NEW-YORK (avenue de)
XVI e Arrondissement. Commence au pont de l’Alma et 1pl. de l’Alma ; finit 2 r. Beethoven. Longueur 1250 m ; largeur minimum 27 m.
La construction de cette avenue commença en 1572 ; on l’appela des Bons-Hommes en raison de la proximité du couvent indiqué ci-après. Il reçut, vers 1610, le nom de Savonnerie dû à la manufacture de tapis mentionnée ci-dessous, puis celui de la Conférence lorsque le nom fut donné au quai construit, en 1769, lors de la formation de la place Louis-XV (de la Concorde, quai de la Conférence), quai dont il devenait alors le prolongement. Il s’appelait quai de Chaillot ou chemin de Paris à Versailles lorsque Napoléon décréta, en 1807, au moment de la construction du pont d’Iéna, qu’il porterait désormais le nom du général Billy, tué dans la bataille d’Iéna. Il reçut en 1918 le nom de Tokio, remplacé en 1945 par celui de la ville de New-York.
C’est le long de ce quai, entre la place de la Conférence et la barrière des Bons-Hommes, que Fulton procéda, le 9 août 1803, à son premier essai de navigation à vapeur. Le « chariot d’eau mû par le feu », « bateau armé de deux roues posées sur un essieu, derrière lesquelles était une espèce de grand poêle avec un tuyau », n’attira pas grand monde et le Premier consul assimila Fulton à un aventurier, à un charlatan et à un imposteur. Ce bateau avait toutefois remonté la Seine à une vitesse de 5 kilomètres et demi à l’heure ; Bossut, Carnot, Volney et Prony étaient à bord. Une inscription apposée sur le mur du quai en aval de la passerelle Debilly rappelle ce souvenir
N°4. – Emplacement, de1781 à 1902, de la pompe à feu de Chaillot (cf. r. Frères-Périer).
N°10. – Emplacement de la maison dans laquelle Cadoudal avait projeté de cacher 70 à 80 Bretons, qui devaient, sabre en main, s’élancer contre la voiture du Premier consul au moment où, entouré de son escorte, il passerait sur ce quai en se rendant à Saint-Cloud. On devait s’emparer de sa personne et l’envoyer en Angleterre. Une dénonciation éventa ce complot.
Nos 12 à 16. – Emplacement d’un terrain où l’on installa, en 1758, le dépôt des Marbres lorsque celui-ci dut évacuer son emplacement initial lors de la formation de la place Louis-XV (de la Concorde). On trouvait à côté un pavillon de campagne, avec parc, dit la maison du Cèdre, qui aurait appartenu à la marquise de Pompadour ; elle se trouvait ainsi à proximité de sa fondation, l’Ecole militaire, lorsqu’elle venait à Paris voir l’état d’avancement de la construction de cet établissement. Cette maison appartint plus tard à la comédienne Sophie Arnould ; Anatole France y a situé son héroïne du Lys Rouge. Hôtel démoli en 1865.
Le cèdre situé au coin du n°12 est un des premiers de ceux qui furent importés en France ; il a été planté à cet endroit en 1788 et a orné l’ancienne ambassade de Pologne.
N°18 : La manufacture de la Savonnerie et la Manutention militaire. – Emplacement d’un terrain sur lequel Martin de Mauvoy installa en 1608, une fabrique de savons. Il en loua une partie à Henri IV qui comptait y mettre une manufacture de toiles fines, mais Marie de Médicis y ouvrit, en 1615, un orphelinat. D’autre part, Pierre Dupont avait installé au Louvre, en janvier 1607, une manufacture de tapis « façon de Perse et à la Turque », atelier que son ancien apprenti, Simon Lourdet, alors maître, transféra, en 1627, dans cet orphelinat. Cet atelier fut agrandi, en 1631, par l’achat, par Louis XIII, de la savonnerie de Mauvoy située à côté.
En 1663, Colbert donna à cette manufacture une organisation nouvelle. Simon Lourdet fut remplacé par son fils en 1667, celui-ci par sa veuve en 1671, et cette dernière par Louis Dupont, puis par ses héritiers de ce dernier. Le duc d’Antin favorisa, en 1713, le développement de cette brillante manufacture qui fabriqua la majeure partie des tapis des châteaux du Louvre, de Versailles, de Trianon et de Marly. Tombée ensuite en décadence, elle fut réorganisée en 1801, puis réunie, le 15 février 1826, à la manufacture des Gobelins où elle forma une division spéciale.
