Confinement – Stéphanie Tselouiko

Avant d’en savoir plus sur les consignes énoncées lors de la deuxième séance, à partir des premières explications données par mail, j’ai commencé à réaliser deux cartes : une avant et une trois jours après le début officiel du confinement. Dans ces deux cartes, j’ai voulu représenter ma perception de l’espace physique et relationnel autour de chez moi. Mais je me rends compte à présent, une semaine après le début du confinement, que la situation actuelle provoque chez moi une perception multilocale simultanée. Autrement dit, si avant le confinement, j’expérimentais les espaces séparément et dans le mouvement, aujourd’hui, ce mouvement étant drastiquement réduit, je suis incitée à penser et ressentir les différents espaces depuis un même lieu, la conséquence est la démultiplication des lieux éprouvés à l’instant t. Au-delà des espaces physiques, les espaces intangibles, comme ceux des relations affectives se font ressentir d’autant plus fortement qu’ils ne peuvent être éprouvés comme avant.

Je pense donc concevoir un triptyque cartographique à chaque période qui commencera par J – 7 ; J (date officielle du confinement) ; J+7 et J+14, en fonction de l’évolution de la situation extérieure et intérieure (observations, émotions, questionnements, etc.).

Une carte représentera mon espace de vie intime (maison et résidence, là où je passe la grande majorité de mon temps), en décrivant la disposition des objets, des personnes, les interactions, et les émotions). Une autre carte représentera l’extérieur : la ville, la circulation des personnes, leurs activités et les initiatives mises en place. La troisième carte représentera les relations familiales, amicales et de voisinage.

Premier travail cartographique : Entre ces deux cartes, les échelles changent. Les espaces de vie sont représentés de manière proportionnelle à leur degré de fréquentation par rapport à la situation antérieure. Ainsi, la maison qui était déjà bien fréquentée avant (environ la moitié du temps) a un peu grossi mais pas autant que le parking de la résidence que je ne fréquentais jamais. Aujourd’hui, il est devenu l’air de jeu de ma fille… L’espace urbain à l’extérieur de ma résidence s’est considérablement réduit puisque je n’y suis pas sortie presque une semaine. Quand aux relations de parenté, j’ai cherché à montrer comment la distance avec mes parents qui résident pourtant dans la même ville est devenue aussi importante que celle avec mes beaux-parents qui résident au Méxique.

speedcarto-Mahdokht Karampour


J’ai commencé ma carte par tout en bas de la page, à droite. J’ai dessiné d’abord les contours de mon pays natal, l’Iran. Puis j’ai pointé Téhéran, la ville où j’ai grandit, que j’ai dû quitter en 2004 pour Paris, pour poursuivre mes études entre autres. 
 
Ensuite, je me suis déplacée vers le haut de la page, à gauche. J’ai dessiné d’abord Père Lachaise, « la forêt », où je me promène quasiment tous les jours, rien que pour remplir mes poumons et mes yeux de l’air et du vivant pour quelques minutes. Elle se trouve au bout de ma rue. 
 
Puis après j’ai dessiné la place de la Réunion, le cœur de « mon village », où j’habite. Ensuite j’ai découpé le Père Lachaise en deux, Haut Père-Lachaise où je me balade sur la terrasse qui domine le domaine. Puis j’ai dessiné le contour des villages voisins, Ménilmontant et Belleville, où beaucoup d’amis habitent. Mon territoire intime s’arrête là, une ligne pointillée le démarque de Paris et le Monde. 
 
Plus bas j’ai dessiné cet œil. Depuis ma maison de la Réunion j’ai l’œil vers l’Iran, que je suis de loin avec beaucoup de préoccupation. Dernièrement mon œil a pleuré rouge pour mon pays. 
 
