MONTMARTRE (boulevard)

IIe et IXe Arrondissements. Commence 169 r. Montmartre et 1r. du Faubourg-Montmartre ; finit 112 r. de Richelieu et 2r. Drouot. Longueur 215 m ; largeur 35 m.

Ce boulevard fait partie de ces Nouveaux Cours dont l’ouverture, sur l’emplacement des fossés des bastions de l’enceinte de Louis XIII, avait été prescrite en 1676. Son nom, dû au voisinage de la porte Montmartre (cf. r. Montmartre), fut remplacé pendant la Révolution par celui de Montmarat. Quoique achevé en 1705, il n’était pas encore bâti en 1763. Il était à cette époque bordé de deux rangées d’arbres sur son côté nord et de trois sur son côté sud ; sur la dernière de ces rangées empiétait la terrasse qui clôturait, au nord, le grand jardin de l’hôtel de Montmorency-Luxembourg dont les bâtiments ouvraient sur la rue Saint-Marc. Le théâtre des Variétés et le passage des Panoramas sont sur l’emplacement de ce jardin.

N°1 (et 69 r. Montmartre). – Emplacement en 1728 d’un hôtel de Seigneulay dont le rez-de-chaussée fut occupé, vers 1750, par le café de la Porte-Montmartre.

N°5. – Emplacement, en 1906, de la petite salle de théâtre Triboulet, ensuite salle Fantasio, maintenant cinéma.

N°6. – Le café de Madrid dut être créé au début du second Empire, mais antérieurement au mariage de Napoléon III ; il a été mis en vogue à l’automne 1861 lorsque le patron du café situé à côté du théâtre des Variétés refusa de s’abonner au journal Le Boulevard qu’un de ses habitués, le photographe et caricaturiste Carjat, venait de fonder au n°56 de la rue Laffitte. Une partie de sa clientèle, faite de comédiens et de journalistes, partit alors au café Madrid tenu par un certain Bouvet ; elle y trouva de jeunes républicains : Gambetta, Clément Laurier, Ranc, Spuller, Henri Rochefort… des écrivains : Beaudelaire, Léon Cadel, Maxime Ducamp, Villiers de l’Isle-Adam, Gustave Mathieu, Francis Magnard, Charles Monselet… et des futurs membres de la Commune : Raoul Rigault, Eudes, Jules Vallès… qui donnèrent à ce café un caractère antigouvernemental prononcé. Il fut fréquenté, après 1872, par Alphonse Allais, Willy… ; Ernest La Jeunesse en a été le dernier pilier.

N°7 : Le théâtre des Variétés. – Ce théâtre résulte du décret du 8 juin 1806 par lequel Napoléon réglementa les théâtres parisiens. Il n’y en eut plus que huit à partir du 1er janvier 1807, divisés en grands théâtres : Théâtre-Français (avec ses deux salles de la rue de Richelieu et de l’Odéon), l’Opéra, l’Opéra-Comique, et en théâtres secondaires : le Vaudeville, la Porte-Saint-Martin, la Gaïté, les Variétés-Etrangères et les Variétés. Mais il fut prescrit à ce dernier théâtre de quitter le Palais-Royal où il se trouvait. Où aller ? Mlle Montansier, qui le dirigeait, loua alors à James Thayer, lotisseur de jardins de l’hôtel de Montmorency-Luxembourg, appelés depuis 1800 jardins des Panoramas, un terrain sur lequel l’architecte Cellerier construisit, en 1806-1807, la salle actuelle. En attendant qu’elle fut achevée la troupe alla jouer dans la salle de la Cité, construite, par Lenoir, en 1891 (cf. bd du Palais).

Le théâtre des Variétés, dont la façade, classique, présente deux étages tétrastyles, fut inauguré, le 24 juin 1807, par un vaudeville de Désaugiers, le Panorama de Momus. Le prix des places (il y en avait 1600) s’étalait alors entre 3,60 francs à l’orchestre et 1,25 francs au dernier amphithéâtre (5 francs et 1 franc aux mêmes places en 1867).

Ce théâtre s’agrandit, en 1833, d’un petit jardin situé derrière sur lequel on édifia les bureaux de la direction et les magasins de costumes et de décors avec entrée sur la galerie des Variétés.

Il pris en 1843, sous la direction de Nestor Roqueplan, qui la garda jusqu’en 1847, un essor qui ne fit que s’affermir lorsque les Variétés adoptèrent, plus tard, le genre bouffon avec le répertoire d’Offenbach, interprété par Hortense Schneider. Son grand succès fut la Belle Hélène, dont la première eut lieu le 13 décembre 1864 ; toutefois, celui de la Grande Duchesse, donné lors de l’Exposition de 1867, le dépassa. Le théâtre des Variétés connut un nouvel âge d’or sous la direction de Samuel ; Henri Lavedan, Maurice Donnay, Alfred Capus, Robert de Flers et Caivallet y furent souvent joués ; Baron, Brasseur, Guy, Max Dearly, et Eve Lavallière étant les principaux interprètes.

Rappelons cette remarque de l’acteur Brunet qui y joua jusqu’en 1833 devant les têtes couronnées : « Napoléon riait peu, Louis XVIII riait d’un gros rire, Charles X souriait et Louis-Philippe riait aux éclats. »

N°9. – Le café des Variétés, fondé sous le premier Empire, fut installé à l’origine dans une modeste construction, à un seul étage, adossée au panorama situé à gauche de l’entrée du passage des Panoramas. On put l’agrandir après la démolition de cet établissement en 1831. Ce café devait devenir, dès ses débuts, le lieu de rendez-vous des comédiens et des auteurs, puis des gens de lettres lorsque son second étage fut transformé en un rayon littéraire où affluèrent les journalistes, les chroniqueurs et les critiques. Son déclin vint après 1870, au bénéfice du café de Madrid ; il resta toutefois le quartier général des acteurs et actrices de province qui s’y rassemblaient pour chercher un engagement ou raconter leurs succès.

Nos 10, 12. – Emplacement d’un hôtel dont les dépendances longeaient le côté sud des jardins de l’hôtel d’Augny (cf. r. Drouot). Dans cet hôtel, qui avait appartenu au prince russe Tuffakine, puis à l’ambassade de Turquie, logea Boieldieu, de 1826 à 1834. Il y avait plus de trente ans qu’il était venu, avec 30 francs en poche, à Paris, où il avait débuté comme accordeur depianos, et il y avait sept ans qu’il était membre de l’Institut. Rossini y habita de 1829, à 1833 alors dans un appartement voisin logeait le compositeur Carafa de Colobrano (1785-1872), d’origine italienne, venu à Paris en 1822 (il devait entrer à l’Institut en 1837).

Le rez-de-chaussée de cet hôtel était occupé, en 1815, par le « spectacle instructif de physique et de fantasmagorie » du physicien et aéronaute Roberston (1762-1837).

Hôtel démoli en 1835 ; le passage Jouffroy passe sur son emplacement.

L’immeuble qui le remplaça fut occupé à l’étage par un restaurant qui, pour faciliter les mariages, donnait, à la fin du XIXe siècle, des sauteries agréables réunissant jeunes gens et jeunes filles du quartier.