Son emplacement fut occupé, à partir de 1836, par la Manutention militaire contenant l’approvisionnement de 40 000 hommes pendant trois mois. Agrandie en 1840, incendiée le 18 novembre 1855, restaurée en 1856, incendiée à nouveau pendant la guerre de 1914-1918, elle a été remplacée, en 1937, par le palais d’Art moderne, construit par les architectes Dondel, Aubert, Viard et Dastugue, renfermant le musée de l’Etat à l’ouest et le musée de la ville à l’est. Ces musées sont séparés par un parvis ouvrant sur le quai et fermé au fond par un portique à colonnades décoré d’un bas-relief de Janninot (les Légendes antiques) et par une terrasse.
Le palais d’Art moderne a aussi absorbé l’emplacement du Magasin central de la Marine situé, en 1910, au n°24.
C’est à côté de la Savonnerie que se jetait dans la Seine le Grand-Egout de la rive droite de Paris ; sa longueur totale était, avec ses embranchements, de 21 kilomètres.
N°54. – En 1583, Catherine de Médicis se fit construire, sur la hauteur de Chaillot (emplacement du palais de Chaillot), une maison de campagne avec jardins en terrasses superposées descendant jusqu’à la Seine. C’est là que furent célébrées, en 1588, les noces d’Henri Ier d’Orléans, duc de Longeville, avec Catherine de Nevers et celles de Charles de Gondi avec Antoinette d’Orléans-Longueville.
Après la mort de la reine Catherine, en 1589, cette maison, dite Beauregard, fut adjugée, en 1605, à la belle Corisande d’Andouins, comtesse de Guiche et de Gramont, qui avait été, vers 1580, la maîtresse d’Henri IV, son ami d’enfance. Elle appartint, en 1613, au président Pierre Jeannin ; en 1622, à son gendre, le contrôleur général des finances Pierre de Castille, qui l’agrandit et la prêta à Richelieu entre 1626 et 1629 ; en 1630 à la veuve de Pierre Jeannin qui la vendit, le 12 janvier 1630 au maréchal de Bassompierre. Il la paya 80 425 livres. Marie de Médicis le railla, a conté Tallemand des Réaux : « Mais c’est une maison de bouteilles ! (un cabaret) lui dit la reine. – Madame, lui répondit-il, je suis Allemand. – Mais elle n’est pas à la campagne ; ici, c’est un faubourg de Paris. – Madame, j’aime tant Paris que je ne voudrais jamais en sortir. Mais ce n’est bon qu’à y ramener des garces ! – Madame, j’y en mènerai. » C’est de ce château que Bassompierre, qui avait conspiré contre Richelieu, partit pour la Bastille, le 24 février 1631, après avoir brûlé 6000 lettres d’amour ; il n’en sortit que douze ans plus tard, après la mort du cardinal, et c’est dans ce château que fut rapporté son corps après qu’il eut trouvé la mort dans une auberge de Provins, en 1646 à 67 ans.
Le couvent de la Visitation-Sainte-Marie. – Son château, aussi appelé maison de Gramont, fut acheté à ses héritiers 67 000 livres, en mai 1651, par les religieuses du monastère de la Visitation-Sainte-Marie de la rue Saint-Antoine. Son enclos, sur lequel les Dames de Chaillot, appelées ironiquement les « Filles de Bassompierre », avaient droit de haute justice, s’étendait jusqu’au bord du chemin de Versailles, lequel longeait la Seine. Contre le mur de cette clôture, la duchesse d’Orléans fit bâtir, en 1735-1736, un pavillon où l’on aimait venir voir le défilé des équipages qui passaient continuellement.
C’est dans ce couvent que furent pensionnaires pendant deux ans, jusqu’en 1657, Marie et Hortense Mancini, nièces de Mazarin, que la petite-nièce du cardinal Mazarin se fit enlever en 1680 par le petit-neveu du cardinal Richelieu, tout comme le père de celui-ci, J.-B. Vignerod, marquis de Richelieu, avait enlevé, en 1652, la fille aînée de la baronne de Beauvais (Cateau la Borgnesse) qu’il épousa peu après et que se retira, en 1635, Mlle de Blois, veuve du Régent. Dans la chapelle (emplacement du grand bassin du palais de Chaillot), rebâtie en 1701 par Gabriel, aux frais du maréchal de Lorges et de son beau-père, le financier Nicolas Frémont, furent inhumés : la sœur aînée de la marquise de Montespan (1659), la sœur du ministre Colbert (1698), le maréchal de Lorges (1702) et Béatrice d’Este, seconde épouse de Jacques II Stuart, mère de Jacques III. Furent déposés dans cette chapelle les cœurs d’Henriette de France, morte à Colombes, en 1669, à 60 ans, de son fils Jacques II et de la seconde fille de ce dernier, Louise-Marie-Stuart, morts à Saint-Germain-en-Laye, en 1701 et 1712.
