari comparait à une « tour épargnée par le temps et dressée au milieu des ruines ». Rossini habita cet immeuble jusqu’à une date ignorée, peut-être jusqu’en 1868 ; une inscription, difficilement lisible, placée au-dessus du balcon du n°2, indique que « Gioacchino Rossini, compositeur de musique, né à Pessaro le 28 février 1792, mort à Passy le 13 novembre 1868, habita cette maison depuis 1857 ».

La porte monumentale sur rue du n°2 est classée.

N°4. – Le compositeur André Grétry est mort à cet endroit le 24 septembre 1813, à 72 ans.

N°5. – Les rues Meyerbeer et Halévy ont détruit, lors de leur percement en 1862, des beaux hôtels, avec jardin, édifiés rue de la Chaussée-d’Antin aux emplacements des nos 5, 7 et 9.

N°5 : L’hôtel d’Epinay. – Emplacement d’un hôtel construit par Brongniart, que Mme d’Epinay, veuve d’un fermier général, son cousin, acheta en 1776, alors qu’il était inachevé. Elle y emménagea en juin 1777 et y mourut en avril 1783, à 57 ans. L’ancienne amie et protectrice de J.-J. Rousseau y vécut dans une sorte de retraite. Pour oublier une existence qui avait été riche de plaisirs, elle s’occupait de compositions morales et romanesques. Grimm vivait avec elle ; ils y logèrent plusieurs mois, en 1778, Mozart, âgé de 22 ans, chassés de l’auberge de la rue du Gros-Chenet (du Sentier) après la mort de sa mère. Plus tard, venant de la cité Bergère, Chopin y occupa une chambre de juin 1833 à septembre 1836.

N°6. – Emplacement en 1826 du magasin de nouveautés A la Dame Blanche auquel succéda, sous le second Empire, celui de la Ville de Lyon, transféré ensuite au boulevard des Capucines. Sarah Bernhardt habitait au-dessus, chez sa tante Rosine, une demi-mondaine, vers 1854 ; elle avait alors de 10 à 12 ans.

N°7 : L’Hôtel Necker. – Emplacement de l’hôtel construit, par Cherpitel, pour Necker : Mme Necker accueillit là Buffon, Grimm, Saint-Lambert, Marmontel ; sa fille la future Mme de Staël, y fut élevée. Le banquier Jules Récamier acheta cet hôtel vers 1798 ; Mme Récamier, mariée depuis cinq ans, avait alors 21 ans et son mari 47 ; quoique d’une très grande beauté, sa conduite ne donna jamais prise à la médisance. Ses salons, magnifiques, furent, sous le Directoire, le rendez-vous des hommes les plus distingués, Lalande, La Harpe… Mme Récamier donna ici des bals d’un luxe incomparable ; ses invitées y trouvaient des éventails, des bouquets et des chaussures de rechange. En septembre 1808, les Récamier, qui avaient fait des pertes d’argent considérables, cédèrent leur hôtel au riche banquier Mosselmann dont la fille, Zoé-Mathilde, épousa l’ambassadeur du roi des Belges, ce qui la fit comtesse Lehon (cf. 15 av. des Champs-Elysées). C’était encore, en 1836, la banque Molessmann, que remplaça l’administration de la Compagnie du chemin de fer de Lyon.

Celle-ci dut partir lors du remaniement du quartier ; elle s’installa rue des Mathurins d’où elle fut chassée par le percement du boulevard Haussmann ; elle partit alors pour le n°88 de la rue Saint-Lazare où elle était encore.

N°9 : L’hôtel de la Guimard. – Emplacement de l’hôtel construit, en 1772, par Ledoux, pour Mlle Guimard, alors maîtresse du maréchal de Soubise. Fragonard (qui la peignit en Terpsichore) et David, alors débutant, avaient décoré cet hôtel au sujet duquel Grimm écrivit : « Si l’amour en fit les frais, la volupté même en dessina le plan et jamais en Grèce cette divinité n’eut un temps plus digne de son culte ».

Sa façade était ornée d’une sculpture, de Lecomte, représentant Terpsichore couronnée sur la terre par Apollon, d’où ce quatrain :

Elle se fait bâtir un temple !

