SAINT-DOMINIQUE (rue)

VIIe Arrondissement. Commence 219-223 bd Saint-Germain ; finit pl. du Général-Gourraud. Longueur 1800 m ; largeur minimum10 m.

Cette rue a porté en totalité ou en partie, les noms de chemin de la Longue-Raye (1355), des Treilles (1433), Herbu, Herbu des Moulins-à-Vents (1523), de l’Oseraie (1527), du Port (1530), au Vaches (1542), de la Justice, des Charbonniers. Son nom actuel, de 1643, est dû au couvent des religieux dominicains qu’elle longeait. On a distingué souvent la rue Saint-Dominique-Saint-Germain, située à l’est de l’esplanade des Invalides, de la rue Saint-Dominique-du-Gros-Caillou, située à l’ouest de celle-ci.

Elle commençait à la rue des Saint[s]-Pères avant l’ouverture du boulevard Saint-Germain, ce qui l’a raccourcie de 625 mètres. Les hôtels qui ont disparu à ce moment sont indiqués dans le boulevard Saint-Germain.

Le percement ou l’élargissement du boulevard Latour-Maubourg, de l’avenue Bosquet, des rues de Solférino, de Bellechasse, Nicot, Malar, Cler, l’ont amputée de nombre de vieilles maisons.

N°1 : Hôtel de Gournay, dit aussi de Tringry. – Cet hôtel a été construit, par Boffrand, en 1695, pour l’ambassadeur Michel Amelot, marquis de Gournay. Il appartint, en 1725, à Christian-Louis de Montmorency, duc de Luxembourg, prince de Tingry, maréchal de France en 1734 et premier propriétaire de l’hôtel de Matignon (cf. 57 r. de Varennes). Son fils, le prince de Tingry, protecteur de Jean-Jacques Rousseau, le vendit, en 1764, au comte de Guerchy, plus tard ambassadeur en Angleterre où il eut des démêlés avec le chevalier d’Eon ; les parents de Tayllerand l’habitaient alors. Hôtel d’Aguesseau en 1804, d’Haussonville en 1812, puis de Mortemart. Il a été habité par la comtesse d’Hunolstein, née d’Uzès, l’une des victimes de l’incendie du Bazar de la Charité.

Façade concave sur une cour ovale, décorée de pilastres d’ordre colossal ; les communs, moins élevés, continuent la courbe de l’ovale ; la façade sur le jardin est rectiligne. Cet hôtel a, dans son ensemble, conservé son ordonnance première ; son portail d’entrée, sa cour et son jardin sont classés ; escalier.

N°2. – Sur un terrain qui lui appartenait, Charles-Amédée de Broglie, comte de Revel, fit construire, en 1703, un hôtel qui fut achevé, par Boffrand, en 1711. Cet hôtel ouvrait rue Saint-Dominique, bordait le côté oriental de la rue de Bellechasse et s’étendait, avec son jardin, jusqu’à la rue de l’Université. Il appartint, en particulier, au comte Victor-Maurice de Broglie (1647-1727), le premier maréchal de France nommé (1724) par Louis XV et à son fils, le comte Charles-François de Broglie (1719-1781) qui fut ambassadeur de Pologne. Hôtel de La Roche Lambert en 1787.

Citons parmi ses locataires, de 1754 à 1766, le comte de Fuentès, ambassadeur d’Espagne, qui se transporta ensuite à [p.402 :] l’hôtel de Soyécourt (51 r. de l’Université), puis les derniers nonces pontificaux à Paris sous l’ancienne monarchie : de 1766 à 1733, Bernardin Giraud, archevêque de Damas ; de 1773à 1784, le prince Doria Pamphili, archevêque de Séleucie, et de 1784 à 1791, le comte Dugnani, archevêque de Rhodes. Chaptal (1756-1832) l’habita en 1816 et Armand Marast (1801-1852) en 1850.

Ce grand hôtel a été emporté par le percement du boulevard Saint-Germain ; il y a lieu de ne pas le confondre avec un autre hôtel de Broglie, toujours existant au n°35 de cette même rue.