Ce couvent, qu’un double mur de clôture séparait de celui des Bons-Hommes, un monastère de filles ne devant pas être contigu à un monastère d’hommes, fut aussi reconstruit, en 1687-1705, grâce au concours de Nicolas Frémont. On trouvait au XVIIIe siècle, adossée extérieurement à son mur de clôture, la morgue du village d’Auteuil.
Ce couvent fut fermé à la Révolution et rasé peu après, ayant été bien ébranlé par l’explosion, en août 1794, de la poudrière de Grenelle. Napoléon envisagea d’utiliser son emplacement pour y construire un splendide palais qui prendrait le nom de palais du roi de Rome, où il aurait pu s’installer avec l’impératrice, les divers rois, reines, princes et princesses de sa famille et ses grands dignitaires, et où les arts, les sciences, l’Université et les Archives auraient eu leur palais particulier : « Je veux créer, en un mot, un Kremelin cent fois plus beau que celui de Moscou ; ce sera ma cité impériale, la cité napoléonienne. » Mais ce projet, que Percier et Fontaine avaient commencé à élaborer trois mois avant la naissance de l’Aiglon, ne put être accompli par suite des désastres de 1812 ; toutefois, le sommet de la colline avait commencé à être nivelé et les pentes à être aménagées.
Afin d’exalter la campagne d’Espagne, à la fin de laquelle le duc d’Angoulême avait pris un petit fort de la base de Cadix, appelé le Trocadéro, Charles X envisagea d’édifier sur la colline de Chaillot un obélisque placé au centre d’un bel ensemble architectural qui se serait appelé la villa Trocadéro. Cet obélisque aurait rappelé, sur ses quatre faces, les principaux faits de l’expédition de 1823 ; il aurait surmonté une fontaine représentant l’Ebre et la Seine mêlant leurs eaux dans un même bassin. Ce projet resta sans suite, seul fut édifié un fort en carton-pâte symbolisant le Trocadéro, dont un bataillon de grenadiers, parti du pont d’Iéna, s’empara, avec force pétardes, au cours d’une fête populaire (1827). Le nom du Trocadéro devait toutefois rester appliqué à cet endroit.
Les travaux que fit Haussmann dans ce quartier entraînèrent un aplatissement du sommet de cette hauteur sur laquelle Bourdais et Davioud construisirent, pour l’Exposition de 1878, le palais du Trocadéro. Celui-ci a été remplacé, en 1935-1937, par le palais de Chaillot, édifié, par les architectes Carlu, Boileau et Azéma, sur les fondations du palais précédent dont les ailes, longues chacune de 195 mètres, ont été enrobées dans celle du palais actuel. Entre elles, se trouve une terrasse de60 mètres de large, sous laquelle est une salle de théâtre, de 1000 à 2900 places, œuvre des architectes Niermans frères. Le palais de Chaillot renferme, dans l’aile de Passy, le musée de l’Homme et le musée de la Marine (ce dernier antérieurement au Louvre), et dans l’aile de Paris, le musée des Monuments français, ouvert en 1882, sous le nom de musée de Sculpture comparée et remanié en 1937. Un grand bassin central s’allonge au pied de la terrasse. De part et d’autre, des rampes conduisent aux jardins du palais de Chaillot dans lesquels se trouvent : l’aquarium souterrain, creusé par Combaz pour l’exposition de 1878 et rénové en 1937, un vestige de la façade orientale du château des Tuileries construit par Philibert Delorme (1564) et une lucarne de l’hôtel de Ville construit par le Boccador (1606).
