Cartographie commune groupe 2

Lundi 4 Mai 

L’Observateur : Dois-je faire trois portraits, analyser et noter la manière dont chacun intellectualise le sujet, communique avec les autres, s’investit dans le travail en groupe, puis s’organise dans sa propre carte individuellement?  Ou bien simplement noter les différentes étapes de la création? Ou bien considérer les deux? 

Décalage entre l’évolution de chacun, allers-retours : spatialité, temporalité, mouvement, émotions etc

Xi : Faut il faire 3 perspectives séparément? Ou 1 version commune? 

Francesca : Il faut s’organiser autour d’une stratégie commune. 

Xi : Elle demande à Mathieu comment était sa carte du confinement

Mathieu : le rouge = avant / le bleu = après le confinement 

Xi : a combiné photos et carte du quartier / changement d’aménagement dans sa chambre. Elle propose de copier-coller leur carte respective dans le document google pour avoir une vue plus générale de ce qui a été fait précédemment.

Ils doivent décider d’un espace commun, le quartier et l’espace intime diffèrent pour tout le monde. Qu’est ce que la carte va représenter? 

Mathieu Qu’est ce qu’on veut représenter en commun? Un quartier, salon, chambre?

Xi préfère un quartier.

Mathieu propose de dessiner un salon fictif commun, qui sera divisé en 3 parties, une pour chaque participant dans laquelle chacun s’organisera comme il le souhaite.

Xi propose de se répartir les parties en fonction de leur position géographique.

Mathieu est en Seine Saint Denis au nord-est de Paris.

Xi se trouve dans le 8eme arrondissement et propose d’inscrire la relation spatiale dans la carte.

Francesca propose de combiner la position géographique des appartements.

Mathieu représente la Seine St Denis, Xinmin le 8eme arrondissement et Francesca le 15eme. 

Représentation géographique

Faut il intégrer plus de mouvement?  C’est une représentation propre à chacun. Ce qu’il faut mettre en commun c’est la représentation géographique.

M : trace un premier rectangle représentant Paris pour la représentation géographique 

Ils se demandent s’il faut ajouter les éléments que l’on peut retrouver dans une cartographie traditionnelle ? 

00:11:00 

Xinmin trace une bulle attachée au rectangle qui représente Paris 

Mathieu inscrit Paris au centre du première rectangle 

Chacun commence à travailler sur sa partie.

00:13:00

Comment diviser le salon? 

Observation : Elle ajoute une deuxième dimension à la cartographie, un jeu d’échelle : la localisation est-elle seulement utile pour leur 3 appartements situés par rapport à Paris le lieu commun ou bien doit-elle aussi s’appliquer à l’intérieur même de leurs espaces personnels ?

Donc il n’y a pas de charte commune à laquelle se référer? 

La seule contrainte est d’avoir sur la même représentation graphique commune la manière dont chacun a une emprise sur les lieux selon la consigne.

Consigne : définir une emprise sur la carte, quelle est l’emprise commune? Comment on saisit/contrôle le lieu? Se représenter dans l’espace, à Paris. Choix du salon parce que pièce la plus occupée. Est ce que le salon est la pièce que chacun occupe le plus chez lui? 

Voir au fur et à mesure ce que chacun rajoutera. Avec le confinement on occupe un lieu d’une manière peu habituelle. Représenter ça dans un espace plus objectif donc Paris pour contextualiser. Malgré le fait d’avoir parfois la sensation d’être dans une bulle isolée, en réalité on se trouve sur une map. Qu’est ce que chacun veut intégrer, au delà du salon?

L’emprise commune serait le salon et l’espace de la région parisienne? 

Faut-il apporter une dimension temporelle? 

Faut-il représenter les mêmes aspects concernant les changements en termes de temporalité?

Faut-il représenter les changements dans le salon ou le quartier? 

Deux échelles : Ils ont décidé de se représenter géographiquement dans la région parisienne (grande echelle) et en même temps de se représenter dans son salon (2eme échelle) 

Difficultés à s’entendre sur ce qu’est leur espace commun et les limites de représentations communes 

00:22:00  Une fois d’accord , chacun avance de son coté.

