JEAN-PHILIPPE LEMOINE DE COUZON
Fils de Claude Lemoine et de Geneviève Masson, il possédait dans Paris une fortune immobilière estimée en 1785 à 110 600 livres (Arch. nat. Z il 1133). Élève de Mansart de Sagonne, il obtint des récompenses à l'Académie à partir de 1764. Il s'effaça devant Heurtier et Raymond aux concours de 1765 et 1766, obtint le second prix en 1767 et le grand prix en 1768 : « une salle de comédie pour une grande ville entre deux places et deux rues » ; mais le brevet de pensionnaire ne lui fut pas accordé, ce fut Poyet qui l'obtint. Jean-Philippe Lemoine séjourna à Rome à ses frais ; il devait le rappeler plus tard à M. d'Angiviller quand il sollicita un poste d'inspecteur de la Comédie-Française (Arch. nat. 0' 1913). À Rome, il étudia l'architecture antique en compagnie de Jacob Guerne, lui-même interdit de pension pour cause de protestantisme. Leur présence est signalée à Rome par Pâris en 1771, à Venise en 1772 par Temanza, qui les fit piloter dans la ville par un de ses élèves.
Les débuts de Lemoine furent soutenus par Mansart de Sagonne. On lui demanda des projets pour les bâtiments paroissiaux de Saint-Eustache, dont Mansart de Jouy avait été longtemps l'architecte ; après des années d'hésitation, ce fut Moreau-Desproux qui édifia la chapelle des cathéchismes et les bâtiments du vicariat. Mansart de Sagonne avait construit pour la famille d'Argenson ; c'est pour elle que Lemoine transforma divers immeubles au faubourg Saint-Honoré- et étudia un grand hôtel dont les beaux dessins sont conservés à la Bibliothèque nationale (reproduction dans Charles De Wailly, 1979, p. 108). Il en subsiste le corps de logis sur les Champs-Élysées, qui porte le numéro 38, de l'avenue Gabriel (1780). L'ordre ionique de Palladio y est traité avec élégance et rigueur, ce qui vaut à l'élévation d'avoir été plusieurs fois reproduite, en particulier par Krafft et Ransonnette.
Comme architecte du marquis d'Argenson de Paulmy à la bibliothèque de l'Arsenal, Lemoine succéda en 1777 à Saint-Martin. En 1785, Paulmy veridif la bibliothèque au comte d'Artois qui, l'année suivante, acheta les livres du duc de La Vallière. Pour faire place à cet apport considérable, Lemoine de Couzon construisit une longue galérie, dite des Célestins, sur un emplacement occupé aujourd'hui par la caserne de la garde républicaine ; elle était interrompue en son centre par un salon octogonal. De cette époque, ne subsiste à l'Arsenal que la décoration du salon d'angle qui fut celui de Mn" de Genlis. Thiéry fait savoir dans son Guide, en 1787, que Lemoine s'apprêtait à bâtir dans l'enclos des Célestins un bâtiments destinés aux sourds-muets.
Dès lors, Lemoine eut pour clients divers officiers du comte d'Artois. Honoré-Charles de Buissy lui fit édifier un obélisque en l'honneur de ce prince dans son parc de Long en Picardie. Les sculptures en furent exécutées par Pfaff von Pfaffenhoffen ; ce monument fut détruit en 1792 comme « emblème de la féodalité ». À Saint-Cloud, Lemoine bâtit pour M. de Châlus une maison' qui fut occupée par la comtesse d'Artois. Un autre protecteur de Lemoine fut le chevalier de Cubières qui le recommanda sans succès aux suffrages de l'Académie (Arch. nat. O119328).
Agréé par l'administration des Économats, Lemoine de Couzon donna un projet, d'ordre ionique, pour l'église paroissiale de Saint-Cloud (Arch. nat. G 9 162-2). Les travaux furent interrompus en 1792 et reprirent sur les plans de Trou dit Henry sous la Restauration.
Lemoine était lié à De Wailly et à Peyre l'Aîné, qu'il seconda un moment comme contrôleur à Choisy et comme inspecteur des travaux de la Visitation du faubourg Saint-Jacques. Il existe au musée de l'Impression sur étoffes de Mulhouse une copie signée Lemoine du dessin de Ch. De Wailly d'après la chaire de Saint-Pierre à Rome (musée de l'Ermitage).
Lemoine intervint à Saint-Denis, en collaboration avec Peyre l'Aîné et Guillaumot dans la construction de la crypte/ des Bourbons (Arch. nat. 0 1904). Appelé à Sens, Lemoine de Couzon y donna un projet que nous conservons pour le choeur des Bénédictines de Saint-Antoine (Arch. nat. G 9 156 '2). Pour la cathédrale, dont la façade principale et les voûtes exigeaient des travaux urgents, son projet et ses devis furent préférés à ceux de Soufflot le Romain (1786) ; il demanda 2 000 livres d'honoraires.
M. Gallet, 1972.
J.-P. Babelon, « Le Palais de l'Arsenal à Paris », in BM, 1970.
L. Olivato-Puppi, « Les monuments de Palladio font grande impression, J.-A. Raymond a Tomaso Temanza », in Arte veneta, 1975,
Fr. Boudon, A. Chastel, H. Couzy, Fr, Hanion, in Système de l'architecture urbaine, le quartier des Halles, Paris, 1977.
M. Mosser, D, Rabreau, M. Gallet, in Charles De Wailly, Paris, 1979.
J. Foucart-Borville, in « Recherches sur les architectes parisiens dans la Picardie du XVIII' siècle », in BSHAF 1980.
Saulnier-Pernuit, in Le Sénonais au xvu• siècle, Sens, 1987.