N°3. – Hôtel de 1688 ayat appartenu au couvent des Dames de Bellechasse (cf. r. de Bellechasse) qui le louèrent, en 1703, au duc de Ventadour ; en 1705, au marquis de Surville ; en 1717, au comte de Tavannes ; en 1731, à la marquise de La Rochefoucauld ; en 1756, au comte de Guerchy ; en 1774, à Mme de Breteuil. Le chimiste J.-B. Dumas (1800-1884) l’a habité (inscription).

Mansarde à poulie ; bel escalier. On a trouvé entre le plafond du deuxième étage et le plancher du troisième une cachette qui datait de l’époque de la Terreur.

N°5 : Hôtel de Tavannes. – Cet hôtel, propriété du couvent des Dames de Bellechasse, fut loué en 1696 au marquis de Hautefort ; en 1722, à la comtesse de Tavannes ; en 1732, au duc de Sully ; en 1733, à la comtesse de Grancey ; en 1759, à la comtesse de Poitiers et, en 1787, de Bénouville.

Sophie Soymonof, qu’épousa le général Svetchine, la « madame de Sévigné russe », eut, dans la cour, un appartement dont le salon, fréquenté par beaucoup d’hommes distingués, dont Lacordaire, eut une influence notable sur le mouvement religieux entre 1818 et 1857. Le dessinateur Gustave Doré est mort dans cet hôtel en 1883 à 51 ans ; son atelier se trouvait alors dans cet hôtel au n°27 bis de la rue de Bellechasse.

La porte à voussure arrondie est classée ; portail à refends, coquille, fronton triangulaire supporté par deux consoles, escalier.

N°6. – Emplacement, en 1700, de l’hôtel de Hautefort et en 1718, de celui du duc de Saint-Simon, dans une dépendance duquel s’installa, en 1764, Julie de Lespinasse lorsqu’elle fut chassée par sa tante, Mme du Deffand (cf. nos 10, 12). La maréchale de Luxembourg lui donna le mobilier et Mme Geoffrin un capital et une pension. Elle installa alors chez elle d’Alembert sans aucun souci du qu’en-dira-t-on et tint un salon qui devint célèbre ; les savants, les prélats, les littérateurs en renom le fréquentèrent quoique, peu fortunée, elle ne reçut pas à dîner. Elle mourut là le 22 mai 1776, après avoir gravi, pendant douze ans, un douloureux calvaire causé par son amour non partagé pour le colonel comte de Guibert.

N°8. – Le jardin de l’hôtel de Noailles ouvrant, de 1713 à 1793, rue de l’Université, s’étendait jusqu’ici ;

Nos 10, 12 : Le couvent des Filles de Saint-Joseph. – La maison et la communauté des Filles de la Providence, plus connues sous le nom de Filles de Saint-Joseph, furent établies dans cette rue, le 16 juin 1641, par Marie Delpech de l’Etang, sur le modèle du couvent pour pauvres filles orphelines qu’elle avait fondé à Bordeaux. Cette communauté avait pour objet de recevoir des orphelines pauvres dès l’âge de dix ans, de les élever chrétiennement et de leur apprendre un métier (celui de brodeuse par exemple) afin qu’à l’âge de 20 ans elles puissent se trouver en état, ou d’avoir un emploi, ou de se faire religieuse, ou de se marier. Ce couvent comptait déjà, en 1645, 686 orphelines pour lesquelles fut ouvert un atelier de broderies dont la vogue fut grande jusque vers 1750. Alors, ce couvent touchait par le fond, les hôtels de Conti et de Noailles donnant sur la rue de l’Université.

Mme de Montespan combla cet établissement de ses bienfaits ; elle s’y retira lorsque, supplantée par Mme de Maintenon, elle abandonna la cour en 1687. En 1747, Mme du Deffand ayant quitté la rue des Quatre-fils, s’y retira aussi ; elle avait alors 60 ans et depuis deux ans était presque aveugle. Elle tint là son célèbre salon « tapissé de moire bouton d’or », où elle reçut pendant vingt-cinq ans les personnages les plus distingués de son temps, dont le président Hénault et Pont-de-Veyle, avec lesquels elle avait été liée longtemps, Turgot, Montesquieu, Voltaire, Choiseul, Boufflers, d’Alembert, le chevalier d’Ayadie, la maréchale de Luxembourg, Horace Walpole. En 1754, elle s’attacha, en qualité de lectrice, sa nièce, Julie Lespinasse, plus jeune d’elle de trente-cinq ans ; elle se brouilla avec elle, en 1764, avec un éclat qui amena une scission dans la société. Elle la chassa et Mlle de Lespinasse se transporta dans le voisinage, à 100 mètres de là, dans l’hôtel de Hautefort indiqué ci-dessus.

