avec emploi de gros calibres.
Mercredi 8 septembre 1915
— Quelques obus tombent toujours, malgré cela, on est assez tranquille. Le soir, les chasseurs viennent faire des travaux en première ligne : ils font peu de travail et dorment presque toute la nuit. À 3h du matin ils quittent tes tranchées.
Jeudi 9 septembre 1915
— Journée calme, quelques obus qui nous obligent à nous tapir dans nos gourbis. Pour ma part, je commence à me creuser une tanière dans la craie où je serai à l’abri des schrapnells. Quelle vie ! Dès qu’un sifflement se fait entendre, chacun entre dans son trou comme la souris poursuivie par te chat. Le soir, les chasseurs viennent comme la veille pour creuser la première ligne ; je suis désigné pour conduire une patrouille fixe en avant des lignes, pour couvrir les travailleurs. À 22h, la patrouille et les travailleurs sont en position ; mes trois hommes et moi sommes dans un poste d’écoute avancé pour guetter la zone située entre les deux lignes. Vers 23h deux obus éclatent dans la tranchée sans que l’on ait entendu le sifflement précurseur ; aussi
un blessé pousse des cris déchirants ; on l’emporte, suivi d’une douzaine d’hommes plus ou moins grièvement atteints. Le travail cesse ; il est évident que les boches ont repéré le boyau. Ceci s’est passé à au plus cinq mètres de l’emplacement de ma patrouille ; un de mes hommes est légèrement atteint à l’arcade sourcilière. Un adjudant de chasseurs m’apprend qu’il vient de trouver un mort dans la tranchée ; revenant quelques instants après, il me dit en avoir vu trois autres, donc en tout quatre. Hasard ou non, le tir allemand a été efficace. Le travail dans la tranchée cesse. À 3h du matin les chasseurs quittent la tranchée, emportant six morts : deux autres étaient restés enfouis sous les décombres de la tranchée éboulée. Dans le boyau il y a des morceaux de chair détachés que l’on jette derrière Je parapet. À 4h, je vais dormir, complètement exténué.
Vendredi 10 septembre 1915
— La nouvelle tranchée de première ligne, non encore suffisamment creusée, est cependant occupée. J’ai pu dormir de 5h
à 6h30 ; c’est vrai — ment peu, mais impossible de faire autrement. L’après-midi, bombardement avec obus de gros calibre ; à chaque sifflement je me réfugie dans mon trou que je continue à creuser. Nous devons être relevés cette nuit, les quatre jours étant écoulés, il tombe quelques minen lorsque la nuit est venue, ils tombent loin des lignes.
Samedi 11 septembre 1915
1h00 — Les troupes de relève arrivent ; nous mettons sac au dos et leur cédons l’endroit après avoir passé les consignes. Un ordre mal exécuté par un chef de section fait que la relève est faite dans des conditions défavorables ; heureusement les boches ne se doutent pas que nous sommes massés dans les boyaux, sans quoi ils ne manqueraient pas de nous bombarder avec résultat certain. Après une attente prolongée, nous partons enfin et suivons les interminables boyaux qui conduisent aux passerelles jetées sur la Suippe. Ensuite, c’est la marche à travers le boyau qui mène au Camp où nous arrivons à 6h, harassés ; le temps est beau, heureusement, et chacun est assez gai. Un renfort est
arrivé pendant notre absence. Nous reconstruisons nos gourbis à l’aide de quelques piquets et de toiles de tente. L’après-midi, chacun dort.
Dimanche 12 septembre 1915
— Notre artillerie bombarde un avion boche, mais sans résultat ; du bivouac, nous surveillons les évolutions de l’aéro. Nettoyage des armes et effets. Une note passe disant que dès qu’un avion serait signalé, nous devions rester sous nos abris ou nous dissimuler du mieux possible. À l’aide de trois planches posées sur deux tréteaux, des infirmiers improvisent un autel sur lequel un prêtre infirmier dispose des objets religieux qu’il sort d’une petite valise. La messe commence presque aussitôt, écoutée par le Colonel, de nombreux officiers, auxquels viennent se joindre un grand nombre d’hommes ; quelques chants en chœur, quelques paroles du prêtre, et l’office est terminé. À 13h, je conduis une corvée de ravitaillement à Mourmelon ; je rentre à 16h30, juste pour voir la Compagnie rassemblée et prête à partir pour exécuter des travaux de nuit sur le front. Je m’équipe à la hâte, ne prends même pas la peine de manger, et pars avec ma Section.