MONSIEUR (rue)*
VIIe Arrondissement. Commence 57 r. de Babylone ; finit 16 r. Oudinot. Longueur 204 m ; largeur 9,75 m.
Le comte de Provence, Monsieur frère de Louis XVI, ayant acquis un terrain considérable entre les rues Plumet (Oudinot) et de Babylone pour y installer ses écuries obtint, pour les desservir, qu’une rue soit ouverte entre ces deux voies, ce qui fut fait en 1779. L’an suivant, l’architecte Brongniart acheta la plupart des terrains de la nouvelle rue, appelée Monsieur, afin de les revendre avec profit. Cette rue a été baptisée Bigot pendant la Révolution, puis Fréjus jusqu’en 1814, année où elle reprit sa dénomination primitive.
N°3. – Ancien hôtel (morcelé), de 1783, ayant appartenu au général, marquis, puis duc de Saint-Simon, sénateur du second Empire, descendant du mémorialiste du règne de Louis XIV, puis à la famille Cavelier de Montgeron.
N°7. – Hôtel construit par l’architecte Quin et vendu, en 1786, à Louis Lefranc, marquis de Pompignan. [p.136 :] Façade sur cour ornée de bustes dans des niches ; belle façade sur jardin.
N°8 : Hôtel de Jarnac. – Cet hôtel a été construit, en 1783, par Legrand et loué, en 1787, à Marie-Charles de Rohan-Chabot, vicomte de Chabot, puis comte de Jarnac. Il fut vendu, en 1802, à un nommé Petiet, dont les héritiers le cédèrent, en 1810, au comte de Beaumont qui eut pour locataire, en 1829, le comte de Villèle. Il fut acheté, en 1834, par Guillaume Dupuytren, chirurgien de l’Hôtel-Dieu et revint à son décès, en 1835, à sa fille, mariée à un descendant du comte de Beaumont. Propriété, en 1846, du prince Soltykoff, il fut acheté, en 1847, par la duchesse de Valençay, épouse de Louis de Tayllerand-Périgord, qui y mourut. Ses héritiers le vendirent, en 1862, aux époux Galichon. Il appartint, en 1912, à Chevreau d’Antraigues, puis à la famille Menier, antérieurement au n°61 de la rue de Monceau, qui l’a restauré. Les Pères Barnabites (cf. r. de Monceau) l’occupèrent, après leur retour en France, de 1857 à 1862, année où ils allèrent rue de Monceau ; leur chapelle donnait rue de Babylone.
Façades ornées de colonnes ioniques d’ordre colossal ; à l’intérieur, plusieurs pièces ont gardé leur décoration de la fin du XVIIIe siècle. Hôtel classé avec ses dépendances et son jardin.
N°12 : Hôtel de Bourbon-Condé. – Cet hôtel a été construit, en 1783, par Brongniart (dont c’est peut-être le chef d’œuvre) pour Louis-Adélaïde de Bourbon-Condé, née en 1757, nommée, en 1786, abbesse de Remiremont. Elle était sœur du prince Louis Bourbon-condé que l’on trouva pendu à l’espagnolette d’une fenêtre de son château de Saint-Leu en 1830. Nattier l’ayant peinte en Hébé, ses intimes prirent coutume de l’appeler Hébé-Bourbon.
Ayant été envoyée, en 1786, à la suite d’une fracture de la jambe, aux eaux de Bourbon-l’Archambault, elle s’y lia avec le marquis de La Gervaisais, officier aux carabiniers de Monsieur, d’une affection qui fut toute platonique malgré la mauvaise réputation des eaux de Bourbon :
Tous les buveurs d’eau de Bourbon
N’ont pas besoin d’apothicaire.
Ces eaux sont dans l’occasion,
Un prétexte fort salutaire.
Sans s’attirer mauvais renom
Plus d’une fille y devint mère
Il s’y fait maint petit poupon
Qui bien souvent a plus d’un père.
