Frontispice
PLANS, COUPES, ELEVATIONS des plus belles maisons et des hôtels construits à Paris et dans les environs.
Publiés par J.-Ch. Krafft, architecte, et N. Ransonnette, graveur.
A Paris, chez
Les deux associés, Krafft, architecte, rue de Bourgogne, n° 1463, fauxbourg Saint-Germain ; et Ransonnette, graveur, rue du Figuier, n°43, quartier Saint-Paul ;
CE. POUGENS, Imprineur-Libraire, quai Voltaire, N°10 ;
FUCHS, Libraire, rue des Mathurins Saint-Jacques, n°334 ;
CALIXTE VOLLAND, Libraire, quai des Augustins, n°25 ;
LEVRAULT, Libraire, quai Malaquais, au coin de la rue des Petits-Augustins.
Conclusion
Après avoir exposé dans notre avertissement l’objet que nous nous sommes proposé par cette collection des principaux bâtimens particuliers, des hôtels et des maisons de plaisance les plus agréables à cause de leur décoration, tant intérieure qu’extérieure, exécutés depuis vingt-cinq ou trente ans, dans Paris et ses environs ; nous croyons devoir la terminer par faire remarquer expressément toute l’importance de notre entreprise, et combien elle mérite, à tous égards, d’être distinguée de tout ce qui a été publié jusqu’ici en ce genre.
Pendant le siècle à jamais mémorable de Louis XIV, siècle où tous les genres de connoissances, les lettres et les beaux-arts, ont fait de si grands progrès, l’art de l’architecture fut un de ceux qui s’ets le plus distingué ; et la France fut embellie d’une multitude de monumens, qui ont fait le plus grand honneur à la nation. On vit par-tout des arcs de triomphe, des temples, des palais et des édifices, qui par le goût de leur architecture parurent rappeller les beaux jours d’Athènes et de l’ancienne Rome. Mais, à l’exemple de ces édifices antiques que l’on s’étoit alors proposés pourmodèles, on avoit tout sacrifié à la magnificence des dehors ainsi qu’à tout ce qui pouvoit contribuer à l’embellissement des villes ; l’intérieur et la distribution des bâtimens d’habitation sur-tout, y étoient singulièrement négligés ; c’étaoient de grands vestibules, des escaliers souvent à doubles rampes, et d’une étendue extraordinaire, de vastes salons à doubles étages, des salles de festins immenses, des galeries à perte de vue et des appartemens de parade où étoient prodiguées les richesses de l’architecture : toutes ces pièces étoient placées bout-à-bout, et souvent mal éclairées, à raison des péristiles, des portiques et des colonnades qui les décoroient au-dehors ; on n’étoit logé en quelque sorte que pour représenter, ou que pour les autres, plutôt que pour soi-même. Les châteaux du Luxembourg et des Tuileries en offrent des exemples. Les maisons des particuliers, les hôtels, les châteaux, n’étoient pas plus heureusement distribués ; on ignoroit alors toutes ces commodités si recherchées, ainsi que tous ces dégagemens qui font aujourd’hui de beaucoup de nos demeures des séjours si délicieux, et à l’aide desquels le service des domestiques s’opère comme par enchantement.
Ce ne fut que pendant le règne de Louis XV que l’on s’attacha par réflexion à réunir l’utile et l’agréable, et à donner à l’intérieur des bâtimens civils les commodités qui leur avoient manqué jusques-là, au point de faire de leur distribution en quelque sorte un art tout nouveau. On vit à cette époque s’élever une multitude d’hôtels, de maisons de campagne et de plaisance, qui étoient recommandables par les agrémens de leur distribution, et qui valurent une telle réputation à notre architecture, que la plupart des souverains d’Europe s’empressèrent de s’attacher des architectes français, ou d’en attirer dans leurs Etats.
Cependant, il faut le dire, l’art de la distribution ne parut s’être perfectionner qu’aux dépens de la beauté ou de la pureté de l’architecture des dehors des bâtimens. Comme on avoit jugé nécessaire de multiplier les jours ou les croisées dans les appartemens, ainsi que de rétrécir la grandeur des trumeaux, et de diminuer en même temps l’étendue et la hauteur des planchers des appartemens, afin de se procurer des corridors, des entresols, des escaliers dérobés, des cabinets de toilette, des boudoirs, des lieux à l’anglaise, et jusqu’à des petits appartemens de bains ; on regarda comme indispensable pour le succès de leur distribution, de se permettre des licences dans leur ordonnance d’architecture et de mutiler au besoin leurs membres ; on admit dans leurs plans toutes sortes de formes captieuses ; enfin on s’avisa de sacrifier souvent le dehors des bâtimens aux commodités de leur intérieur. Le grand Recueil de l’Architecture française, publié il y a cinquante ans, et qui renferme la plupart des édifices particuliers élevés sous Louis XV, fait voir toute cette différence, et que, si ceux-ci sont très remarquables par leur distribution, il s’en faut bien qu’ils le soient autant par la beauté de leur extérieur.
Il n’y a que depuis 25 ou 30 ans que l’on s’est attaché particulièrement à allier les belles proportions de l’Architecture ancienne avec les distributions les plus agréables : on a même renchéri à cet égard sur tout ce qui avoit été exécuté auparavant, au point de produire des bâtimens qu’on peut regarder comme des chefs d’œuvre d’Architecture.