C’est en dernière étape que j’ai dessiné les contours de Val de Marne, le territoire de mon travail professionnel, de mon terrain d’étude aussi. Pendant presque 8 années j’ai travaillé dans un foyer d’accueil d’urgence des mineurs isolés étrangers de la Croix-Rouge. J’emploi le passé composé du verbe « travailler », j’ai aussi dessiné une croix dessus, car je le quitte.

Mon projet de recherche en Master se porte sur les modes d’habiter des mineurs migrants primo-arrivants que j’ai accompagnés pendant ces dernières années dans leur nouveau territoire. Occupants, habitants ou plutôt les devenir-habitants, je questionne leurs pratiques spatiales dans la ville, en me penchant notamment sur l’importance du  Navigo comme un passeport de circulation de ces nouveaux arrivants dans la ville. 
 
Ma carte reflète ma géographie intime le 9 mars 2020. Elle aurait pu être autre, sans doute. 

Mahdokht Karampour

Alba Perset

A travers cette carte approximative et grossière d’Amman , j’ai voulu représenter le quartier de Jabal Weibdeh en montrant sa localisation au centre de la ville. Cela me semble être un détail important puisqu’il montre son emplacement stratégique et donc son accessibilité.

La légende à droite montre les différents acteurs qui impactent et modifient le quartier de Jabal Weibdeh. On y retrouve les instituts culturels, les cafés/bars et le rassemblement d’artistes. Les dates d’ouvertures des cafés permettent de réduire le sujet à une période restreinte, de 2012 date à laquelle le quartier semble avoir commencé à se modifier jusqu’à aujourd’hui.

Cela m’a permis de me rendre compte que ma recherche ne s’attache pas à simplement étudier Amman comme une éventuelle “nouvelle centralité culturelle” au sein du Moyen-Orient mais plutôt à étudier le quartier gentrifié depuis une dizaine d’années de Weibdeh au sein d’Amman. Jeu d’échelle. Repenser le sujet. L’inscription de l’art à Weibdeh. Cela a soulevé plusieurs questions que j’ai noté à gauche du schéma.

Comment le quartier a t-il évolué ces dix dernières années? Quels sont les impacts sur les riverains et y a t-il un changement dans leur mode de vie? Quels sont les apports pour les artistes? Comment se passe la cohabitation entre artistes et riverains? Quels sont les gains et les pertes engendrés pour l’un et l’autre?

Cela m’a également permis de mieux saisir la portée de la cartographie sensible et les différents outils que nous avons à disposition pour traiter nos sujets d’une manière plus sensible, autre que l’écriture grâce à la représentation, la spatialisation, la topologie, la topographie, les nuages de mots etc.

Et cela m’a donc poussé à me questionner sur les différents moyens de cartographier mon sujet, à savoir comment représenter les points ci dessous : Echelles, mouvements, temporalités, transformations, évolutions.

speed carto_Xinmin Hu

version 1

En composant trois endroits principaux et leurs images représentatifs selon mes impressions, j’essaye d’expliquer mes intérêts des cultures urbaines et l’industrie culturelle avec les formations que j’ai reçues.
Malheureusement, cette cartes reste encore très thématique, pas vraiment intéressante visuellement.

La difficulté principale que j’ai rendue est de transformer les formations théoriques dans la carte via un format visuellement claire. De plus, sur la carte, il est aussi difficile de faire un lien entre les changements des locations géographiques avec l’évolution des mes expériences et des compréhensions personnelles.

Confinement – Lissette Rosales Sánchez

Protocole

L’objectif est de dépeindre l’ambiance générale de mon quartier et la relation émotionnelle avec le temps et l’espace (qu’il s’agisse de confinement ou en raison de facteurs externes), y compris les filtres d’information suivants : parcours effectués par moi (sport et pour faire des achats), perception du nombre de personnes à l’extérieur, nombre de personnes à l’intérieur de ma maison, points de contrôle de passage, changements dans la flore et la faune, temps d’attente pour entrer dans le supermarché ; comme mon domicile est située sur le côté périphérique et sa vision représente la vue principale de ma fenêtre, je vais enregistrer l’affluence du véhicule (à la même heure à chaque fois et pendant 30 minutes). Je dresserai une carte avec une succession J+7 du 20 mars au 17 avril. L’exercice sera complété par quelques photographies et vidéos pour soutenir la perception.