N°60 : Le couvent des Bons-Hommes. – Emplacement au VIIe siècle d’une villa dite de Nigeon, et au XIVe siècle d’une maison de plaisance, dite le manoir de Niegon qui resta la propriété des ducs de Bretagne jusqu’au XVe siècle. Le comte de Penthièvre y mourut en 1331 ; Marie de Bretagne apporta cette maison en mariage à Louis, duc d’Anjou, frère de Charles V ; les lettres qu’il envoya de là sont datées de Challuyau-lez-Paris. Confisqué par les Anglais qui le donnèrent, en avril 1427, au comte de Salisbury, ce manoir fit retour, après leur départ, au duc de Bretagne.
Anne de Bretagne, femme de Charles VIII, en devint propriétaire en 1493, l’agrandit en achetant, en 1496, une maison voisine appartenant à Pierre de Cerisy, contrôleur général de sa maison et bailli de Montfort-l’Amaury, et elle affecta le tout à un couvent d’hommes qui fut appelé le couvent des Minimes de Chaillot. Celui-ci serait compris, de nos jours, entre la Seine, la rue Bethoven, le boulevard Delessert et la rue Le Nôtre ; ses jardins montaient en étage assez près du sommet du coteau. Ses moines appartenaient à un ordre fondé, en Calabre par François de Paule, en 1454, sous le nom d’Ermites de Saint-François d’Assise : ce saint fondateur avait voulu que, par humilité ces religieux portassent un nom qui les caractérisât d’où celui de minimes. Leur ordre était sévère ; ils ne devaient jamais manger de viande et il leur était défendu de parler et de changer d’habit ; certains d’eux furent aussi installés à Amboise par Charles VIII. Comme les Minimes de Chaillot reçurent d’Henri III en 1585, le monastère du bois de Vincennes jusqu’alors propriété de religieux de l’ordre de Grandmont, dits depuis quatre siècles les Bons-Hommes, ce dernier nom leur fut aussi donné. En 1611, ils eurent une troisième maison, celle-ci dans Paris même, le couvent des Minimes de la place Royale (cf. r. de Béarn).
La chapelle du couvent des Bons-Hommes de Chaillot (emplacement de la r. Chardin), commencée en 1512, avait été dédiée, le 12 juillet 1578, à Notre-Dame de Toutes Grâces ; Jean Quentin, pénitencier à Notre-Dame, avait favorisé sa création ; aussi son cœur y fut déposé :
Cy gist au bas de ce pilier
Le cœur du bon Pénitencier,
Maître Jean Quentin sans errer,
Qui, de ce couvent bienfaiteur
Fut, et de l’Ordre, amateur.
Un autre de ses bienfaiteurs fut Michel Standouth, le féroce principal du collège Montaigu. Citons, parmi les personnes qui y furent inhumées : en 1516, Françoise de Veni d’Arbouze, femme du cardinal Antoine Duprat, chancelier de France avant qu’il n’embrassât l’état ecclésiastique ; en 1572, le petit-neveu de saint François de Paule, Jean d’Alesso, ainsi que son épouse et d’autres membres de sa famille comme, en 1600, Olivier Lefèvre, seigneur d’Ormesson, issu d’une sœur de saint François de Paule, mort en 1600, à 75 ans ; il était alors premier président à la chambre des comptes. Y furent inhumés le maréchal-comte de Rantzau qui avait perdu à la guerre une jambe, un bras, un œil et une oreille et qui mourut d’hydropisie en 1650, à 51 ans, et le vice-amiral Jean d’Estrées, neveu de la belle Gabrielle, mort en 1707, à 83 ans. Sa femme fut inhumée près de lui en 1714 ; Coustou fit leur médaillon.
Ce couvent, très vaste, pouvait contenir une centaine de religieux : il n’en avait qu’une douzaine à la Révolution ; son apothicairerie était précieuse aux habitants de Passy, dénués de pharmacie. Il fut fermé en 1790 et vendu en 1796 à un industriel flamand, Liévin Bouwens, qui le transforma en une filature de cotons, ce qui lui valut d’être décoré de la Légion d’honneur le 9 mai 1810.
N°64. – Emplacement de la barrière des Bonshommes (cf. r. Bethoven), dite aussi de Passy et, également, de la Conférence, ce dernier en souvenir de l’ex-barrière de la Conférence située, avant la construction du mur des Fermiers-Généraux, à l’extrémité ouest du Cours-la-Reine.
Une patache, dite de la Conférence, faisant le va-et-vient entre les barrières de la Conférence et de la Cunette, assurait le contrôle de l’octroi en aval de Paris, ainsi que le faisait, en amont, la patache de La Rapée.