Ce couvent, reconstruit en 1784, fut fermé en 1790, supprimé en 1793 et affecté aux bureaux du ministère de la guerre en 1804, affectation qu’il a gardée.

N°11 bis. – cet angle des rues Saint-Dominique et de Bellechasse a été occupé, jusqu’en 1790, par un angle du couvent des Dames de Bellechasse (cf. r. de Bellechasse) qui s’étendait en bordure de la rue Saint-Dominique jusqu’à hauteur du n°7. A cet endroit s’élevait un pavillon, dit d’Orléans, démoli en 1905, construit pour la comtesse de Genlis, alors « gouverneur » des enfants du duc d’Orléans, qui y éleva, de 1782 à 1792, les deux filles jumelles de celui-ci, Mlles d’Orléans et de Chartres, nées en 1777 ; elle les traitait assez durement.

N°14 : L’hôtel de Brienne. – Cet hôtel a été commencé, en 1714, par Aubry, pour le comte Frédéric de Beaujeu, en remplacement d’une maison louée, de 1653 à 1655, par des bénédictines anglaises. Il le vendit, en 1725, à Françoise de Mailly, successivement veuve du marquis Louis Phélipeaux de La Vrillière et du duc de Mazarin, qui, en 1733, le fit achever, toujours par Aubry. Elle le vendit, en 1733, 400 000 livres, à Louis-Elisabeth de Bourbon, princesse douairière de Conti qui y adjoignit le petit hôtel voisin construit en 1714, également par Aubry. Elle l’habita pendant plus de quarante ans et le légua, en 1773, à son petit-fils, le comte de La Marche, lequel le vendit, en 1776, au comte de Brienne qui devait être ministre de la guerre de 1787 à 1788 grâce à son frère, le fameux cardinal Loménie de Brienne (1727-1794). Le comte de Brienne agrandit cet hôtel en rachetant une partie des jardins des hôtels voisins ; il habitait avec son frère lorsque son hôtel faillit être incendié, dans la nuit du 24 août 1787, par une populace fort excitée que le maréchal Biron put faire contenir par ses gardes-françaises immédiatement envoyés. Le comte de Brienne fut arrêté ici en 1794 et décapité peu après. La Révolution passée, Mme de Brienne se débarrassa de cet hôtel.

Celui-ci fut acheté, en 1802, par Lucien Bonaparte. Il le restaura, y accumula des objets d’art et y habita avec les deux filles qu’il avait eues de son mariage avec Mlle Boyer (morte en 1800) et avec sa sœur, Elisa, antérieurement logée au n°7 de la rue de la Chaise. Il s’éprit à cette époque de Laurence de Bleschamp, veuve de l’agent d’affaires Jouberthon et l’installa dans l’hôtel du n°9 de la rue de Bourogne qu’il relia au sien et l’épousa. Disgrâcié par Napoléon, il partit avec sa femme pour Rome, puis Canino.

L’hôtel, devenu vacant, fut donné par Napoléon, en 1806, à sa mère qui lui réunit une grande partie de l’ex-couvent des Filles de Saint-Joseph. Plus tard, elle le loua, en 1814, puis le vendit, en 1817, à l’Etat qui l’affecta à la résidence du ministre de la guerre, affectation qu’il a conservée.

L’hôtel n’a guère été modifié ; haut portail, rez-de-chaussée toscan, premier étage ionique avec grand fronton triangulaire reposant sur deux ordres de pilastres ; quelques salons, dont l’appartement de Mme Laetitia, ont conservé des vestiges de leur mobilier et de leur décoration. Sa façade sur cour et la décoration de quatre salons sont classées. Le derrière de l’hôtel donne sur un parc dont le mur longe la rue de l’Université ; il est encore percé de la petite porte par laquelle passait Mlle George lorsqu’elle allait rendre visite à Lucien Bonaparte au temps où il occupait l’hôtel de Brienne.