Sur le fronton de son hôtel

On metta, pour servir d’exemple :

« A la déesse du b… »

L’hôtel possédait un théâtre particulier, de 500 places, où venaient jouer les meilleurs artistes de la Comédie-Française, de la Comédie-Italienne et de l’Opéra ; ses jardins, décorés d’un temple à Vénus, s’étendaient derrière (de même que les jardins des hôtels contigus) jusqu’à proximité du passage Sandrié (rue Scribe) au-delà de notre Opéra qui se trouve donc situé, en partie, sur l’ancien jardin de la célèbre danseuse.

Mlle Guimard avait coutume de donner dans cet hôtel trois grands dîners par semaine : un pour les grands seigneurs, un pour les auteurs, artistes et gens de lettres, le troisième, qui tournait en orgie, pour les filles en renom. Le maréchal de Soubise y organisa pour le mardi gras de 1776, un souper de 60 personnes appelées les « chevaliers de cinq louis » par allusion au montant de leur écot. L’archevêque de Paris le prit mal et s’en plaignit au roi qui dut envoyer à Mlle Guimard l’ordre de décommander la réunion, ce qui fut fait. « La jeune et belle damnée », comme l’appela Marmontel (alors que d’autres l’ont dépeinte laide, noire, maigre et marquée de la petite vérole, avec des jambes comme des pattes de héron, un « petit ver à soie », a dit Sophie Arnould), fit envoyer tous les mets au curé de Saint-Roch avec une lettre respectueuse où elle le priait de les distribuer à ses pauvres. Lorsque sa fortune fut entamée par la banqueroute, en 1782, de son gendre Henri-Marie de Rohan, prince de Guéménée, banqueroute qui entraîna la ruine de presque tous les Rohan, le maréchal de Soubise délaissa Mlle Guimard qui, pour retrouver des ressources, monnaya son hôtel, le 22 mai 1785, en le mettant en loterie. Le gagnant, qui n’avait acheté qu’un unique billet de 5 louis sur les 2500 distribués, fut la comtesse du Lau, au nom prédestiné. Mlle Guimard, mariée, en août 1789, à un ancien poète danseur, Despréaux, plus jeune qu’elle de cinq ans, mourut dans la misère et ans l’oubli, rue Ménars, le 4 mai 1816, à 73 ans.

Son ancien hôtel était devenu, en cette même année 1786, la propriété du banquier Perrégaux. Le colonel Marmont, alors aide-de-camp de Bonaparte, vit là, pour la première fois, Hortense Perrégaux, âgée de 15 ans, au cours d’une grande fête donnée en son honneur, le 17 octobre 1796, lorsqu’il apporta au Directoire 22 drapeaux pris à l’ennemi. La jeune Hortense s’éprit du brillant colonel que, malgré les sentiments contraires de son père, elle épousa deux ans après. C’est dans la cour de cet hôtel qu’il faut situer la légende de l’épingle ramassée par Jacques Laffitte, qui devint plus tard le commis, le teneur de livres, l’associé, puis le successeur de Perrégaux, mort en 1808.

L’es-hôtel de la Guimard devint, à cette date, la propriété du comte Perrégaux, fils du banquier et, lorsqu’il décéda en 1841, celle de son fils qui le vendit, en 1853, à Ridel. Mais, depuis 1844, l’hôtel, déjà transformé pour les besoins de la banque Perrégaux, l’avait été à nouveau pour ceux d’un grand magasin de nouveautés, dit les Magasins de la Chaussée-d’Antin, dirigé par Crapez. Il conserva cette dernière affectation jusqu’au percement de la rue Meyebeer qui le fit complètement disparaître.

Mlle Raucourt, venant de la rue du Dauphin (Saint-Roch), habita, en 1774, dans le voisinage une maison louée 900 livres par an au sieur Cochois, marchand de bois en gros. Elle la fit richement décorer par J.-B. Cheveau qui y installa une salle de billard, luxe nouveau. Des dettes la firent se réfugier peu après dans l’enclos du Temple qu’elle quitta pour s’installer, en 1775, avec une aventurière, Mlle de Sourgues dans le faubourg Saint-Denis. L’intérieur qu’elle avait eu ici fut vendu, en 1776, en règlement de ses dettes.

