NOTRE-DAME-DES-CHAMPS (rue)**
VIe Arrondissement. Commerce r. de Vaugirard et 127 r. de Rennes ; finit 20 av. de l’Observatoire. Longueur 1 010m ; largeur minimum 11,70 m.
Cette rue provient du grand chemin herbu, des XIVe et XVe siècles, qui conduisait à la maladrerie Saint-Germain (square Boucicaut) à la chapelle Notre-Dame-des-Champs (r. Henri Barbusse) par nos rues du Bac, Dupin et du Regard. Ce fut aussi le chemin suivi pour transporter, depuis les carrières de Vaugirard, les pierres nécessaires à la construction du château des Tuileries. Elle est appelée rue du Barc, chemin du Coupe-Gorge (1670), rue Neuve-Notre-Dame-des-Champs, nom qui rappelait celui de l’ancien prieuré du faubourg Saint-Jacques où les carmélites s’installèrent en 1604, et de la Montagne-des-Champs sous la Révolution ; elle traversait alors un grand nombre de jardins.
Ont habité dans cette rue : en 1814, l’ancien ministre Garat à l’ex-n°2 ; en 1822, Sainte-Beuve à l’ex-n°19 et le peintre Devéria à l’ex-n°45. Le sculpteur Ramey est mort, en 1852, à l’ex-n°4. De nombreux artistes ont, comme de nos jours, habité cette rue. Citons parmi eux les peintres Devéria, Henner, Harpignies, Toudouze, Toulemouche, Cazin, l’inspecteur des Beaux-Arts Hirsch, le sculpteur Rolard, le céramiste Jean Carriès, les Hoffbauër père et fils, Lecomte de Noüy, Delécluze, le graveur H. Dubois, l’aquafortiste Lefort, inspecteur des Beaux-Arts… Le dépôt des Phares et le laboratoire d’essai de [p.188 :] l’Ecole des ponts et chaussées y occupèrent conjointement en location un immeuble de 1834 à 1848.
Enfin venant, de la rue de Vaugirard, Victor Hugo a habité, de 1827 à 1830, l’ex-n°11, qui portait en 1904, le n°27. Alors la porte cochère de ce n°27 ouvrait sur un immense couloir à ciel ouvert, long d’une cinquantaine de mètres, large de trois, au fond duquel était la petite maison du poète (emportée en 1904 par le boulevard Raspail), maison composée d’un rez-de-chaussée et de deux étages, derrière laquelle était un jardin s’étendant jusqu’au coude de la rue Duguay-Trouin. Ici, naquit, en 1828, son troisième fils, François-Victor. Il écrivit là : Cromwell, les Orientales, le Dernier jour d’un condamné, Marion Delorme et Hernani. Cette dernière pièce ayant suscité trop de visites à Victor Hugo, son propriétaire lui donna congé. Victor Hugo, déménagea donc en mai1830 et alla s’installer rue Jean Goujon.
Lorsqu’on prenait, en 1700, la rue Notre-Dame-des-Champs, on trouvait à son origine, à l’angle qu’elle formait avec la rue de Vaugirard (emplacement absorbé par la rue de Rennes) la communauté des Filles de Sainte-Thècle, qui avait succédé, en 1700, au couvent des Filles de la mort, de 1695. Le couvent de Sainte-Thècle, du nom de la patronne de la cathédrale de Milan, détenait une relique de cette sainte que lui avait donné l’église de Chamalières, en Auvergne. Son but était d’instruire la jeunesse et de lui apprendre à travailler ; il avait beaucoup de pensionnaires, plus quatre écoles gratuites pour les enfants de la paroisse Saint-Sulpice ; il recevait aussi les servantes sans emploi que l’on formait à la piété tout en leur apprenant un autre métier. Ses charges, trop lourdes, l’empêchèrent de prospérer ; aussi le curé de Saint-Sulpice Languet de Gercy, l’acheta-t-il, le 18 juin 1720, pour y loger les orphelins de sa paroisse.
N°2 à 10. – Emplacement de la communauté des Filles Orphelines, dite aussi communauté du Saint-Esprit, installée là, en 1640, par Mme Cossart. La fondatrice étant morte, la maison, qui tombait en ruine, fut cédée, en 1707, à l’Hôpital général qui la restaura. Elle fut occupée, de 1722 à la Révolution, par une communauté de Frères des Ecoles-chrétiennes, dite des Frères de l’enfant Jésus.
N°14. - Emplacement en 1768, d’un hôtel appartenant au président de la Chambre des requêtes Jean Ogier d’Enonville (1703-1775), qui fut englobé en 1775 dans l’hôtel ci-après.
