VIARMES (rue de)

Ier Arrondissement. Rue circulaire entournant la Bourse de Commerce. Longueur 264 m ; largeur 18 m.

Cette rue a été formée, en 1765, comme rue de pourtour de la Halle au Blé (cf. rue Coquillère) sur l’emplacement de laquelle se trouve, depuis 1887, la Bourse de Commerce. Son nom est celui d’Elie Camus de Pontcarré, seigneur de Viarmes et prévôt des marchands de 1764 à 1785, époque pendant laquelle fut édifiée cette Halle au Blé.

En plus de la rue de Varennes (Sauval), cinq rues, qui furent assez mal famées, débouchaient jadis dans la rue de Viarmes, à savoir : la rue de Vannes (supprimée en 1934), qui aboutissait au carrefour des rues de Vauvilliers et des Deux-Ecus (Berger) ; ouverte, en 1763, lors de la construction de la Halle au Blé, elle devait son nom à l’avocat Jollivet de Vannes, procureur de la Ville ; la rue Oblin qui aboutissait au carrefour des rues Vauvilliers et Coquillère ; ouverte en 1754, elle devait son nom à l’un des entrepreneurs de cette halle ; elle provenait d’un ancien cul-de-sac, appelé, en 1630, de l’Hôtel-de-Soisson, lui-même reliquat de cette rue de Nesle que Catherine de Médicis avait incorporée dans son domaine ; la rue Sartine (supprimée en 1888) qui aboutissait au carrefour des rues Coquillère et de Grenelle (Jean-Jacques Rousseau) ; ouverte en 1765, elle portait le nom du lieutenant général de police d’alors (1759-1775) ; la rue Mercier qui aboutirait de nos jours à la place des Deux-Ecus ; ouverte de 1763 à 1767, elle portait le nom d’un échevin de cette époque ; et, enfin, la rue Babille (supprimée en 1886), qui aboutirait au carrefour des rues des Deux-Ecus (Berger) et d’Orléans (du Louvre) ; ouverte de 1762 à 1765, elle portait le nom d’un autre échevin d’alors.

La colonne astrologique. – On voit dans cette rue, adossée à la Bourse de commerce, la mystérieuse colonne, dite « Colonne astrologique », édifiée jadis dans l’encoignure d’une courette de l’hôtel de Catherine de Médicis, vis-à-vis de son appartement (cf. r. Coquillère).

Construite par Pierre Bullant, vers 1575 (et non en 1752 comme le dit une inscription), cette colonne appartient à l’ordre toscan par son chapiteau et à l’ordre dorique par son fût. Sa hauteur est d’environ 31 mètres et son diamètre extérieur de 3,15 m à la base et de 2,65 m au sommet. Sa surface présente 18 cannelures séparées entre elles par des arêtes dentelées. On y voyait jadis des couronnes, des cornes d’abondance, des miroirs brisés et des lacs d’amour déchirés (symboles du veuvage de Catherine de Médicis), des fleurs de lis et des monogrammes faits des lettres C et H entrelacées. La Révolution les a fait disparaître. Toutefois, il reste encore quelques monogrammes dont la conservation est due à l’enduit dont on avait recouvert le cadran solaire indiqué ci-après.

La colonne contient un escalier à vis de 147 marches, en pierre pour le tiers du bas, en bois pour le reste, éclairé par une demi-douzaine d’étroites barbacanes, encore visibles. Il débouchait, par une ouverture carrée de 65 centimètres de côté, sur un chapiteau plat surmonté de cercles et de demi-cercles de fer entrelacés. Une porte, maintenant bouchée, située à environ 4 mètres au-dessus du sol, la mettait en communication directe avec les appartements de l’hôtel.