Nos 8, 10. – Emplacement d’une petite ruelle conduisant au cimetière qu’eut ici la paroisse Saint-Roch. Son ancien cimetière ayant été désaffecté par suite de l’extension de l’église, la fabrique loua, en 1756, un terrain d’environ 350 mètres carrés, situé hors de la ville, sur le côté oriental de la Chaussée-d’Antin, dans la partie comprise entre cette chaussée, le boulevard et la rue du Helder. Ce cimetière recevait près de 300 corps par an. Il fut interdit à la fin de 1781 et fermé en avril 1782 comme suite à la réglementation qui suivit la fermeture du cimetière que l’on ouvrit alors rue Royale (Pigalle). Il n’a donc servi que pendant vingt-cinq ans. Plus tard, des porteurs d’eau entreposèrent leurs pompes à cet endroit.

N°10. – Hôtel de Jacques Périer, de l’Académie des sciences, créateur, avec son frère, de la pompe à feu de Chaillot, construite en 1778.

N°11. – Emplacement d’un hôtel construit, en 1776, pour Louis de Pernon, puis, propriété du marquis de Lavalette dont le neveu, marquis de Castera, le vendit en 1784. Il appartint, en 1812, au général Arrighi, duc de Padoue, qui le loua, en 1814, à la banque Perrégaux située à côté ; puis à son fils qui le loua, en 1837, au casino Paganini, maison de jeux, de concerts et de bals, d’une durée éphémère. Il le vendit, en 1853, à la Compagnie des chemins de fer du Nord et à celle des chemins de fer d’Orléans qui, chassés par l’aménagement du quartier, se transportèrent ensuite rue de Clichy et rue de Londres.

Une partie en avait été détachée du temps de Louis Pernon ; elle fut incorporée, en 1819, dans la banque des frères Mallet, ci-après.

N°13. – Emplacement, de 1791 à 1860, de la maison de banque des frères Mallet.

Nos 18 à 22. – Emplacement de trois hôtels que fit construire, en 1795, Lakanal, sur un terrain qui avait été, jusqu’au milieu du XVIIIe siècle, la propriété des religieux Mathurins. Lakanal, ancien professeur chez les Pères de la Doctrine-Chrétienne, avait été envoyé par l’Ariège à la Convention où il vota la mort de Louis XVI. Plus tard, il contribua, comme membre des Cinq-Cents, à la fondation de l’Institut. Après le 18 brumaire, il entra dans la vie civile où on lui donna une chaire à l’Ecole centrale installée dans la ci-devant maison professe des Jésuites (lycée Charlemagne). Il était censeur du lycée Bonaparte (Condorcet) lorsque la Restauration l’exila ; il partit alors pour les Etats-Unis où Jefferson lui fit donner 500 acres de terre à coton. Il ne revint en France qu’en 1833 et mourut, en 1845, au n°10 de la rue de Birague.

Lakanal avait fait construire ici deux corps de bâtiment, le nos 18 et 22, avec une avenue réservée entre deux pour desservir l’hôtel du fond, le n°20, édifié en retrait sur la rue du Mont-Blanc. Après avoir franchi une porte cochère ouvrant sur cette rue et être passé sous les bâtiments élevés en façade, on avait devant soi une courte allée bordée de deux rangées de peupliers ; il était interdit aux habitants des immeubles voisins, nos 18 et 22, de jeter quoique ce soit dans cette avenue et sur ces arbres. Cette courte avenue aboutissait à une cour circulaire au centre de laquelle s’élevait, face à elle, un gracieux pavillon d’un rez-de-chaussée et d’un étage, avec perron orné de colonnes engagées et de pilastres. Les côtés de la cour étaient attribués aux communs, remises, bûcher et pompe ; le revers de l’hôtel donnait sur un jardin ayant une volière et une chaumière.

Cet hôtel devint, le 25 février 1799, la propriété du général Moreau ; il l’habitait donc à l’époque du 18 brumaire (9 novembre 1799), à la préparation duquel il prit une part active mais pendant lequel il ne joua qu’un rôle effacé en gardant les directeurs au Luxembourg. Une réunion, à laquelle participèrent plusieurs généraux, se tint le 17 brumaire dans le petit salon, toujours existant, du rez-de-chaussée de cet hôtel où Joséphine eut, plus d’une fois, sujet de venir. Dans ce même salon, Moreau prépara son admirable campagne du Rhin avec Bonaparte, dont il était l’égal en grade. (On découvrit plus tard que Moreau avait aménagé sous sa baignoire une cachette pour ses papiers.)