CARTE 1/5

APRES LE CONFINEMENT. 20 mars
APRES LE CONFINEMENT

#speed_carto _Magdalena-Laëtitia Ndiki-Mayi

Pour cette cartographique rapide, j’ai voulu montrer le cheminement qui m’a amené dans ce séminaire. La carte est un récit qui met en lumière des évènements importants mais aussi liés les uns aux autres .

Le numéro 144 représente l’adresse de l’école dans laquelle j’ai reçu ma formation d’architecte, au cours de laquelle j’ai eu l’occasion de voyager et d’étudier à l’étranger, notamment en Inde. Je m’intéresse aux stepwells, m’interroge sur la perception de ces espaces à travers des dessin, des plans dans lesquelles j’essaie révéler les sensations vécues. C’est finalement un cours documentaire qui sera réalisé, le nom d’un des stepwell documenté apparait sur la carte.

Cette première partie du dessin est relié à une autre partie du dessin par une couleur; le bleu et une forme semblable à celle de vagues, pour rappeler l’élèment – eau-. A nouveau il y a quelques marches de représentées, symbole cette fois-ci des ghats de Varanasi. Ville dans laquelle, sans support de carte, j’ai réalisé avec une amie, le relevé de certaines rues tout en mettant en avant une activité et la place qu’elle prenait dans ces rues, une partie est représentée sur la carte. La représentation de ces rues/quartier a évoluer au cours de notre travail selon la direction qu’il prenait et la reflexion sur le mode de représentation était lié au discours de notre travail. Sa version finale nous a presque servie de story-board.

Dans la dernière partie du dessin, centrale mais sans lien apparents avec les autres parties du dessin, on voit une personne tracer un plan au sol et d’autres gens autour. Ce geste de tracé fut un outils de communication lors d’un projet mené au sein d’une ONG d’architecture. En effet, les codes d’échelle d’une carte ou à moindre échelle, d’un plan d’une maison sont en réalité assez abstrait surtout si ce n’est pas une habitude de travailler avec ces outils. C’est pourquoi nous avons réalisé les plans à l’échelle 1:1 à même le sol afin que les personnes du village dans lequel nous travaillions puissent “se balader” dans leur maison et ainsi mieux se représenter ce que nous présentions.

Je n’ai pas eu le temps de finir cette cartographie car j’ai commencé par relater de manière chronologique des évènements. Le temps a été la contrainte majeur; en si peu de temps choisir ce dont on veut parler, tenter de l’organiser puis le représenter.

SpeedCarto_Célia Lebarbey

200309_speed carto

La carte a commencé par décrire mon parcours depuis un master en architecture jusqu’à la recherche menée en ce moment à l’EHESS. Certaines flèches désignent ainsi un processus temporel, de passage d’un sujet à un autre d’intérêt. Il aurait été nécessaire de donner une graphique différente à celles qui renvoient à des références et personnes clés autour de la carte du territoire que j’étudie.

Celui-ci est représenté avec un point de vue classique “aérien”, montrant le vis-à-vis entre une ville (dont la tache urbaine est hachurée, tout comme les villages de l’autre coté) et une plage. Entre les deux, un fleuve, le Gange, dont le mouvement est indiqué par une petite flèche. Ce même signe renvoie à l’extension de la ville, qui se fait toujours plus vers l’ouest. Je cherche à comprendre ce qu’est le paysage “mouvant” de cette plage, dans le sens notamment qu’elle disparait tous les ans sous les eaux du fait de la mousson. Celle-ci est représentée par le nuage pleuvant, dont les gouttes d’eau forment des pointillés, qui viennent souligner l’élargissement temporaire du lit du fleuve, incluant alors la plage.

