PROVENCE (rue de)

VIIIe et IXe Arrondissements. Commence 35 r. du Faubourg-Montmartre ; finit 2 r. de Rome. Longueur 193 m ; largeur 18 m.

De même que les rues Richer, des Petites-Ecuries et du Château-d’Eau qui la prolongent vers l’est, cette rue est située sur l’emplacement du Grand-Egout, transformé, de 1737 à 1740, en un canal de 2 mètres de large, revêtu de pierres et dallé, dit le Nouvel-Egout. En 1771, le secrétaire des finances, Jean Laborde, l’ayant fait couvrir à ses frais entre la Chaussée-d’Antin et la rue du Faubourg-Montmartre, le sentier qui le longeait fit place, entre les rues du Faubourg-Montmartre et de la Chaussée-d’Antin, à une rue qui, bâtie en 1777, prit le nom de Provence en l’honneur du frère de Louis XVI. Elle fut prolongée, à partir de 1784, jusqu’à la rue de l’Arcade sous le nom de ruelle de l’Egout, de l’Egout-Saint-Nicolas, puis de Saint-Nicolas-d’Antin. Le percement du boulevard Haussmann ayant fait disparaître la section de cette rue située à l’ouest de la rue de Rome, la partie restante a pris, en 1868, le nom de Provence porté par le commencement de la rue.

On trouvait dans la rue de Provence, en 1833, un panorama, le Panorama Voyageur, de Mezzara, qui attirait alors beaucoup de monde, les panoramas du boulevard Montmartre étant démolis depuis deux ans.

N°16. – Emplacement de la maison sur le toit de laquelle tomba et se tua, le 6 juillet 1819, Mme Blanchard, partie en ballon du jardin Tivoli à 9 heures du soir. C’était sa soixante-septième ascension. Son ballon portait sous la nacelle une couronne des pièces d’artifice que Mme Blanchard enflammait en l’ait ; tout se passa d’abord sans incidents, mais, à la fin, une des fusées enflamma le ballon. Celui-ci tomba, la nacelle traîna, une secousse projeta à terre l’aéronaute qui se tua.

N°22. – Emplacement d’une résidence de Balzac après qu’il eut habité rue des Batailles, en 1834, et avant qu’il n’aille rue de Richelieu vers 1840. Plus tard, hôtel Majorelle.

N°24. – Emplacement approximatif d’un hôtel construit par Itasse en 1789, propriété de Barras, puis de la danseuse Fanny Essler. C’était le Salon des Arts-Unis lorsque le théâtre des Délassements-comiques, chassé du boulevard du Temple lors de sa démolition, s’y installa en 1862 ; il dut en partir en 1864 par suite du prolongement de la rue Le Peletier qui fit disparaître cet hôtel. Il se réinstalla alors boulevard du Prince-Eugène (Voltaire).

N°30 (et 31, 33 r. Lafayette). – Emplacement de l’hôtel Thélusson.

Jusqu’en 1823, la rue d’Artois (Laffitte) aboutissait dans la rue de Provence face au grand hôtel de la veuve de Pierre-Isaac Thélusson, riche banquier genevois, mort en 1776, qui, jadis, avait eu Necker pour caissier lorsque sa banque était installée à l’hôtel d’Halwyll, rue Michel-le-Comte. L’hôtel Thélusson recouvrait actuellement les nos 31 et 33 de la rue Lafayette et s’étendait en profondeur jusqu’à la rue de la Victoire et, à l’ouest, jusqu’à la rue Saint-Georges où il avait une autre entrée (n°2). Son portail, en forme d’arc de triomphe, de 10 mètres de haut sur autant de large, au-delà duquel on voyait un vaste jardin avec colonnettes, rochers et ornements paysagers, s’apercevait du boulevard. L’hôtel était au fond de ce jardin ; derrière lui s’étendait un autre jardin se terminant par un belvédère à colonnes ioniques dominant la rue Chantereine (de la Victoire) duquel on découvrait tout Montmartre. Cet hôtel construit, en 1780, par Ledoux, décoré par Callet, était d’un luxe inouï ; il coûta à Mme Thélusson deux millions. Après la mort de Mme Thélusson, à 42 ans, il appartint, en 1789, au comte de Pons de Saint-Maurice, lieutenant général, d’où la Révolution le délogea. Des commissions et administrations l’occupèrent, puis, après le 9 thermidor, on y donna, par souscription, ces « bals des victimes » où ne participèrent que les personnes ayant perdu un de leurs très proches parents sur l’échaffaud. Il s’y tint aussi un salon littéraire, appelé le Lycée Thélusson, que fréquenta Mme Vigée-Lebrun. Le prince Murat acheta cet hôtel en 1802 et le céda à l’empereur, en 1807, contre un million et l’Elysée. Napoléon l’offrit alors à l’empereur Alexandre pour y loger l’ambassadeur de Russie ; à ce titre, le prince Kourakine l’habita jusqu’en 1811 et le tsar Alexandre y descendit le 28 octobre 1818. Enfin, un tailleur du Palais-Royal, Berchut, l’acheta aux Domaines en 1823 pour le faire démolir, en 1824, lors du prolongement de la rue d’Artois jusqu’à la rue Chantereine.