N°16. – Sur un terrain dont il était propriétaire depuis 1714-1721, le comte Frédéric de Beaujeu, mentionné ci-dessus, fit construire, par Aubry, un hôtel qu’il vendit, à peine terminé, en 1924, au comte de Clermont d’Ambroise. Celui-ci le céda, en 1727, à l’abbé Charles-Maurice de Broglie qui, fortement endetté, le vendit en 1735, pour 130 000 livres, à sa voisine (n°14), la princesse de Conti. Ce fut le petit hôtel de Conti que la princesse légua, en 1776, comme le grand hôtel de Conti, à son petit-fils, le comte de La Marche, lequel le vendit, en 1776, aux sieurs Goupy et Lemmonier. Ceux-ci lotirent cette propriété qui s’étendait alors, à l’ouest, jusqu’à la rue de Bourgogne dont le tracé venait d’être rectifié du fait de la formation de la place du Palais-Bourbon ; ils élevèrent des immeubles en bordure de ces deux voies.

En 1778, ils vendirent le petit hôtel de Conti à Marguerite Colbert de Seignelay, veuve du comte de Lordat, qui mourut en 1786. L’hôtel passa ensuite à sa petite-fille, encore mineure. Ses tuteurs louèrent l’hôtel, d’abord à la duchesse de Bouillon, puis après sa mort, en 1788, au ministre de la guerre Puységur qui émigra en 1792. L’hôtel, confisqué, fut restitué en 1797 à Mlle de Lordat qui venait d’épouser le comte de Bourbon-Busset. Elle mourut en 1800, son mari, en 1802 et leur fils vendit, en 1817, l’hôtel à l’Etat qui l’annexa au n°14.

Le conseil supérieur de la guerre y eut son siège avant son transfert au n°4 bis du boulevard des Invalides, et le secrétariat général du ministère de la guerre y eut le sien jusqu’en 1939.

Immense porte cochère au fronton arrondi ; porte classée.

Nos 20, 22. – Anciennes inscriptions du nom de la rue où les lettres « St » ont été grattées ; celle du n°20 n’est guère lisible.

N°24. – Vieille maison.

N°26. – Hôtel de Montmont en 1700, de Cournéï en 1707, de Mauleuvrier en 1733.

Nos 28 et 28 bis. – Hôtel construit, en 1703, par Lassurance, le grand bâtisseur des hôtels du faubourg Saint-Germain, pour la famille de La Tour d’Auvergne, dont le cardinal de Bouillon qui l’habita jusqu’à sa mort (1747). Saint-Simon a rallié sa bêtise, son ignorance et son ambition, le président Hénault a dit qu’il « était faux comme un jeton, ignorant comme un prédicateur et ne sachant pas un mot d’histoire ». Il fit remplacer, par Servandoni, l’escalier qu’avait construit Lassurance. On trouve comme locataire de cet hôtel, de 1730 à 1738, Mgr Delci, archevêque de Rhodes et nonce du pape ; boiteux et violent, il avait dû, un jour, s’enfuir de Malte dont les habitants voulaient le jeter à la mer.

Cet hôtel appartint, en 1750, à la comtesse de Morville qui le vendit, en 1764, à Maurice de Riquet, comte de Caraman, arrière-petit-neveu du créateur du canal du Midi. Il eut là un jardin célèbre que Marie Antoinette vint visiter en 1771 afin de savoir comment transformer son jardin de Trianon.

L’hôtel fut confisqué à la Révolution, le comte de Caraman ayant émigré ; il resta à l’abandon jusqu’à ce qu’il lui fût restitué en 1801. Le comte mourut en 1807 ; ses héritiers vendirent l’hôtel, en 1820, au comte Alexandre-François de La Rochefoucauld dans la famille de qui il resta jusqu’en 1929, année où il fut affecté à la maison de la Chimie et au siège de l’Union internationale de chimie.

Un immeuble moderne recouvre la partie de l’hôtel jadis édifié au n° 28 ; ce qui en restait au n°28 bis a été dénaturé ; surélévation d’un étage, construction, par Lefranc, de deux ailes en 1931-1934.

N°33. – Ex-hôtel de La Panouse, acheté par le ministère de l’agriculture.

N°34. – Vieille maison ; porte cloutée.