Si j’ai un peu essayé de me passer de légende, par l’inscription directe de mots, la carte en aurait certainement besoin pour être comprise.

Speed carto – Manon Prud’homme

Carte de localisation: Pyongyang en 2020.
Apparaissent les principaux lieux de la ville et les principaux axes de communication.
Les points noirs symbolisent mes 19 objets d’étude : les parcs de loisir.
En bas à droite figure un nuage de mots avec les principales informations concernant ma recherche (directrice d’étude, disciplines, lieu et objets d’étude, langues utilisées, voyages de terrain)

Difficultés à la création : faire une carte représentative de mon sujet a été un peu compliquée. Avec un peu de recul, je m’aperçois qu’il manque des éléments importants sur cette dernière et surtout qu’il y a un problème d’échelle.
Faire apparaître un nuage de mots m’a permis de pouvoir mieux représenter ma recherche et d’y faire apparaître des éléments essentiels notamment les disciplines auxquelles je fais appel. Ma carte montre également le “jonglage” permanent entre le français et le coréen. J’ai machinalement écrit les hauts lieux de la ville et les éléments de repérages en coréen (avec parfois une traduction française) tandis que les parcs de loisirs figurent en français. La traduction des parcs de loisir est la mienne et c’est probablement pour cela que je les ai écrit en français.

Confinement – Manon Prud’homme

Samedi 14 mars : mes déplacements sont déjà très limités. Depuis l’annonce du gouvernement le jeudi 12 mars, je reste à mon domicile, à Argenteuil, faute de pouvoir aller à la bibliothèque de l’INaLCO où j’avais élu domicile depuis plusieurs semaines pour avancer sur mes recherches.

Mes trajets avant confinement se résumaient à la Gare d’Argenteuil-Paris Saint Lazare-Bibliothèque François Mitterrand. Parfois, en rentrant, je passais au supermarché d’Argenteuil pour faire quelques courses. Et une semaine sur deux, je me rendais à mes séminaires du deuxième semestre : atelier de cartographie sensible boulevard Raspail et le séminaire de ma directrice à la Maison de l’Asie, Avenue du Président Wilson.

Il était prévu que je me retire chez mes parents, dans l’Indre, pour écrire une partie de mon mémoire de recherche entre le 27 mars et jusqu’au 22 avril. Je n’ai jamais été excessivement attachée à ma vie parisienne. Je me suis installée dans la région en 2013, après mon bac pour pouvoir y faire mes études en coréen, à l’INaLCO (13e arr.) J’avais déménagé plusieurs fois, Saint-Ouen-L’aumône dans le Val d’Oise jusqu’en 2014, puis Nanterre dans les Hauts de Seine jusqu’en 2016 et enfin Argenteuil dans le Val d’Oise; le département où ma mère a grandi. Je fréquente Paris et sa banlieue depuis donc presque 7 ans mais rien n’y fait, je ressens toujours une envie incontrôlable de rentrer auprès des miens, dans la diagonale du vide. Adolescente, je n’avais pourtant qu’une seule envie, c’était de partir très vite et très loin de cet endroit. Aujourd’hui, je crois que je ne vois pas être ailleurs qu’ici, en Brenne. Retourner à cet endroit au printemps et peut-être la chose qui me motive le plus. Les paysage renaissent au fil des jours et c’est particulièrement apaisant dans cette période qui, au delà de la crise sanitaire, est une période charnière pour moi puisque je m’apprête à terminer un second cycle d’études supérieure (non sans peine). C’est aussi une période où le rythme de travail est intense : on veut terminer dans les temps son mémoire pour pouvoir soutenir à la première session, on postule pour des bourses en prévision de la thèse, ce qui veut dire, réfléchir à son sujet de thèse (!).