M rajoute Paris au centre du premier rectangle et deux fleches qui se suivent dans le rectangle. 

Est ce une représentation de mouvement?

Représentation spatiale : ils rajoutent des référentiels communs : meubles, objets, etc

00:35:00  : 1ere représentation temporelle 

Francesca rajoute des horaires sur une fleche qui va d’un pièce à l’autre : 8:00-19:00   19:00 – 00:00 

Représentation spatiale : M rajoute une rose des vents au dessus de Paris coté Nord-Est avec la lettre “N”

00:40:00 : Peu de communication pendant plus de 20 minutes

Représentation du mouvement : Xi rajoute une flèche qui va d’une pièce à l’autre. 

00:43:00

Indication sonore : F écrit “bruits de voitures, gens qui marchent, camion poubelle, à 20h applaudissements collectifs” qu’elle place sur une bande à gauche

00:46:00

Spatialité : Xin ajoute une information sur sa localisation : 8eme

Information spatiale : Fran ajoute des informations sur son quartier : tabac, supermarché, elle agandit son perimetre en recontextualisant son salon dans son quartier, représentant ses trajets. 

00:54:00

Temporalité : Xi ajoute 3:16 → 4:16

Fran ajoute sa localisation dans Paris : 15eme 

00:58:00

Premiere Légende : Xin  ajoute une légende de l’intérieur de son espace : miroir, photos, écran etc

1:00: 00

Chacun sa légende.

Observations : N’auraient-ils pas mieux fait de décider ensemble d’une légende avec des référentiels communs  (symboles, couleur etc), ajouter une temporalité, du mouvement? Comment? Afin de créer une homogénéité entre leurs 3 espaces? 

1:12:00 

Ils se demandent s’ils doivent représenter des émotions et comment ils peuvent la faire progresser? explorer d’autres thématiques? Mathieu qu’il a voulu représenter l’isolement avec son contour plus épais, ce qui parle à Francesca

Portraits et interprétation personnelle

Mathieu est le premier a investir au départ l’espace commun : – Paris  -N(ord) pour se situer

Représentation spatiale Il ne représente pas de temporalité mais il semble y avoir du mouvement représenté par cette flèche qui semble montrer une redondance, un mouvement qui va d’une pièce à l’autre mais aussi qui se répète.

Francesca

00:35:00 Représentation du temps

00:43:00 Représentation spatiale description sonore exterieure

00:46:00 informations sur le quartier 

00:54:00 Localisation 15e

00:58:00 Ajuste son texte 

1:00:00 Doit on ajouter une légende? 

1:12:00 Doit on ajouter des éléments représentatifs des émotions : contours illustrant le degrés d’isolement?

Xinmin

Elle choisit une bulle rattachée au rectangle qui représente Paris comme pour signifier un “zoom” sur la partie nord-ouest de Paris. 

00:26:00 Elle commence 

00:40:00 Représentation temporelle Flèche qui va d’une pièce à l’autre 

00:46:00 Représentation spatiale Localisation 8eme 

00:54:00 Ajoute une information 3:16→ 4:16  temporalité ?

00:58:00 Légende de son espace intérieur : miroir, photos, écran etc. 

Qualitatif plutôt que quantitatif

Lundi 18 Mai 

Explications des cartes :  

Représentation spatiale, temporelle et émotionnelle

Mathieu : C’est mon salon, les bords noirs renvoient à l’idée d’enfermement et les flèches circulaires montrent que je tourne en rond. Il y a un soleil jaune et orange qui montre ou est ce que le soleil se lève et se couche avec une rose des vents qui indique le nord. 

Ximin a fait 2 versions de la même pièce à 2 moments différents  pour montrer le réaménagement effectué : 3:16 → 4:16 qui correspond à 16/03 et 16/04 

Francesca a divisé sa pièce en deux avec des horaires qu’elle s’est imposée pendant le confinement pour éviter la répétition et donner du mouvement à son quotidien, qu’elle a représenté avec la flèche et les horaires.

Elle rajoute un soleil et une lune pour faciliter la représentation du temps. 