N°16. – Hôtel de 1750, construit pour Chenard d’Honcourt que remplaça son frère, seigneur de Bugny. Le fils de ce dernier le vendit à de Villers, époux de la comtesse Duchâtelet, née Mailly. Il devint, en 1753, la propriété du marquis de Mailly, comte de Rubempré, brigadier des armées du roi. C’était l’hôtel de Mailly, qui engloba en 1775, celui du président Ogier, et qui fut occupé, par Pons en 1787, par une brasserie de Santerre en 1790 et, depuis 1847, par le collège Stanislas, antérieurement installé dans l’hôtel Fleury situé dans la même rue (cf. nos 22 et 54).
Porte classée.
N°17. – Dans la cour, restes d’une maison de campagne construite, en 1774, par Cellerier pour le duc de Montmorency- Laval. C’était le petit hôtel de Laval où Ampère aurait habité (le grand hôtel de Laval ouvrait sur le bd du Montparnasse, nos 75 à 79, et un troisième hôtel se trouvait sur le côté est de la r. du Montparnasse à l’emplacement de l’église Notre-Dame-des-Champs). Actuellement, maison mère et procure des Missions des religieuses de Nazareth.
Grand balcon ; fronton.
Nos 19. – Emplacement d’une maison où Sainte-Beuve aurait habité avec sa mère à l’époque où il fréquentait Adèle Hugo. Il en repartit, en 1830, pour la cour du Commerce-Saint-André. Emplacement occupé jusqu’en 1914 par l’Ecole secondaire ecclésiastique ou Petit-Séminaire qui s’étendait assez loin au nord du boulevard Raspail avant le percement de celui-ci.
N°20. – Maison mère des Sœurs du Bon-Secours de Paris.
Consoles, écussons.
N°22. – L’ancienne institution de l’abbé Liautard, devenue en 1822, le collège Stanislas (cf. n°54 désigné ci-après), s’installa ici, en 1847, en même temps qu’au n°16. Jules Macé, Hetzel, Alfred Assolant, Target, Camille Rousset, Edmond Rostand, les généraux Gouraud et de Gaulle, Georges Guynemer … ont été élèves de cette brillante institution. Aussi maison du Sacré-Cœur de Jésus.
La porte à colonnades, du XVIIIe siècle, du bâtiment sur cour parallèle à la rue Montparnasse est classée
N°23. – La rue Notre-Dame-des-Champs, était fermée ici par une barrière d’octroi avant la construction du mur des Fermiers-Généraux.
N°25. – a été habité par le peintre Charlet (1792-1845).
N°37. – Maison mère de la Société des Filles du Cœur de Marie.
N°39. – L’œuvre de la visite des malades dans les hôpitaux est un vestige de l’ancien asile des Convalescentes sur une partie duquel passe la rue Huysmans depuis 1912. Le jardin des Chartreux et celui du Luxembourg s’étendaient jadis jusqu’à proximité de cet endroit.
N°41. – Fut habité en 1887 par le futur cardinal Mercier, archevêque de Malines (1851-1926) ; il suivait alors les cours de Charcot à la Salpêtrière.
N°45. – Asile de vieillard tenu par les Petites-Sœurs des Pauvres depuis 1862.
N°49. – Le grammairien et lexicographe Pierre Larousse est mort à cet endroit, le 3 janvier 1875, à 58 ans.
N°54.- Emplacement d’un très grand hôtel construit, sous Louis XV, sur des terrains appartenant à l’Hôtel Dieu. Il s’étendait jusqu’au boulevard du Montparnasse et jusqu’à la future rue de la Grande-Chaumière. Il appartint à l’abbé Terray qui y avait aménagé une galerie dorée destinée à ses réceptions. Il y serait mort en 1778, à 63 ans. L’hôtel devint alors la propriété de la famille de Fleury, descendante de Jean-Hercule de Rosset, fils de la sœur du cardinal, qui avait relevé le nom de son oncle. Son arrière-petit-fils, André Hercule III, alors marquis de Fleury, devait épouser, début 1785, à 16 ans, à la chapelle du château de Choisy, Aimée de Coigny, la future Jeune Captive d’André Chénier, son aînée d’un mois. Celle-ci après son divorce, en juin 1792, vint habiter ici chez les grands-parents de son ex-mari et c’était là son domicile légal lorsqu’elle fut arrêtée en province le 16 mars 1793.