Alors voilà… nous sommes samedi 13 mars et mon départ est prévu pour le 27 mars, jour de l’anniversaire de mon père. Mais rien ne se passe vraiment comme prévu. Non, vraiment rien. Les universités ferment, les bibliothèques aussi et je me retrouve finalement seule, dans mon appartement à Argenteuil avec Pablo, mon chat et dans l’impossibilité de travailler. Je travaille mal chez moi et j’évite de transformer mon studio, mon lieu de vie, celui qui doit être un refuge ou plutôt un lien apaisant, en un lieu de travail frénétique et contraignant. Je laisse cette charge aux salles du rez-de-jardin de la BU de l’INaLCO.

Les journées se ressemblent. Toutes. Les nouvelles ne sont pas bonnes. Les réseaux sociaux ne font pas non plus écho de bonnes nouvelles. Tout mon environnement devient particulièrement négatif et stressant. Alors samedi après-midi, au dernier moment, je décide de partir. Instinctivement et surtout parce que je ne me voyais pas passer une journée de plus à Argenteuil. J’échange au dernier moment mon billet de train et trouve un trajet Paris Bercy-Châteauroux pour la fin de journée. Je boucle ma valise, préviens mes parents que j’arrive finalement ce soir, je mets Pablo dans sa cage, emporte les livres nécessaires à ma recherche, donne mes restes de nourriture à ma voisine de palier, ferme mes volets, débranche mes prises électriques et ferme à clés la porte de mon appartement. Je pars… plutôt je rentre.

J’arrive en gare de Châteauroux avec un retard d’environ 45 minutes. Il est 22 heures 30. Tout le monde parle de mesure de confinement et que le gouvernement devrait annoncer la mesure dès demain. Je suis heureuse de retrouver mes parents et de me retrouver dans un lieu qui fait baisser considérablement mon niveau de stress. 60 kilomètres nous séparent de notre domicile. Diagonale du vide oblige! Nous arrivons donc 1 heure plus tard chez nous. Mes parents, non sans fierté, me présentent les travaux qu’ils ont entrepris cet automne pour aménager une partie des combles de la maison. Ma mère voulait créer une sorte de dortoir, pour les quatre enfants de ma sœur de sorte à ce que lorsque nous puissions tous dormir à la maison quand nous sommes tous là, notamment à Noël. Jusqu’à présent, j’allais dormir chez ma grand-mère, à quelques kilomètres, faute de place dans la maison.

J’ai donc élu domicile dans cette belle et nouvelle partie aménagée. Pablo a repris ses marques et il a retrouvé son amie Paupiette, le chat de mes parents. C’est apaisée et sereine que je me couche cette nuit-là. Je me dis que confinement ou pas confinement, quoiqu’il arrive, cette période doit être réservée à l’écriture de mon mémoire.

Lundi 16 mars : l’annonce présidentielle est prévue pour 20 heures. Je décide donc d’en profiter et de rejoindre trois amis d’enfance dans la ville voisine de Le Blanc, à 10 kilomètres de mon domicile. Les premiers tours des élections municipales se sont tenues la veille. Des élections auxquelles je n’ai délibérément pas participé. En revanche, un de mes amis s’était présenté sur une liste pour la ville de Le Blanc. Sa liste n’était pas en tête mais était qualifiée pour le second tour. J’ai pris ma voiture et je suis partie le rejoindre avec une autre amie, chez lui.