Notre collection contient les dessins des meilleurs ouvrages de cette nouvelle architecture ; c’est-à-dire tous les édifices qui ont été exécutés par les architectes les plus habiles, et qui excitent l’admiration des amateurs, des connoisseurs et des étrangers. Comme nous avons levé et dessiné les plans soigneusement sur les lieux-même, nous croyons pouvoir répondre de leur exactitude.
Par suite de ces modèles de distribution, on n’a pas moins cherché à perfectionner, dans ces derniers temps, la décoration intérieure des appartemens. Nous avons donc cru devoir donner également quelques exemples des ornemens les plus usités des appartemens, et particulièrement des formes les pus belles de nos ameublemens.
Ainsi, notre collection est un supplément nécessaire à tout ce qui a été publié jusqu’ici sur les meilleures productions de notre architecture française, et elle doit être regardée comme le sceau de son perfectionnement.
Nous avons distribué cet ouvrage en 20 cahiers, de 6 feuilles chacun, pour que chaque cahier pût être vendu séparément, et que l’acquisition successive de l’ouvrage entier fut facilitée autant que possible. Nous avons en même-temps jugé à-propos de faire traduire en allemand et en anglais les descriptions et les explications des figures, afin de les rendre intelligibles aux étrangers qui n’entendnet pas le français.
NOUVELLE ARCHITECTURE FRANCOISE OU COLLECTION DES édifices publics et maisons particulières bâties à Paris et aux environs, depuis 25 à 30 ans, recueillie et publiée par J.-Ch. KRAFFT, architecte, et N. RANSONNETTE, graveur.
AVERTISSEMENT
Tous les gens de goût ont remarqué la révolution qui s’est opérée dans les arts et particulièrement dans l’architecture en France, depuis environs 25 années.
Les connoissances généralement répandues dans la société, le goût pour les voyages et l’instruction, ont amené, dans l’art de bâtir et de décorer les édifices, un changement remarquable. Le grand nombre des maisons particulières qui ont été érigées dans de nouveaux quartiers, et pour des propriétaires opulens qui avoient rapportés de leurs voyages en Italie, ou d’autres contrées, le goût de la nouveauté, un certain penchant à s’écarter des anciennes routines, et à les affranchir de plusieurs préjugés, ont totalement changé la phisionomie de notre architecture ; et les étrangers qui croiroient en avoir une idée, en consultant les anciens recueils de nos bâtimens, ou en puisant ses principes dans les ouvrages qui ont anciennement traité de cette matière, seroient dans une grande erreur.
Nous croyons donc rendre un service important, en publiant ce que l’on pourroit appeller les monumens de la renaissance de l’art au dix-neuvième siècle, et ceux qui ont préparer cette renaissance.
Nous avons en conséquence fait un choix des bâtimens les plus agréables et les plus élégans, tant sous les rapports de la décoration extérieure, que sous ceux de la distribution et de la décoration intérieure ; et pour les donner avec plus de fidélité, nous nous sommes procuré, des artistes même qui les ont érigés, les plans et les détails, que la plupart d’entr’eux se sont empressés de nous communiquer, avec cette politesse et cette grâce qui caractérise particulièrement la nation françoise.
Nous avons levé et dessiné sur les lieux, avec exactitude, tous les édifices, dont les plans n’existoient point, ou dont nous n’avons pas pu rencontrer les architectes.
Nous nous empresserons de rendre hommage à leurs talens, et au goût des propriétaires, en nommant les uns et les autres dans la courte explication dont nous accompagnerons les planches ; et nous y joindrons, autant que nous le pourrons, la date précise de l’érection du bâtiment, afin que l’on puisse suivre aussi la démarche de l’art, et juger de ses progrès ou des variations qu’il peut avoir éprouvées en changeant de système.
Nous ne nous permettrons aucune réflexion critique sur des ouvrages dont la plupart des auteurs sont encore vivans, afin de laisser au public la plus entière liberté de jugement ; le seul rapprochement de ces différentes productions suffira pour mettre ce public à même de se prononcer sur le mérite de ces bâtimens. Il nous semble d’ailleurs, que c’est à la génération future à juger impartialement celle qui l’a précédée. Les contemporains voient souvent de trop près, et ne peuvent être dégagés de l’influence des passions ; on est entraîné par la haine ou l’amitié, et l’on a trop d’exemples que des censeurs, soit indulgens, soit sévères, jugeoient, sans le vouloir peut-être, le personnel de l’auteur en croyant ne juger que ses ouvrages nous avons adopté une échelle commune pour les plans, et une double pour les élévations, afin que l’on puisse juger comparativement de la grandeur des édifices, et nous avons souvent détaché les lignes de l’architecture sur un fond de paysage dont les formes libres contrastent d’une manière frappante avec les masses sévères des édifices, et dont les tons variés s’opposent merveilleusement à la teinte uniforme et tranquille de la pierre, et à la couleur plus soutenue de la brique.
Ceux qui voudront colorier ces planches, en les lavant, pour en former des dessins qui présentent cette variété des effets et des tons donnés par la nature, le pourront facilement au moyen des exemplaires que nous avons fait tirer exprès sur papier d’Hollande ; et les ratistes, accoutumés à juger sur un simple trait du mérite d’une composition, concevront sans peine ce que l’harmonie du jour et de l’ombre pourroit y ajouter d’intérêt et d’agrément.