Les descendants de Rosset de Fleury, sa petite-fille, Mme de Saint-Aignan et son arrière-petit-fils, Boulainvilliers de Saint-Aignan, vendirent cet hôtel, en 1804, à l’abbé Liautard, aussi acquéreur de l’hôtel Traversière ci-dessus, auquel il l’annexa. Il suivit le sort de ce dernier hôtel jusqu’en 1847, puis fut démoli en 1850. Les rues Sainte-Beuve, Vavin, Bréa et Jules-Chaplain passent sur son emplacement.
N°56. – Le peintre Paul Baudry (1828-1886), qui travailla dix ans à la décoration du foyer et des galeries de l’Opéra, eut ici son atelier.
N°58. – Emplacement d’un hôtel du XVIIIe siècle, appelé Traversière lorsque Marguerite de Châteaufort le légua à son fils, Victor de Travers. Il fut habité avant la Terreur par la comtesse de Carignan Saint-Maurice, appartint à des religieuses ursulines en 1803, à l’abbé Liautard en 1804, qui l’annexa à l’hôtel Fleury cité ci-dessus. Hôtel démoli en 1850 ; les rues Vavin, Bréa et Jules Chaplain passent sur sn jardin. Actuellement, congrégation des Pères de la Sainte-Croix.
N°59. – Congrégation des Ursulines de jésus, dites de Chavagnes.
N°61. – Maison mère des religieuses de Notre-Dame de Sion depuis 1860. Une partie a été construite en 1790 par l’architecte Vavin ; c’était alors l’hôtel Vavin où Rosa Bonheur eut un atelier.
N°61 bis. – Couvent de Notre-Dame de Sion.
N°66. – Habité par l’académicien Jean Richepin (1849-1926) avant 1907.
N°68. – Prêtres missionnaires de Notre-Dame de Sion.
N°70 bis. – Fut habité par le peintre et sculpteur Léon Gérôme, de l’Institut (1824-1904). Il avait surnommé son atelier la « Boîte à thé » à cause de sa décoration chinoise. Ont aussi [p. 189 :] habité la « Boîte à thé » : le peintre illustrateur Emile Bayard qui donnait à l’Illustration les dessins des romans d’Hector Malo, d’Alphonse Daudet… ; le peintre dessinateur Georges Roux, qui illustra les dernières œuvres de Jules Verne ; le peintre hollandais Kaemmerer qui se suicida ; le sculpteur Renaudot dont l’épouse posa pour la Salomé d’Henri Regnault et dont l’une des filles épousa l’astronome Camille Flammarion ; Paul Baudry et le sculpteur Jean Moreau-Vauthier.
N°73. – Au fond d’un passage séparant les nos 73 et 75 a habité le chimiste Paul Schützemberger, de l’Institut (1829-1897). Son père était maire de Strasbourg en 1870. Ont aussi habité ce n°73 : Jean-Paul Laurens, de l’Institut, Elisabeth Gardner, élève de Bouguereau, qui l’épousa à la fin de sa vie, et le peintre américain John Sargent. Le peintre Othon Friesz y est mort en 1949, à 70 ans.
N°75. – Fut habité par le peintre William Bouguereau, de l’Institut (1825-1905). Le sculpteur Jules Thomas, de l’Institut, auteur de la statue de Mlle Mars à la Comédie-Française, du buste doré de Garnier, eut aussi ici son atelier.
N°76. – Fut habité par Maurice Barrès lorsqu’il quitta Nancy pour Paris. Ecrivain débutant, il y fonda sa petite revue La Tache d’encre.
N°77 – Emplacement au XIXe siècle, de la Villa des Dames, maison de santé pour les femmes.
N°79 (ou 71). – Habité par Pierre Loüys (1870-1925) entre 1885 et 1890. Il était alors élève à l’Ecole alsacienne. So frère aîné, Georges Louis, plus tard ambassadeur à Constantinople, y habitait avec lui.
N°99. – Maison mère des Oblates bénédictines de Notre-Dame.
N°109 (et 128 r. d’Assas. – Ecole alsacienne fondée en 1874. Citons, parmi ses anciens élèves : André Gide, Pierre Loüys et le ministre américain Christian Herter.
N°125. – Emplacement, à l’intérieur du triangle formé par les rues de Chevreuse, Notre-Dame-des-Champs et le boulevard du Montparnasse (n°133), d’un hôtel appartenant, vers 1780, à la princesse de Rohan-Guéménée, fille du duc de Bouillon et gouvernante des enfants de France. Après sa ruine (elle laissa un passif de 33 millions), son hôtel appartint à la comtesse de Tournon, mariée depuis 1773, à un neveu de la comtesse du Barry.