J’aime ces retrouvailles, qui en réalité n’en sont pas vraiment. Nous formons un groupe, fraternel, nous partageons ensemble tout, depuis… presque toujours. Ce sont des piliers, j’ai grandi avec eux ici et même lorsque je suis partie (eux sont restés dans les alentours), nous sommes restés très proches. Ils font partie de ces amis avec qui je n’échange pas quotidiennement, que je n’appelle que très rarement, mais que je retrouve toujours lorsque je reviens chez moi; soit environ 1 fois tous les mois et demi. On se retrouve toujours chez les uns ou chez les autres ou alors au bar du Centre, au Blanc. Je partage avec eux des chocolats chauds l’hiver, des vins blancs en terrasse l’été, des bières lors des grands événements sportifs, mais surtout une amitié profonde et sincère. Ce sont eux que je retrouve chaque été lorsque je reviens pendant les vacances. C’est avec eux que je pars me baigner dans la Creuse, la Gartempe ou l’Anglin. C’est avec eux que je vais faire du shopping dans les villes moyennes des alentours comme Tours ou Poitiers. Ce sont des compagnons, des membres de ma famille qui ont ce don si particulier de me faire sentir chez moi.

Alors ce lundi, quand le président annonce les mesures de confinement je me dis que j’ai bien fait d’aller voir mes amis juste avant. Avec le recul, je me dis que c’était peut-être même un peu bête d’y avoir été. J’avais peut-être été contaminée à Paris ? Ou peut-être que eux l’avaient été ici ? On ne savait rien et c’était trop tard. Alors le lendemain, à partir de midi, il faudra se munir d’une attestation pour se déplacer. Les questions ne fusent pas tellement pour moi. J’avais prévu de rester à la maison toute la journée et de ne sortir qu’une fois mon labeur quotidien achevé pour voir mes amis. C’est surtout pour mes parents que les questions se posent. Ils sont artisans, mon père est mécanicien et ma mère est sa secrétaire. Ils travaillent dans le village voisin, à Fontgombault.

Petite, j’ai rapidement appris et surtout compris pourquoi contrairement à mes amis je ne partais pas l’été en vacances avec mes parents. De manière générale d’ailleurs, je ne partais pas sillonner les routes de France pendant les vacances. On ne partait pas vraiment en vacances à l’exception d’une semaine par an, en hiver, hors vacances scolaires (c’était moins cher) pour aller dans les Alpes où mon père avait l’habitude de skier enfant. Un jour non travaillé pour mes parents équivaut à de l’argent perdu. Depuis que je suis partie de la maison, je les vois partir plus fréquemment et s’octroyer des weekends de 4 ou 5 jours pour participer à des concours de tir-à-l’arc mais rarement plus.

Alors pourraient-ils travailler ? Seront-ils autorisés à ouvrir leur garage ? Si oui, les clients honoreront-ils leurs rendez-vous ? Quelles aides mes parents aurons en cas de grosse perte de chiffre d’affaire ? [La réponse est : rien]. Finalement, l’inquiétude refaisait surface au fil des jours mais chaque jour mes parents partent travailler. Ils travaillent moins mais ils travaillent.

Quotidien confiné ?

Depuis près d’un mois les mesures de confinement ont été annoncée et je dois avouer que la vie n’est pas si différente que d’habitude. Mon rythme de vie n’a pas été bouleversé. J’ai de la chance. J’observe comme prévu le printemps, dans un jardin vaste et avec une météo on ne peut plus clémente. Là aussi, j’ai de la chance. Mes parents travaillent et par conséquent ne sont pas constamment à la maison. J’ai encore de la chance. C’est très calme et la région demeure encore l’une des régions les moins touchées. Chance, encore.

Mes journées sont rythmées de la même manière. Vers 9h30, je me réveille. J’ai plaisir à prendre le temps le matin alors je prends un petit déjeuner, je prends une douche et en fin de matinée, si je me sens d’attaque, je me plonge dans le travail que j’ai à faire.
En fin de matinée je prépare le déjeuner pour mes parents qui rentrent vers midi et repartent à 14 heures. L’après-midi est consacrée aux divers rendus dont le mémoire qui avance (presque) comme je le voudrais. Et j’essaie d’arrêter mes activités lorsque mes parents rentrent du travail vers 19 heures. Parfois je reprends le soir mais c’est selon mes envies. Ajoutons à cela que je ne peux que travailler dans la pièce commune qui est la seule pièce qui possède une connexion Wi-Fi.

