SYNTHèSE – UN MONDE D’INTERSTICES, Apport de la logiqUE floue pour l’ analyse des cartes interpretatives – Françoise pirot

L’article « Un monde d’interstices : Apport de la logique floue pour l’analyse des cartes interprétatives » publié en Septembre 2011 dans le numéro 209 de la revue du Comité Français de Cartographie (CFC), a été rédigé par quatre géographes (Clarisse Didelon, Sophie de Ruffray, Mathias Boquet et Nicolas Lambert). Cet article a pour but d’exposer la méthodologie basée sur la logique floue et plus précisément sur la théorie des sous-ensembles flous, mise en œuvre pour analyser et interpréter les différentes limites des régions représentées et dessinées au niveau mondial sur les cartes mentales produites par des enquêtés visualisant leur vision du monde. Ces cartes obtenues sont des cartes mentales interprétatives

Cet article est composé de deux parties. La première partie présente d’une façon très détaillée et très claire les différents types, usages, concepts, propriétés des cartes mentales avec leurs avantages, leurs inconvénients et les problèmes posés par celles-ci. Les différentes cartes mentales sont : les cartes cognitives, les cartes à main levée, les cartes interprétatives et les reconstructions de cartes. Ensuite, les auteurs mentionnent qu’une enquête interprétative à l’échelle mondiale a été réalisée sans en donner de détails et que la question posée aux enquêtés portait sur leur vision, leur interprétation du monde en dessinant sur un fond de carte imposé leur division du monde en régions qu’ils devaient ensuite nommer. Dans le cas présent, l’objet d’étude est l’espace étudié dans sa globalité et non l’individu. De plus, le concept, la notion de région variant d’un enquêté à un autre, il s’ensuit que l’imprécision et l’incertitude des limites des régions, la localisation et la morphologie des régions deviennent des spécificités des cartes mentales interprétatives notamment à l’échelle mondiale. Ainsi, la carte mentale interprétative d’un ensemble d’individu peut-être formalisée comme un espace géographique flou.

La deuxième partie est consacrée, dans un premier temps, à la présentation de la méthode mise en œuvre basée sur la logique floue pour prendre en compte les spécificités des cartes mentales interprétatives. En effet, en mathématiques, la théorie des sous-ensembles flous introduite par Zadeh en 1965 a pour objectif de formaliser les processus très proches de la pensée humaine, les catégories aux limites incertaines et/ou aux valeurs approximatives, les stades intermédiaires. La notion d’ensemble flou permet de définir une appartenance graduelle d’un élément à une classe, c’est à dire appartenir plus ou moins fortement à cette classe. L’appartenance d’un objet à une classe est ainsi définie par un degré d’appartenance. La fonction d’appartenance, fondamentale en logique floue, permet ainsi d’inclure ou d’exclure c’est à d’intégrer une région interprétative du monde.  Dans le cas présenté dans l’article, chaque région dessinée par un groupe d’individu représente un ensemble flou qui implique la définition d’une fonction d’appartenance comprise dans l’intervalle [0,100]. Cette fonction d’appartenance permet de définir un degré d’appartenance qui correspond à une valeur de vérité. Ainsi, si la fonction d’appartenance est nulle, alors la maille de la grille représentant l’espace géographique n’appartient à aucune région interprétative, si elle est égale à 100, alors l’unité élémentaire (maille) est incluse dans une région interprétative, si elle est comprise entre 0 et 100 alors on « indique » un degré d’intégration de l’unité élémentaire dans la zone interprétative.

Cette formalisation permet de prendre en compte la différenciation, l’imprécision des limites et le caractère recouvrable de l’espace. La différenciation introduit la notion de gradient spatial, l’imprécision des limites permet de visualiser les zones les plus mal perçues du monde et le caractère recouvrable c’est-à-dire de chevauchement de l’espace permet la mise au jour de lieux ayant plusieurs appartenances représentant les zones interstitielles.

Puis, dans un deuxième temps, elle est consacrée à la mise en œuvre de la théorie des sous-ensembles flous (logique floue) en vue de la formalisation d’une régionalisation floue du monde. Dans une première étape, des régions vont être sélectionnées pour être analysées. Pour ce faire, deux approches vont être mises en œuvre  pour le choix des régions à analyser à savoir l’approche topologique et l’approche toponymique. L’approche topologique consiste en la sélection d’un lieu précis et/ou d’un pays sans tenir compte des dénominations tandis que l’approche toponymique consiste en la sélection de régions en fonction de leurs noms. Les « régions » retenues sont celles dont la fréquence des noms attribués est la plus importante.

La mise au jour des zones interstitielles (intersection entre deux régions) est obtenue en mettant en œuvre deux opérateurs de la logique floue appelés T-normes. Ceux-ci vont permettre de réaliser des intersections c’est-à-dire de représenter les points qui appartiennent à des ensembles simultanément. Les opérateurs sont la T-norme de Zadeh : [T = min (x,y)] et la T-norme probabiliste {T = x*y] où x et y sont des valeurs d’appartenance. La T-norme de Zadeh propose une vision minimaliste des intersections et met en valeur les zones d’intersection les plus fortes. Ainsi, la T-norme de Zadeh donne la valeur d’appartenance minimale commune entre les régions intersectées,

La T-norme probabiliste, quant à elle, met en valeur les intersections où les valeurs d’appartenance à deux ou plusieurs zones sont proches et élevées c’est-à-dire les zones de forte hésitation.

Les deux T-normes illustrent la mise au jour des discontinuités spatiales ainsi que les zones interstitielles. En conclusion, les auteurs indiquent que l’utilisation de la logique floue dans l’analyse des cartes interprétatives donne des résultats encourageants. En effet, les zones d’interstices et d’indétermination mises au jour pourraient révéler des zones de fortes tensions. Par ailleurs, la logique floue va permettre de comparer les cartes interprétatives présentant des limites « floues » avec celles produites avec des limites figées comme celle de S. Huntington. De plus, elle peut traiter des corpus importants de cartes interprétatives

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