La princesse ayant émigré dès le surlendemain de la prise de la Bastille, son hôtel fut confisqué. En 1816, Mlle de Bourbon-Condé prit le voile, sous le nom de sœur Marie-Joseph de la Miséricorde, chez des Bénédictines que, la tourmente passée, elle s’installa dans l’ex-hôtel du grand prieur du Temple où elle fonda l’ordre des Bénédictines du Saint-Sacrement et de l’Adoration perpétuelle ; elle y mourut en 1824. En 1853, ses restes furent transportés dans le couvent des Bénédictines du n°20 de cette même rue Monsieur. Quant à l’hôtel, saisi comme bien d’émigré, il y avait eu différents propriétaires ; on y voit, par exemple, un bureau de subsistances en 1790, un frère de Barras en 1798 ; Napoléon y logea, le 2 juillet 1808, l’ambassadeur extraordinaire de Perse Asker-Kan, venu lui apporter le sabre de Tamerlan ; un pensionnat l’occupa en 1816 et le marquis de Nicolaï l’acheta en 1825. Il le vendit, en 1847, au collège arménien d’une ancienne communauté religieuse fondée en 1676 ; ce collège le revendit, en 1880, à la comtesse de Chambrun qui le fit restaurer par Dainville. Elle mourut en 1891 et l’hôtel revint à son mari, le comte de Chambrun, fondateur du musée social (cf. r. Las-Cases) qui y fit construire, par Vaudremer, un oratoire destiné surtout destiné à des concerts d’orgue. Il mourut en 1899, et l’hôtel vendu par le musée social, fut acheté, e, 1911, par la baronne Lepic-Gaillard qui y vécut jusqu’en 1923, année où il fut cédé à l’Institut social, familial et ménager, créé, en 1916, rue Bertrand.
Cet hôtel où serait mort, en 1808, à 58 ans, le mathématicien italien Laurent Mascheroni, a gardé une partie de ses décorations intérieures ; il est classé avec ses dépendances et son jardin ; les bas-reliefs en terre cuite de Clodion ont été vendus.
N°20 : Hôtel de Montesquiou. – cet hôtel (restauré) est une autre construction de Brongniart, édifiée, en 1781, face aux écuries de Monsieur dont il avait tracé les plans pour le marquis Anne-Pierre de Fezensac, marquis de Montesquiou, premier écuyer du comte de Provence, député de la noblesse aux états généraux, commandant, en 1792, de l’armée du Midi avec laquelle il conquit la Savoie ; émigré, il mourut en 1798. Cet hôtel devint, en 1825, propriété du marquis de Nicolaï qui possédait aussi le n°12. Il le vendit, en 1853, aux bénédictines du Saint-Sacrement dépossédées de l’ex-hôtel du grand prieur du Temple installées provisoirement rue de Châteaubriand. L’architecte Clément Parent y construisit alors une chapelle dans laquelle fut transféré le tombeau de leur fondatrice, Hébé-Bourbon, mentionnée ci-dessus. Huysmans, à son retour de Ligugé, habita, de 1901 à 1902, un petit logement situé dans la cour de ce couvent, lequel servait aussi de maison de retraite. Cet hôtel fut acheté, en 1938, par l’Etat qui, après réfection, l’a affecté à l’office de la recherche scientifique et technique d’outre-mer.
La façade sur le jardin et le jardin sont classés ; cette façade a un attique surmonté d’un fronton triangulaire, finement décoré, que flanque, de chaque côté, une balustrade en pierre. La chapelle des Bénédictines n’existe plus.
Enfin, signalons qu’entre les hôtels de Bourbon-Condé et de Montesquiou se trouvait (ex-n°14) à la fin du XVIIIe siècle et sous l’Empire un dépôt d’archives qu’occupa à partir de 1847 le collège arménien installé au n°12.
Le romancier Paul Bourget (1852-1935) a habité la rue de Monsieur en 1894.