C’est comme ça chaque jour. Sans presque aucune exception. Le weekend mes parents sont à la maison et vaquent à leurs occupations (couture, tonte de la pelouse, bricolage, lecture) pendant que je vaque aux miennes. On ne se marche pas dessus. On respecte les mesures de confinement à la lettre. Depuis le début du confinement, je ne suis sortie que 3 fois pour accompagner ma mère faire des courses. Mes parents prennent également le soin de faire attention sur leur lieu de travail et de mettre en place des mesures exceptionnelles : désinfection des véhicules, obligation pour le client de rester à l’entrée du garage et de ne pas rentrer etc.

En réalité ce qui m’inquiète le plus dans cette période c’est ce qui va se passer après. Je me rends compte que le monde tourne et continue de tourner. Les étudiants n’ont pas vraiment d’informations sur ce qui va se passer après et c’est sûrement parce que les institutions elles-mêmes n’ont pas les réponses. Alors je me retrouve mi avril avec un planning identique à ce qu’il devait être sans les mesures de confinement. La charge de travail est lourde et pèse un peu sur le moral parce que je ne sais pas si tout ça rime réellement à quelque chose. Mon mémoire avance mais vais-je pouvoir soutenir en juin ? Parallèlement, la campagne de candidature pour la bourse coréenne à laquelle je candidate a été lancée et avec aucun délais supplémentaire compte tenu de la situation et de la fermeture des universités partout en Europe. Construire un projet de thèse dans ces conditions n’est pas la chose la plus agréable mais il a fallu pourtant le faire et en un temps record. À cela s’ajoute les rendus (dont ceux de ce séminaire). Et concernant les contrats doctoraux, seront-ils maintenus début septembre? Le calendrier universitaire n’a rarement été aussi flou. Cette année est exceptionnelle à tous les plans et ce n’est pas vraiment facile à gérer émotionnellement.

Comment cartographier sensiblement ce confinement? J’ai éprouvé de grandes difficultés à l’idée de faire cette exercice. Ecrire me semblait plus aisé et puis je me suis dit qu’une chose me permettait quand même de rendre ce confinement davantage agréable et de sortir de ce tourbillon de travail qui me rends excessivement stressée. À l’heure où ce confinement est censé nous faire réfléchir sur nous-même, sur notre façon de consommer et de voir le monde, moi, début mars, j’ai commandé une Nintendo Switch, bêtement, cédant aux pressions des publicitaires capitalistes. Finalement, je pense que ça a été l’idée la plus brillante que j’ai eu ces 6 derniers mois puisque chaque jour, à heure fixe, je m’offre une ballade dans le monde formidable qu’est Animal Crossing. Joueuse invétérée depuis 2006, j’ai collectionné les jeux sur les diverses consoles Nintendo. Quoi de mieux donc que d’aller s’installer sur une île déserte et d’y fonder notre propre ville avec des animaux? Moi qui, depuis deux ans étudie l’urbanisation à Pyongyang, à quoi la ville de mes rêves pouvaient ressembler? Alors le 20 mars, la console édition spéciale est arrivée et l’aventure a pu commencer.

Bienvenue à Marimoa

Marimoa – le 21 mars 2020

Le premier jour, l’île ressemble à une île déserte, entourée de plages et traversée par une rivière. Au début du jeu, la rivière n’est pas franchissable puisque cela nécessite une perche. Cet objet est débloqué après avoir effectué quelques missions. De même pour les espaces plus hauts (en vert plus clair) qui nécessitent une échelle.
En bas se trouve l’aéroport de l’île qui permet de partir visiter d’autres îles mais également de recevoir la visite d’autres joueurs.
La maison rose représente ma maison. J’ai choisi l’emplacement lorsque Tom Nook m’a demandé d’installer cette dernière.
En bas, l’icône avec un hibou représente le musée de l’île tenu par Thibou. C’est ici que nous collectionnons les différentes espèces de poissons, d’insectes et de fossiles collectés sur notre île.