N°35 (et 13 r. de Bourgogne) : Hôtel de Broglie. – On trouvait à cet emplacement, au début du XVIIe siècle, un terrain appartenant à l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés. Au cours de ce siècle, il eut différents propriétaires qui y élevèrent une modeste habitation. En 1720, le chevalier Achille de Broglie, cinquième fils du maréchal Victor-Maurice, comte de Broglie, mentionné au n°4 de cette rue, acheta cette propriété et fit table rase de toutes ces constructions. Peu après, il fit donation de ce terrain à un de ses frères aînés, Charles-Guillaume, marquis de Broglie (1669-1751), lequel y fit construire un élégant hôtel, terminé aux environs de 1724. En 1735, Charles-Guillaume recéda cet hôtel à son frère Achille. L’un et l’autre moururent respectivement en 1750 et 1751, et l’hôtel revint, en 1753, à la comtesse de Lignerac, née Françoise de Broglie, fille de Charles-Guillaume, laquelle en resta propriétaire jusqu’à son décès survenu en nivôse de l’an IV.

L’hôtel, resté dans la famille de Broglie, fut loué d’abord, puis acheté, en 1810, par le baron de Corvisart, médecin de l’empereur, alors dans toute sa gloire et très fortuné. Il s’était jadis destiné au barreau mais, ayant par hasard assisté à une leçon de clinique, il se livra avec ardeur aux sciences médicales, devint docteur en médecine en 1782, fonda l’hôpital de la Charité une clinique qui fut célèbre, retint l’attention de Joséphine qui le présenta à Bonaparte dont il devint, dès lors, le médecin. Corvisart reçut dans cet hôtel Marie-Louise à l’époque où celle-ci attendait la naissance du futur roi de Rome ; il y donna des fêtes somptueuses qui ne furent pas étrangères à la ruine de son importante fortune. Il mourut en 1821, à 66 ans, mais, depuis 1818, il avait vendu son hôtel au comte d’Haussonville dans la famille duquel l’hôtel resta jusqu’en 1882, année où il passa au marquis de Nicolaï qui le restaura, non sans le défigurer. Cet hôtel est resté dans cette dernière famille jusqu’en 1920.

L’hôtel de Broglie possédait jadis un vaste jardin qui s’étendait, au sud, jusqu’à une trentaine de mètres au-delà de l’actuelle rue Las-Cases et touchait celui du couvent des Carmélites de la rue de Grenelle ; à l’est, il bordait celui du couvent des Dames de Bellechasse ; à l’ouest, ses communs avaient une entrée, encore reconnaissable, sur la rue de Bourgogne.

Il a conservé sa magnifique porte sculptée, munie de ses heurtoirs et une partie de ses façades, en particulier celle donnant sur le jardin (façade visible de la rue Las-Cases)

N°36. – Emplacement de l’hôtel de Mirepoix, de 1775, où mourut Merlin de Douai, en 1838 ;

N°39. – Emplacement, en 1785, de la résidence parisienne d’Artur Dillon, archevêque de Toulon et président des Etats du Languedoc, où habita Fanny de Beauharnais (1738-1813). Née François Mouchard, épouse du comte de Beauharnais, oncle de François de Beauharnais qui devait épouser Joséphine Tascher de La Pagerie, elle se sépara de lui et se livra entièrement à la littérature, composant nombre de poèsies, de romans et comédies qui eurent peu de succès. Cet hôtel appartint, en 1812, au maréchal Davout qui y mourut en 1823, à 53 ans. Sa veuve, sœur du général Leclerc, le loua, en 1826, au comte d’Apponyi, ambassadeur d’Autriche. Ambassade d’Autriche jusqu’en 1847 ; hôtel du duc de Périgord en 1860.

N°41. – Hôtel de La Vallière en 1787, devenu, sous le Consulat, l’hôtel meublé de Rome, où logèrent, en 1800, Mgr Spina, [p.404 :] archevêque de Corinthe, et, en 1801, le cardinal Consalvi, venus négocier le Concordat ; le cardinal Caprara, envoyé à Paris comme nonce, y descendit en 1801.

N°43. – Hôtel de Ravannes en 1745, vendu à la comtesse de Mérode et habité par Mme de La Roche-Aymon.

