CLICHY (rue de)
IX e Arrondissement. Commence 5 pl. d’Estienne-d’Orves ; finit 1 pl. Clichy. Longueur 670 m ; largeur minimum 12 m.
Cette rue, peut-être ancienne section d’une voie romaine de Paris à Rouen, provient d’un très ancien chemin qui, sortant de Paris à proximité de la porte Saint-Honoré de l’enceinte de Philippe Auguste, conduisait de la rue des Bons-Enfants à une bifurcation (la Fourche) où il se divisait en deux branches allant respectivement aux hameaux de Clichy et de Saint-Ouen. Le premier était déjà très fréquenté au Vie siècle.
Le chemin de Clichy devint au XVIIIe siècle, entre la rue Saint-Lazare et la Fourche, la rue du Coq (du nom du château du Coq, cf. r. Saint-Lazare) et, après la construction du mur des Fermiers-Généraux, la rue de Clichy entre la rue Saint-Lazare et la place de la Barrière-de-Clichy. Cette rue a perdu ses premières maisons de numéro pair lors de la construction de l’église de la Trinité (cf. pl. d’Estienne-d’Orves).
Nos 16 à 38 : La folie Richelieu et le deuxième Tivoli. – Emplacement de la « folie » que, sur un terrain dont il était l’usufruitier le maréchal duc de Richelieu fit construire en 1730, pour ses divertissements personnels, en remplacement de celle qu’il possédait rue Cadet. Il la garda jusqu’en 1765 et lui préféra alors son pavillon de Hanovre. Elle s’étendait avec ses jardins jusqu’à la rue Blanche. Il s’y tint des réunions assez osées, tels ces repas en costumes (?) adamiques servis dans un pavillon isolé au milieu d’un parc touffu ; Louis XV vint y souper avec Mme de Pompadour. A noter que le maréchal duc avait, au nord de celle-ci, une seconde « petite-maison » (cf. pl. Adolphe-Max). La Folie-Richelieu appartint, de 1779 à 1805, à Claude Rigoley, baron d’Ogny, qui avait été intendant général des postes, et, en 1805, au général de Caulaincourt. Elle devint, de 1811 à 1826, le deuxième Tivoli que dirigea encore Ruggieri. Cet établissement, aussi merveilleux que le premier, disparut en 1826. La rue Moncey fut percée, en 1842, à la limite nord de ses dépendances et, en remplacement de la petite chapelle de la Trinité des rues de Calais et de Douai, la seconde église de la Trinité fut construite, en 1851, sur une partie de son emplacement et ouverte au culte le 1er décembre 1852. Elle était presque entièrement en bois et mesurait 40 mètres sur 20. On décora, en 1855, le tympan de son portail d’une peinture sur lave, exécutée, par Devers, dans le style des mosaïques byzantines. Cette église resta à cet endroit jusqu’à la consécration, en 1867, de l’église de la Trinité actuelle. Depuis lors, le Casino de Paris (1890), l’Apollo (démoli en 1959) et le théâtre de Paris furent édifiés sur une partie de cette brillante « folie ».
N°21. – Habité par Victor Hugo, en 1875.
N°27. – Emplacement d’une autre entrée principale de la Folie-Boutin (1773-1793), puis du premier Tivoli (1792-1810) (cf. r. Saint-Lazare). Un club de contre-révolutionnaire, dit « de Clichy », occupa, de 1796 à 1797, le pavillon de l’ex-Folie-Boutin situé à cette entrée ; la plupart des « clichiens » furent déportés en Guyane après avoir été dupes, au coup d’Etat du 18 fructidor (4 septembre 1797), de la révolution royaliste de Pichegru qui, plus heureux qu’eux, réussit à s’évader de Sinamari. Le banquier Hainguerlot, administrateur des biens de la reine Hortense, un des créateurs du canal de l’Ourcq, sa fille, puis la légation d’Espagne occupèrent ultérieurement ce pavillon, celle-ci de 1844 à 1846.
N°30. – Murger habitait à cet endroit en 1851 ; il avait alors 29 ans.
N°34. – Depuis 1869, maison de santé des Sœurs de la Sainte-Famille de Bordeaux installés antérieurement 21 rue de Calais.
N°39. – Maison que Ravachol fit en partie sauter, le 27 mars 1892, parce qu’y habitait le substitut qui avait requis l’année précédente, contre les anarchistes. La bombe explosa au cinquième étage, l’escalier s’effondra, il y eut des blessés. C’était le second attenta de Ravachol.
N°47. – Maison du Protestantisme français où sont groupées de nombreuses œuvres et sociétés protestantes dont la Société centrale d’Evangélisation fondée, en 1833, 48 rue du Faubourg-du-Temple.
N°49 bis. – Habité par le littérateur Ernest Feydeau (1821-1873) dont le roman Fanny eut 16 éditions en dix-huit mois.
Nos 54 à 68 : La prison de Clichy. – Emplacement de deux petits hôtels ayant appartenu, en 1779, à Gaspard Rouillé d’Orfeuil, puis à un banquier, le baron Saillard. L’Anglais Crawfort loua le n°54 en 1790 et y remisa la berline que Fersen devait utiliser, le 20 juin 1791, pour la fuite de la famille royale ; ce Crawfort était l’amant de la sœur de la baronne de Korff, amie de Fersen, au nom de qui fut établi le passeport de Marie-Antoinette. La Ville de Paris acheta ces hôtels en 1826, pour 392 000 francs, et y installa, en janvier 1834, la prison, jusqu’alors installée à Saint-e-Pélagie (cf. r. de la Clef) dans laquelle les créanciers faisaient incarcérer leurs débiteurs qui y étaient entretenus à leurs frais. La durée de l’emprisonnement était de trois mois pour une dette de 200 à 500 francs, de six mois pour une dette de 500 à 1000 francs et ainsi de suite jusqu’à une durée de trois ans maximum de la contrainte par corps. Cette prison pour dettes, dite Clichy, avait son entrée au n°68 ; elle était assez particulière puisque les détenus y disposaient de salles de jeux, d’un café-restaurant, d’un débit de tabac, d’un buffet de pâtisseries, d’un cabinet de lecture, de chambres individuelles que le créancier payait pour son débiteur de cinq sous à deux francs par jour suivant l’ameublement et la fréquence de l’échange des draps. La prison de Clichy fut supprimée le 24 juillet 1867, lors de l’abrogation de la contrainte par corps, qui mit fin aussi aux « recors », nom donné aux gardes du commerce chargés de l’arrestation des débiteurs. Elle fut alors démolie et remplacée par des immeubles.
N°55. – Le théâtre de l’œuvre, de 1892, salle de concerts avant que Lugné-Poe ne s’y installât, se trouve sur l’emplacement d’une dépendance de l’hôtel Gramont (cf. cité Monthiers).
N°58. – Société biblique britannique et étrangère et Société biblique de Paris, fondée le 4 novembre 1818, installée au temple des Billettes jusqu’en 1821, puis rue du Sentier, rue des Saints-Pères (n°54) et ici où elle a rejoint la Société biblique de France.
N°77. – Habité par Victorien Sardou en 1878 ; il avait alors 47 ans.
N°88. – Emplacement de la Folie-Bouëxière (1760-1788) et du troisième Tivoli (1826-1842) (cf. pl. Adolphe Max).