Inauguration du musée de Marimoa – 23 mars 2020

Les tentes jaunes représentes les habitations (précaires) des deux premiers habitants de notre île qui nous sont attribués au hasard au début du jeu. Pour ma part, j’ai eu le droit à Nora et Brutus. J’ai également eu pour mission de trouver l’emplacement pour ces deux habitants.
Au centre de l’île avec une place se trouve le bureau des résidents où se trouve Tom Nook. C’est ici que se coordonne la vie de l’île, là où se trouvera la future mairie.
Enfin, là où se trouve l’icône de localisation (où mon personnage se trouvait à ce moment-là du jeu) est le lieu de la boutique de Méli et Mélo, le lieu où on vend et achète ce dont on a besoin.

Inauguration de la boutique Nook

Le principe du jeu est de développer une île déserte sur laquelle nous, le seul humain du jeu ainsi que Tom Nook, Méli et Mélo (des tanuki business men ultra-capitalistes) vont élire domicile. Le but du jeu est de rendre l’île ultra-touristique et ultra-attractive de sorte à ce qu’elle obtienne 5 étoiles. Notre but est donc le développement et l’aménagement du territoire de l’île. On part de zéro. Ou presque. La monnaie locale s’appelle les clochettes et on en gagne en vendant des objets fabriqués par nous-mêmes des poissons et des insectes (qui varient selon les saisons). Au fur et à mesure du temps, notre personnage débloque des choses : nouveaux plans de construction, agrandissement de bâtiments, aménagement du territoire etc et par conséquent attire du monde.

Au fur et à mesure, notre personne se voit donc attribuer des missions de toute part afin de pouvoir développer l’île. Ces missions permettent de débloquer de plus grandes fonctionnalités. Sur l’île de Marimoa, après l’ouverture du musée et de la boutique, Tom Nook m’a chargé de trouver de nouveaux habitants en mettant en vente de parcelles de terre de l’île. Après ces premiers développements, l’île monte de niveau et la tente du bureau des résident devient un hall de mairie. Tom Nook se voit partager son bureau avec Marie qui elle, se charge de la réputation de l’île, de l’hymne, des problèmes de voisinage et du drapeau.

Le nouveau bureau des résidents s’accompagne d’une place pavée pouvant accueillir de nouveaux intervenants notamment Layette, la vendeuse de vêtements qui vient trois fois par semaine sur l’île. Au fur et à mesure des échanges avec cette dernière, elle propose de venir installer sa boutique avec sa sœur Cousette.

Inauguration du nouveau bureau des résident et de sa place centrale
Inauguration de la boutique Les Sœurs Doigts de Fée

Chaque jour réserve son lot de surprise dans ce jeu. Par dessous tout, il offre une parenthèse calme et paisible alors que tout autour de nous, dans le monde réel, nous fait paniquer. C’est devenu un rituel pour moi chaque matin et chaque soir et m’envoler vers cette île que je développe à mon allure puisque chaque chantier (construction d’un point ou de rampe d’escalier) nécessite 24 heures de construction. Subsiste cette question sans réponse : à quoi pourrait ressembler la ville de mes rêves? Serait-elle une ville?

Aujourd’hui, la ville de Marimoa s’est bien développée.
Le musée a été déplacé au nord de l’île et surélevé. Au total, 9 habitants y ont élu domicile et des chemins ont été construits. En attendant la levée du confinement, cartographier l’évolution de Marimoa me semble ici la méthode la plus adaptée. Le quotidien sur cette île y est bien plus mouvementé que celui du vrai monde qui consiste à écrire des projets de thèse ou à écrire un mémoire.

Île de Marimoa – 10 mars 2020