Moreau vendit son hôtel le 2 thermidor de l’an IX (juillet 1802). Son ancien hôtel fut habité, en 1816, par Louis de Bourmont, comte de Ghaisne, qui n’était encore que général commandant la deuxième division d’infanterie de la garde royale, quoique, l’année d’avant, il ait abandonné ses troupes et déserté pour se mettre à la disposition de Blücher la veille de la bataille de Lagny (16 juin 1815). Plus tard, il fut nommé pair, ministre de la guerre, commandant en chef l’expédition dirigée contre Alger, et maréchal de France.

Depuis lors, les immeubles nos 18 et 22 ont été surélevés, complétés par des ailes et par d’autres immeubles édifiés en avant de la cour. L’hôtel de Moreau a été surélevé de trois étages et complété aussi par des ailes, ce qui diminua la surface de sa cour et de son jardin ; les peupliers de l’avenue ont disparu. Mais, dans les dispositions actuelles, on retrouve encore cette dernière, ainsi que les façades initiales de l’hôtel, tant sur la cour que sur ce qui reste du jardin (la façade de ce côté est particulièrement plaisante) et les arrangements de quelques salons à l’intérieur.

Ce petit hôtel a conservé des restes de décoration Empire ; celle d’un de ses salons est classée.

N°26. – Le sculpteur Clodion (1738-1814), auteur de charmantes figurines en terre cuite, habita cet endroit et y eut son atelier.

N°27. – Emplacement en 1887 d’une école de Sœurs de la Présentation qui venait d’être expropriée de ses locaux du n°106 de la rue Saint-Lazare par la construction de l’hôtel Terminus.

N°29 : Les Galeries Lafayette -  Le 1er septembre 1895, Alphonse Kahn et son associé, Théophile Bader, installèrent à l’angle des rues Lafayette et de la Chaussée d’Antin, une petite boutique, de deux ou trois travées de long, pour y vendre des frivolités et fournitures pour mode et couture : dentelles, rubans, voilettes, etc.

La première année marqua déjà un succès puisque le chiffre d’affaires s’éleva à 300 000 francs. Alphonse Kahn, souffrant, se retira, laissant l’affaire à Bader qui développa un système commercial encore peu répandu : entrée libre, possibilités des rendus, prix fixes.

De 1899 à 1902, la rapide extension de l’entreprise obligea son propriétaire à acquérir tous les étages de l’immeuble. Le chiffre d’affaires atteignit alors 40 millions. Mais l’immeuble devint encore trop petit et le magasin ne pouvant s’agrandir rue de la Chaussée-d’Antin, enjamba cette rue et s’étendit, en 1906, dans les immeubles du boulevard Haussmann. La petite boutique de quelques mètres devint alors Société anonyme des Galeries Lafayette, au capital de 2 800 000 francs. C’est le début d’une extension qui englobera tout le pâté de maisons compris entre le boulevard Haussmann, les rues de Mogador, de Provence et de la Chaussée-d’Antin. En 1912, à la suite de ces agrandissements, on inaugura le grand hall. On comptait alors 5 150 employés, qui travaillaient dix à onze heures et demie par jour. Les vendeuses gagnaient de 2 500 à 3 000 francs par an.

Le 19 janvier 1919, l’aviateur Védrine vint atterrir sur la terrasse des nouveaux magasins, plus heureux que Mme Blanchard dont l’aérostat était tombé, le 6 juillet 1819, sur le toit d’une maison voisine (cf. 14 r. de Provence). L’aviateur André Labarthe y atterrit à son tour, mais en hélicoptère, le 4 juillet 1948.

En 1932, le magasin s’agrandit encore pour atteindre les rues Mogador et de Provence. Il atteint alors son aspect actuel avec une superficie de 120 000 mètres carrés et une longueur de vitrine de 280 mètres.

En 1959, les magasins du boulevard Haussmann ont été surmontés de deux étages, les sixième et septième. Au huitième, une superbe terrasse fleurie offre un splendide panorama de Paris.

N°35 (et 1 r. Joubert). – Du XVIIIe siècle.

N°36. – Emplacement de la maison où mourut le poète et homme politique marquis de Fontanes en 1821, à 64 ans. Un magasin de deuil occupait son rez-de-chaussée en 1855.

N°37 (et 2 r. Joubert). – Sous le premier Empire, hôtel du marquis François de Barthélémy, membre du Directoire, sénateur, pair de France et ministre d’Etat, mort en 1830, à 83 ans. Le prolongement de la rue de la Victoire, en 1847, passe sur son ancien jardin.