Comment représenter les émotions? Créer un protocole commun ou chacun sa légende ?

Représentation de l’émotion : Francesca a épaissi les contours du salon et celui des flèches qui montrent ses trajets pour accentuer l’enfermement et les sorties limitées, représentation des émotions. Le balcon n’a pas de contours parce que c’est le seul lieu dans lequel elle ne ressentait pas l’enfermement. Elle a voulu donner de l’importance au jardinage qui était une de ces activités principales et favorites en représentant plusieurs plantes et fleurs disséminées dans l’appartement.

Observation : Contraintes de Google doc qui leur donne la sensation d’être limité. D’autre idées de représentations en dehors de ce logiciel? Les contraintes poussent à trouver des solutions. 

Xinmin : on ajouterait plus de détails et ce serait plus précis. Les formes proposées par le google doc restreignent la créativité.  Difficulté à représenter son mur : écran de projection qui a tenu une grande place durant son confinement puisqu’il regroupait les informations et les films (qu’elle allait voir au cinéma avant le confinement) ; les photographies qui l’apaisaient pendant le confinement. 

Représentation de l’émotion : Etoiles →  verte : contente , bleu : calme , orange : nerveuse On retrouve les 3 émotions sur l’écran de projection ce qui montre sa centralité dans son quotidien.

Représentation du temps : Francesca ajoute des lignes qui partent des pots de fleurs pour représenter leur croissance, leur évolution. 

cartographie collaborative sensible – Groupe 3

Observations du processus de cartographie collaborative sensible – Equipe 3

Mahdokht/Lissette/Fabricio

Le processus d’élaboration s’est déroulé en trois sessions, les observations suivantes ont été relevées par le groupe:

Session 1

L’équipe a commencé par identifier les convergences entre les participants, coïncidant avec l’intention d’aborder les relations familiales et amicales à distance pendant le confinement. Il est envisagé d’inclure la perception de l’expérience du confinement à l’intérieur de la France, principalement pour ceux qui sont étrangers et qui sont contraintes à rester confinés à Paris.

Trois catégories sont identifiées pour guider l’élaboration de la carte : les affects, les émotions et les espaces.

Puis il y a eu une pluie de questions :

Comment représenter l’espace commun ? Qu’est-ce qu’il nous unit ? Sommes-nous unis en France ? Sommes-nous unis par les relations à l’extérieures de la France ? Quelles émotions ? Comment les représenter ?

Les trois participants exposent leurs contextes particuliers et leurs affects, à l’égard des trois pays avec lesquels ils ont des relations, soit par origine, soit par relation à une autre personne : l’Iran, la Colombie, le Brésil et le Mexique.

L’un des thèmes principaux abordés lors de la première session a été la perception du danger que représente le coronavirus dans les différents pays désignés. Des comparaisons ont été faites entre les différentes perceptions.

Ensuite, ils ont exploré les émotions et les sentiments et la discussion s’est concentrée sur les sentiments négatifs; le binôme solitaire/compagnie est identifié.

De nouvelles questions ont surgi : Quoi dessiner ? Comment les représenter ? Quelle fidélité doit avoir la nouvelle carte avec les cartes individuelles ?

Les sentiments suivants sont identifiés : frustration, colère, angoisse, incertitude face au confinement. Après cela,  certaines lignes de travail sont identifiées:

·         Pratiques pour résister à l’angoisse

·         Pratiques génératrices de détresse

·         Types de relations familiales/amicales (à l’exclusion des relations professionnelles)

·         Types de confinement : obligatoire/autonome

·         Dynamiques dans le confinement

Quelques questions se posent à nouveau : peut-on intégrer le rôle des technologies et des réseaux sociaux ? Pourrait-on faire une grande carte du monde ? comment étudier les dynamiques de confinement dans chaque pays?

Un autre point central est identifié, l’intensité des émotions, élément qui permettrait de générer une façon de mesurer et de comparer.

D’autres facteurs liés aux émotions sont également détectées, comme la précarité économique, un élément qui génère l’angoisse, la fermeture des frontières physiques et les dilemmes d’un retour ou non au pays d’origine, la peur de ne pas pouvoir revenir, la peur de tomber malade dans la solitude en France, le désir de retrouver la famille bientôt.