N°45. – Hôtel de l’évêque de Comminges en 1728, du duc d’Estouteville en 1752, du Roure en 1787, du maréchal comte Reille en 1842. Hôtel acheté sous le second Empire par le prince Wladimir Orloff, ambassadeur de Russie, puis vendu à l’Etat à la mort de son fils, le prince Alexis, attaché à l’ambassade de Russie. Actuellement, hôtel du Crédit national.

N°47. – Restes de l’hôtel de Seignelay, de 1785. Lebon le loua sous le Consulat et, pour attirer l’attention sur sa découverte du gaz d’éclairage, il éclaira avec celui-ci, en 1801, son hôtel et son jardin ; dans ce jardin était une fontaine où l’eau passait entre les flammes. Hôtel Demonville en 1812.

N°49. – Au fond de la cour, hôtel du XVIIIe siècle.

N°53. – Hôtel construit en 1770 pour une dame de Gourges, dont hérita, en 1772, son frère Francis de Lamoignon. Par la suite, il appartint, en particulier, en 1832, au duc Louis de Gramont, puis au comte Reille, pair de France (1775-1860) et, en 1872, aux barons Raymond et François Seillière. Actuellement ministère d’Etat chargé des affaires culturelles.

N°54. – Vieille maison.

N°55. – Petit hôtel de Monaco construit pour le comte de Valentinois, beau-frère de la princesse indiquée ci-après. Le maréchal Suchet, duc d’Albuféra, l’habita. Escalier et statues.

N°57 : Grand hôtel de Monaco ou de Sagan. – Cet hôtel a été bâti, entre 1774 et 1777, par Brongniart, sur un terrain qui avait disparu à la veuve du financier Crozat, puis à ses gendres, pour Marie de Brignoles, épouse séparée d’Honoré Grimaldi, prince de Monaco, séparation qui avait impliqué pour elle l’obligation d’aller résider hors de l’hôtel Matignon où habitait son mari. En s’installant ici, elle se rapprochait de son ami, le prince de Condé, qui logeait au Palais-Bourbon et qu’elle épousa, en Angleterre, pendant l’émigration. Séquestré du fait de cette émigration, ainsi que le petit hôtel ci-dessus indiqué, le grand hôtel de Monaco fut affecté, en 1797, à l’ambassade de Turquie et donné, en 1800, à Sieyès qui garda cette ambassade comme locataire jusqu’en 1808 ; il vendit alors l’hôtel au maréchal Davout qui le garda jusqu’en 1812 où il alla au n°39. Propriété en 1838, du banquier hollandais William Hoppe qui, opulent et excentrique, le dénatura : surélévation du premier étage, aménagement de trois salles à manger utilisées suivant le nombre des invités, changement de place de l’escalier, etc., et l’agrandit en y incorporant la petite chapelle de la communauté des Filles de Saint-Valère, de 1706 (cf. 144 r. Grenelle). A sa mort, en 1855, l’hôtel fut acheté par le baron Achille Seillière qui le légua à sa fille, épouse, depuis 1838, de Boson de Talleyrand-Périgord, prince de Sagan. Propriété, en 1908, de Jacques Seligmann, l’hôtel a cédé en 1937, par voie d’échange avec l’ancien hôtel du quai de Tokio, à l’ambassade de Pologne.

Hôtel altéré. Sa porte était jadis décorée de deux colonnes ioniques que l’ambassade de Pologne a remplacées par une grille ; sa façade sur cour était sans aile de retour et n’avait que sept fenêtres, séparées par des colonnes doriques engagées, le péristyle était semi-circulaire (et non-carré), des balustres de pierre surmontaient l’entablement du rez-de-chaussée, d’autres couronnaient le premier étage. Sa façade sur le jardin et la décoration d’un salon restent classées. Cour.

La rue de Talleyrand a été ouverte, en 1908, sur une partie de son ancien jardin.

N°59. – Hôtel de Kinsky, de 1785 ; restes des décorations de Cauvet.

N°62. – Emplacement du marché Saint-Dominique construit en 1855 et remplacé en 1876 par celui du Gros-Caillou (cf. r. Jean-Nicot).

Nos 66 (dans la cour). 68. – Vieilles maisons.

N°71. – Ancien hôtel du recrutement du gouvernement militaire de Paris, construit sur l’emplacement de la boucherie des Invalides.