N°38. – Emplacement de la maison où naquit en 1827, le docteur et anthropologiste Gustave Lagneau, mort en 1896, à 69 ans. Chopin, venant du n°5 de cette même rue, occupa, de septembre 1836 à septembre 1839, un appartement de deux pièces payé 425 francs par trimestre ; il y avait alors deux ans qu’il était lié avec George Sand. Les Versaillais pénétrèrent dans cet immeuble en 1871 pour contourner la barricade de la rue La Fayette.

N°40. – Emplacement de l’entrée de l’hôtel Montesson (cf. cité d’Antin). Le Club anglais s’y installa à sa fondation en 1816.

N°42. – Mirabeau est mort, le 2 avril 1791 (inscription), au premier étage de la maison située à cet endroit et démolie en 1826. Il avait loué son appartement 2 400 francs par an à la propriétaire, alors Julie Carreau, l’une des reines de la galanterie de l’époque, que Talma allait épouser à l’église Notre-Dame-de-Lorette, le 19 du même mois. Julie Carreau, danseuse à l’Opéra, richement entretenue, avait acheté cette maison à l’architecte Brongniard en 1776 et l’avait payée 32 000 livres. Elle avait alors 20 ans. Cette maison comprenait un rez-de-chaussée, un entresol, un étage et un comble. Lorsqu’il y mourut, Mirabeau, le « Shakespeare de l’éloquence », comme l’appela Barnave, n’avait que 45 ans, mais il était épuisé par tous les excès. Cerutti, son voisin (cf. 1 r. Laffitte), prononça son oraison funèbre. Pendant les deux années qui suivirent la mort de Mirabeau, on peut lire sur la façade de sa maison l’inscription suivante, due à Chénier ou à Talma :

L’âme de Mirabeau s’exhala en ces lieux ;

Hommes libres, pleurez ! Tyrans, baissez les yeux !

alors que l’on donnait à la rue le nom de Mirabeau-le-Patriote. La femme de Mirabeau mourut dans cette même maison en 1800.

N°47. – Emplacement d’une maison qu’acheta, en novembre 1775, pour 400 000 livres Julie Carreau ci-dessus indiquée. Cet immeuble comportait alors un rez-de-chaussée, deux étages, un grenier, des écuries et un petit jardin. Elle le revendit, lorsque vint la ruine, à son voisin Necker.

N°52. – Emplacement d’un hôtel construit, par Brongniart, en 1769. Claude de Valence-Timbrune, mestre de camp en second du régiment de Bretagne, amant de Mme de Montesson et époux, depuis 1784, de sa nièce Pulchérie de Genlis, l’acheta, en 1786, avec les 600 000 francs reçus de Mme de Montesson, qui voulut l’avoir presque sous son toit (il hérita d’ailleurs d’elle en 1806). Cet hôtel fut l’un des premiers de ceux construits dans ce quartier. Il communiquait avec celui du duc d’Orléans (cf. 57 r. de Provence), auquel il pouvait servir de sortie supplémentaire. Son rez-de-chaussée et son premier étage furent occupés en 1859 par le magasin de nouveautés Au siège de Corinthe qui se disait l’un des plus anciens de Paris.

La rue de la Chaussée-d’Antin franchissait le Grand-Egout (r. de Provence) sur le pont de l’Hôtel-Dieu. Plus d’un ivrogne rentrant des Porcherons tomba dans cet égout avant que Laborde ne le fit recouvrir à ses frais, en 1771, entre le faubourg Montmartre et la chaussée d’Antin. Le comte de Fiesque, qui ramenait des Porcherons Mme de Lionne, se rencontra un jour sur ce pont avec M. de Tallard qui y conduisait Louison d’Arquiers. Aucun des deux n’ayant voulu céder la place à l’autre sur ce passage étroit, les deux gentilshommes dégainèrent et croisèrent le fer sous les yeux de leurs maîtresses qu’entoura bientôt toute une joyeuse compagnie.

N°55. – Maison où habita Gambetta qui y fonda le journal La République française. Il l aquitta pour le n°57 de la rue Saint-Didier.

N°57. – Emplacement du magasin de nouveautés A la Capitale, fondé lors de l’Exposition de 1867.