N°41. – Berlioz (1803-1869) a habité à cet endroit qu’il quitta pour le n°43 de la rue Blanche.

N°42. – Chapelle évangélique Taitbout, de 1840, fondée en 1835 aux Galeries de Fer (conduisant de la r. de Choiseul au bd des Italiens, voie supprimée en 1879) et transportée peu après dans la salle des Saint-Simoniens de la rue Taitbout alors fermée. Ce fut la chapelle Taitbout nom qu’elle garda lorsqu’elle s’installa, en 1840, dans la rue de Provence. Actuellement, salle centrale de l’Armée du Salut.

N°43. – A été habité par Messonnier en 1865 (Halévy avait habité l’ex-n°43 en 1853).

N°44. – Garnier-Pagès est mort à cet endroir, en 1841, à 40 ans.

N°48. – Ancien emplacement d’une poste aux chevaux.

N°50. – Emplacement d’un hôtel Chenot construit, en 1790, par Bruneau. Le général d’Archambal y reçut Napoléon qui y remarqua sa femme ; la légation de Saxe y résida sous la Restauration.

Nos 54 et 56. – Emplacement, vers 1770, de l’hôtel de Thun où un petit théâtre privé fut construit, par Brongniart, pour Mme de Montesson. On le démolit, pour le remplacer, en 1778, par une sortie des écuries de l’hôtel du duc d’Orléans, construites par Boullée, qui étaient situées en bordure de la rue Chantereine (de la Victoire) ; Mirabeau, puis Bonaparte les utilisèrent en 1791 et 1798. En façade de la rue de Provence s’élevait, à cette sortie, un petit hôtel où Regnault de Saint-Angély habitait en 1810. Il organisa dans son hôtel, le nuit de la catastrophe de l’hôtel Schwartzembreg (cf. cité d’Antin), une ambulance pour recueillir et donner les premiers soins aux victimes. Hôtel habité, en 1816, par le baron Seillère.

Nos 47 à 57. – Emplacement de l’hôtel que Brongniart acheva, en 1770, pour le duc d’Orléans, ainsi très proche voisin de l’hôtel de Mme de Montesson (cf. cité d’Antin) avec lequel le sien communiquait par une serre. C’était un hôtel immense avec théâtre, cours, jardins anglais, parcs, bosquets et serres ; il s’étendait, à l’est, jusqu’à la rue Taitbout (nos 37 et 39).

Mlle Contat, l’habita après son mariage avec le neveu du poète Parny, le 26 janvier 1809 ; elle avait alors 49 ans.

Le n°57 est occupé, depuis le début du XIXe siècle, par un hôtel meublé, l’hôtel de France, où descendit George Sand avant 1831 et où vécurent Listz et son amie, la comtesse d’Agoult (Daniel Stern).

N°59. – Immeuble Empire. Péristyle avec statues, cour, balcon de la cour. Sa porte monumentale et la pompe située dans la cour sont classées.

N°61. – L’hôtel Montesson (cf. cité d’Antin), dont l’entrée était rue de la Chaussée d’Antin (n°40), s’étendait jusqu’ici.

N°71. – Façade.

N°79. – Magasins des Galeries Lafayette (cf. r. de la Chaussée-d’Antin).

Nos102 à 112. – Annexe des magasins du Printemps (cf. r. du Havre).

N°122. – Emplacement d’une maison de rendez-vous célèbre en 1920, le One-Two-Two.