PAUL GUILLAUME LEMOINE LE ROMAIN
Architecte souvent confondu avec le précédent. Inscrit à l'Académie comme élève de Perronet et de Mauduit, il s'y distingua dans les concours mensuels à partir de 1772 et obtint le grand prix en 1775 pour « des écoles de médecine ». Son projet est conservé à l'École des beaux-arts ; il a été gravé par Prieur et Van Cléemputte. Lemoine s'est inspiré de l'École de chirurgie, dont la construction s'achevait sur les plans de Gondouin ; mais il renonça au premier péristyle « devant les critiques des contemporains » (Jean Adhémar). Il séjourna à Rome de septembre 1776 à décembre 1779. Après son retour, Lemoine paraît s'être employé auprès de Ch. De Wailly dans les travaux du Théâtre-Français. À coup sûr, un architecte de ce nom était inspecteur de l'édifice en 1790.
Lemoine le Romain fut en concurrence avec Poyet, Lequeu et Chalgrin quand il fut question de rebâtir l'église Saint-Sauveur, projet qui n'eut pas de suite.
C'est De Wailly qui dut le présenter à Beaumarchais. L'écrivain s'en explique en ces ternies dans une lettre conservée par sa famille « Mon histoire avec le citoyen Lemoine tient en peu de mots. J'avais plusieurs amis grands architectes et je voulus bâtir une maison. M. de Monville m'offrit la sienne pour quatre cent mille livres (art. Boullée). Je la trouvai trop chère, avec du faste. On me présenta un jeune homme arrivé de Rome où il avait gagné des prix. Il se plaignit de quelque injustice qui lui enlevait l'avantage de faire connaître son talent dans l'église Saint-Sauveur. Il me fit solliciter avec beaucoup d'instance et me demanda plusieurs fois de lui accorder ma confiance, m'assurant qu'il me bâtirait, avec plus grande économie qu'aucun constructeur ne l'avait fait, une maison noble et simple. »
Cette maison a été célèbre, construite aux ,abords de la Bastille et, dit-on, avec des pierres provenant de sa démolition. Sur un terrain aux êofitôurs irréguliers, le plan combinait savamment des formes circulaires et séduisait par des effets de lumière et de transparence, comme ceux que De Wailly avait imaginés à Montmusard et dans son projet pour Catherine II. Une cour ronde entourée d'arcades était ornée en son centre d'une statue du Gladiateur Borghèse et précédait une façade en exèdre, comme la niche du Belvédère. À l'intérieur d'un périmètre ingrat, la juxtaposition de pièces régulières déterminait entre elles l'existence d'une quantité de réduits où se cacha Beaumarchais le jour où son domicile fut perquisitionné par les-sans,culottes. Pour le grand salon, Hubert Robert peignit, un peu vite, des paysages peuplés de statues antiques, dont deux ornent aujourd'hui l'appartement du maire de Paris à l'Hôtel de Ville. Dans une lettre à Robert, Beaumarchais parle de la manière antique et simple dont se compose son salon. Il était si satisfait du travail de Lemoine qu'il s'en attribuait volontiers le mérite et la paternité « Bien que n'appartenant pas aux arts, j'ai bâti une in_aison que l',oneite, inde irae ». Mais l’édifice dut valoir à Lemoine une certaine célébrité, puisque, pour se distinguer de certains homonymes, il se fit appeler un moment Lemoine-Beaumarchais. Après la Terreur, Lemoine se fit entrepreneur et spéculateur. Il acquit comme bien national le domaine de Mauperthuis et une partie de celui de Louveciennes. Il fut sous l’empire l’un des entrepreneurs de la Madeleine en construction sur les plans de Vignon.
L. Gruel, La Madeleine depuis son établissement à la Ville-l'Évêque, Paris, 1910.
M. Gallet, 1972.
P. Dosque, Y. Richard, Au coeur de la Brie, Mauperthuis, Pézarches, 1982.
J. et M. Lay, Louveciennes, mon village, 1989. J. de Cayeux, Hubert Robert, 1989.
Archives de la famille de Beaumarchais.