N°62. – Emplacement d’un hôtel construit, en 1747, pour le fermier général Le riche de la Popelinière, également propriétaire de l’hôtel situé au n°59 de la rue de Richelieu et du château de Boulainvillers, à Passy. Se piquant de belles-lettres, il écrivit un livre assez osé, Les Mœurs du Siècle, que le lieutenant de la police fit saisir. La Popelinière, qui s’était remarié, en 1760, après ses mésaventures avec Mimi Dancourt, mourut en 1762 après avoir été rayé de la liste des fermiers généraux. Bachaumont lui dédia cette épitaphe :

Sous ce tombeau repose un financier.

Il fut de son état l’honneur et la critique ;

Généreux, bienfaisant, mais toujours singulier,

Il soulagea la misère publique.

Passants, priez pour lui, car il fut le premier !

Le général Foy, député depuis 1819 et l’un des plus éloquents avocats de l’opposition libérale, y mourut à 50 ans, épuisé de fatigues, le 28 novembre 1825 (inscription) ; ses funérailles donnèrent lieu à une formidable manifestation. Cet hôtel surélevé en 1771, rebâti en 1842, a été entièrement démoli à la fin de 1952 à l’exception de sa façade.

N°64. – Cf. 78 rue de la Victoire.

N°66. – Ex-hôtel Talhouët-Roy dont le terrain s’étendait, d’une part, jusqu’à la rue de la Victoire et, d’autre part, jusqu’à la rue du cardinal Fesch (de Châteaudun). Hôtel acheté, en 1860, par le Crédit industriel et commercial qui y transféra son siège social provisoirement établi 57 rue Taitbout. Il le revendit en 1890 après avoir installé ce siège 66 rue de la Victoire.

N°68. – Emplacement de l’hôtel du président Hocquart de Montfermeil, construit, par Ledoux, en 1789, tout à l’extrémité de la chaussée d’Antin. Cet hôtel confisqué à la Révolution, son propriétaire ayant émigré, fut acheté, le 16 mars 1800, par le cardinal Fesch, oncle maternel de Napoléon, qui le fit refaire et embellir avant de l’habiter, en 1807, quoique son neveu lui ait fait connaître sèchement que « la Chaussée d’Antin n’était pas un quartier convenable pour un cardinal ». Pourtant, le cardinal s’en était excusé à l’avance en écrivant à son neveu le 14 août 1807, qu’en résidant rue de la Chaussée d’Antin, son désir était de « ranimer par e bons exemples le feu sacré de la Religion et de multiplier les secours spirituels dans un quartier qui en était presque totalement privé ». Ancien archidiacre d’Ajaccio, obligé de quitter la Corse à cause de son attachement pour la France, il avait dû pour vivre, entrer, en 1793, dans l’administration et, à ce titre avait été commissaire des guerres en Toscane à la suite de son neveu. Il reprit le costume ecclésiastique après le Concordat, devint, en 1802, archevêque de Lyon et cardinal, mais résida le plus souvent à Paris à l’ex-hôtel de Montfermeil. Elu en 1811 président du Concile national, il combattit les mesures de violence exercées par l’empereur contre Pie VII, ce qui lui valut une demi-disgrâce jusqu’aux Cent-jours. A la chute de l’Empire, il refusa de se démettre de l’archevêché de Lyon et se retira à Rome où il mourut en 1839, à 76 ans.

L’immeuble actuel a été acheté en 1881 par le Crédit industriel et commercial qui le revendit en 1889 lorsqu’il se concentra rue de la Victoire.

Au fond de la cour, vestiges remaniés de la façade de l’hôtel qu’avait construit Ledoux.

Jusqu’à la construction du mur des Fermiers-Généraux, la rue de la Chaussée-d’Antin était fermée, après l’hôtel de Montfermeil, par une barrière d’octroi, la barrière des Petits-Porcherons, munie de deux portes, une pour les attelages, l’autre pour les piétons. Au-delà de cette barrière, c’était le quartier des Porcherons avec ses deux grandes rues, de Clichy et de la Croix-Blanche (r. Blanche).

La rue de la Chaussée-d’Antin a été habitée par les demoiselles de Verrières (cf. r. d’Auteuil) dans l’hôtel que leur donna M. d’Epinay, ainsi qu’en 1792 par le girondin Gaudet, en 1796 par Mme Tallien ( à l’ex-n°21) et en 1812 par Mlle Mars.