On ignore encore le but de cette colonne. Pour certains, ce pouvait être une tour de guet ; cette supposition est à rejeter, car on ne peut croire que Catherine de Médicis aurait admis une circulation de veilleurs à l’intérieur de son hôtel si près de sa chambre à coucher ; d’ailleurs, la masse de l’église Saint-Eustache, plus haute que la colonne, limite la vue au nord-est. Pour d’autres, ce pourrait être un monument élevé par la reine à la mémoire de feu son époux, le roi Henri II. Cette supposition semble devoir être rejetée, car si cette colonne avait été un monument commémoratif, sa place eut été au milieu du jardin de l’hôtel où elle aurait été ainsi exposée à la vue de tous, alors qu’elle était peu visible, encastrée comme elle l’était dans l’encoignure d’une courette intérieure. De plus, un tel monument n’aurait pas nécessité une montée en vis de 147 marches. Reste la solution d’un observatoire qui, dominant le palais et ses alentours, permettait d’interroger les astres. Il est certain que la superstitieuse reine, déjà âgée et dont la forte corpulence était augmentée par l’ampleur de son vertugadin, ne pouvait gravir les 147 marches de l’étroit escalier ; toutefois, celui-ci pouvait être utilisé par les astrologues et les cabalistes. De plus, on a remarqué que les angles du chapiteau sont exactement dans la direction des quatre points cardinaux et que les curieux cercles et demi-cercles de fer entrelacés qui le dominent forment une cage dont on ne peut sortir. De ceux-ci, on n’a eu aucune explication satisfaisante, si ce n’est qu’ils peuvent avoir des rapports avec l’astrologie s’ils n’en n’ont pas avec l’astronomie, comme l’a déclaré le docte chanoine Pingre.

Quoiqu’il en soit, cette mystérieuse colonne, qui est classée, constitue un précieux souvenir d’un lieu où les deux reines de France, dont l’une a été deux fois et l’autre trois fois régente, auront vécu vingt-cinq ans et quatorze ans, où se trouva, au XVIe siècle, un couvent de jolies pécheresses, où naquirent deux illustres généraux et où fut à deux reprises, un temple de l’agiotage.

La démolition, en 1748, de l’hôtel de Soissons, à la requête des créanciers de son dernier propriétaire, le duc Victor-Amédée de Soissons, eût entraîné celle de la colonne si elle n’avait été achetée par un ami des arts, l’architecte Laurent Destouches. Il la paya 1 800 livres. Assez embarrassé de son achat, il en fit cadeau, en 1750, à la Ville qui le remboursa, puis chercha comment utiliser cette acquisition pour la justifier. Déjà le poète Gresset avait proposé, à cette époque où l’on cherchait un emplacement dans Paris pour la future statue de Louis XV (Boffrand avait suggéré le carrefour Buci, Servandoni, la place Dauphine et Soufflot, la cour du Carrousel), de placer cette statue sur :

L’astrologique observatoire

Que Médicis avait bâti

Pour le chimérique grimoire

De Gauric et de Ruggieri

 

Mais cette suggestion n’avait eu aucun succès et Piron avait répondu à Gresset (1748) par l’épigramme suivante :

 

Il faut être un hétéroclite

Pour y vouloir placer le Roy ;

C’est du vainqueur de Fontenoy

Faire un saint Siméon stylite.

 

Finalement, la Ville décida de garnir la colonne, en bas, d’une fontaine et, en haut, d’un cadran solaire. Ce cadran, dont les derniers vestiges ont disparu vers 1888, marquait l’heure précise du soleil à chaque point de la journée et dans chaque saison. Il fut l’œuvre (1764) de Pingré, savant chanoine de Sainte-Geneviève, membre de l’Académie des sciences, dont les calculs nécessaires pour l’établissement d’un cadran solaire sur une surface cylindrique remplirent tout un volume. La fontaine, mise en place en 1762, surmontée, en 1812, d’une inscription et des armes de la Ville, a été restaurée en 1818 (inscription latine placée au bas de la colonne), mais elle n’est plus en service.

 

La colonne n’a aucune communication avec la Bourse de commerce ; sa seule entrée est la misérable porte de bois qui, à sa base, ouvre sur un réduit où le service du nettoiement entrepose les balais…

Les nouveaux pavillons des Halles qui, à façades curvilignes, entourent le côté de la rue de Viarmes, sont de 1936 ; leur construction a fait disparaître un vestige du rempart de Philippe Auguste.