N°74. – Vieille maison ; toit curieux par ses mansardes. Là mourut, en 1829, le gouvernement de la Corse du temps où Napoléon était détenu à l’île d’Elbe ; c’était un ancien chouan nommé Bruslart.

N°81. – Ancien cabaret du Canon-Royal, ouvert sous la Régence qui, avec l’auberge du Soleil-d’Or (226 r. de Vaugirard) fut le centre de la conspiration dite du camp de Grenelle, ourdie en septembre 1796, par les Babouvistes lorsqu’ils tentèrent d’organiser dans les douze arrondissements de Paris une insurrection appuyée par la garnison du camp de Grenelle ; la conspiration fut dénoncée par l’un des conjurés.

N°90 bis. – Emplacement de la première école gratuite de Paris, fondée, en 1803, par la marquise de Villeneuve-Trans.

N°92. – Les habitants de l’agglomération du Gros-Caillou étant très éloignés de Saint-Sulpice, leur église paroissiale, on édifia à cet emplacement, pour leurs besoins religieux, une chapelle dont la première pierre fut posée, le 19 mars 1738. Dédiée à Notre-Dame de Bonne-Délivrance, elle était la succursale de l’église Saint-Sulpice. Ce projet avait été envisagé dès 1652, mais sa réalisation avait demandé quatre-vingt-six ans. Aussi cette chapelle était-elle à peine achevée qu’on la trouva insuffisante et, dès 1775, on entreprit, d’après les plans de Chalgrin, la construction d’une église bien plus vaste. Cette construction se fit avec une telle lenteur qu’elle était encore bien loin d’être achevée lorsque vint la Révolution ; celle-ci arrêta les travaux et l’église entreprise fut démolie en 1798. Dans l’entre-temps, la chapelle Notre-Dame de Bonne-Délivrance avait été, en 1776, érigée en cure.

La Révolution passée, l’ancienne chapelle du couvent de Sainte-Valère (cf. r. de Grenelle) contribua à assurer les besoins du culte jusqu’à ce que l’on construisît, en 1822, l’église actuelle, Saint-Pierre du Gros-Caillou, édifiée d’après les plans de Godde ; la duchesse d’Angoulême en posa la première pierre. Elle renferme, depuis 1880, le maître-autel (détérioré) de l’ancienne chapelle de l’Ecole militaire.

On trouvait, en 1763, dans la rue Saint-Dominique, du côté opposé à l’église, une école de charité paroissiale desservie par les Sœurs de Saint-Thomas-de-Villeneuve.

N°99. – Concert de la Poste en 1910, actuellement cinéma.

N°102. – Emplacement d’un hôtel où habita, de 1868 à 1874, Mgr Chigi, nonce du pape, qui avait dû quitter, en 1868, l’hôtel de Périgord (cf. 69 r. de l’Université), démoli par l’ouverture du boulevard Saint-Germain. Il fut habité, de 1874 à 1879, par son successeur Mgr Meglia. Mgr Czacki, qui remplaça ce dernier en 1879, transféra la nonciature au n°2 de l’avenue Bosquet.

N°106. – Emplacement, de 1765 à 1899, de l’hôpital militaire du Gros-Caillou (cf. r. Dupont-des-Loges).

N°109. – Hospice Leprince, de 1826.

N°123. – Ex-hôtel Behague, de 1770 (façade visible du 45 av. Bosquet), remanié en 1866.           

Ambassade de Roumanie depuis 1939.

Boiseries, salle de théâtre hispano-mauresque.

N°125. – Ancien débouché de la cité Saint-Charles (voie supprimée).

Nos 129, 131 : Fontaine de Mars. – Cette fontaine isolée, œuvre de Bauvallet, jadis située au centre d’un hémicycle de peupliers remplacé, en 1859, par une petite place à arcades, est une construction carrée, ornée de pilastres et d’un entablement dorique qui a été édifiée de 1806 à 1809. Le bas-relief d’une de ses façades représente Hygie, déesse de la Santé, donnant à boire à Mars, dieu de la Guerre ; on voit entre les pilastres des vases entourés par le serpent, symbole d’Esculape. Elle recevait l’eau de la pompe à feu du Gros-Caillou. Fontaine classée.