Au premier regard l’outil de travail proposé “google drawings” non familier au groupe, il a paru un moyen difficile pour dessiner et concevoir une carte. 

Session 2 

Les participants choisissent de garder l’idée d’une carte où ils représentent les différents pays d’origine et leur lien constant avec ceux-ci, particulièrement grâce aux familles qui continuent à y résider. 

De même,  ils cherchent à mesurer les émotions évoquées lors de la première séance de discussion.

Au début le group pense dessiner la carte du monde mais vu le nombre de  symboles envisagés, il décide de dessiner les pays d’origins, avec la France au milieu, ce qui coïncide aussi avec les positionnes géographiques globales. 

Le group considère l’intensité des émotions comme une clé importante dans la réalisation de la carte, plutôt facile à mesurer au premier abord. En échangeant autour des pays d’origine de chacun, plus la conversation avance sur les conditions des pays et vu la diversité des perceptions, les participants décident de maintenir les variables qui semblent d’être les plus partagées et plus différentes par rapport à la France : l’accès à la santé publique, les préoccupations économiques et la perception des tensions politiques.

Pour mesurer l’intensité, les participants ont rencontré certaines difficultés pour choisir des symboles qui pourraient représenter le degrée de ressentis. Alors ils ont décidé de maintenir l’idée de représenter l’intensité avec les barres, ce qui représenterait l’idée de la quantité, dans une échelle possible d’émotions.

Au début le groupe a eu l’idée d’un traitement des “mesures de préoccupation” pour évaluer les aspects santé, économique et politique. Finalement non convaincu par le mots “préoccupation”, le group s’est orienté vers d’autres mots comme « stabilité », « situation » et “contexte”.

Le groupe a aussi discuté sur les symboles représentant les types de confinement, de flèches et d’objets comme l’avion pour démontrer les difficultés de voyage. Cette partie d’échange n’a pas été sujet à beaucoup de discordances. Nombreuses d’idées ont été partagées et retenues pour les jours suivant, pendant la phase d’exploration du logiciel google draws et la concrétisation de la carte collaborative. 

Processus de la concrétisation de la cart, étape par étape:

  • D’abord poser les 4 territoires, la France, le Mexique, l’Iran et la Colombie
  • Symbolisation du confinement/semi-confinement
  • Représentation des frontières en état de confinement et semi-confinement
  • Symbolisation des facteurs economie/santé/politique
  • Symbolisation des ressentis 
  • Premier jet de la légende 

Session 3

Pour cette session, le groupe avait déjà bien avancé sur quasiment toutes les idées sélectionnées en avance.

Le groupe a vu surgir des interrogations sur les perceptions et les ressentis lors que chacun évoque des conditions politique et économique de son pays, avec cette crainte de tomber dans le piège de généralisation et d’essentialisation. Le groupe ne cessait de souligner qu’il ne faut pas négliger que leur position sociale dans le pays d’origine risque de ne pas correspondre aux conditions et aux vécus de leurs concitoyens en général.

De même, les participants ont dû retravailler les idées de barres comme mesure d’intensité, en passant par l’idée de garder un symbole unique et en jouant avec les couleurs pour démontrer l’intensité. Ils craignaient que la compréhension des couleurs et de la quantité de barres ne soit pas assez évidente pour un observateur neutre. Comme un exemple de méthode, la difficulté de lecture de la carte pourrait y persister, mais ils ont opté pour laisser ce choix, ce qui leur a paru intéressant comme tentative de croisement des caractéristiques porteuses de quantité et de qualité.  

Processus de la concrétisation de la carte étape par étape:

  • Elaboration de la légende au fur et mesure 
  • Symbolisation de l’intensité et l’appréciation
  • Evaluation des facteurs economie/santé/politique pour chaque pays 
  • Symbolisation des liens humains avec le pays, famille/amis
  • Symbolisation de la connectivité numérique
  • Choisir un titre
  • Elaboration de la “bulle de ressentis” pour chaque participant
  • Evaluation des ressentis et d’émotions de chaque participants
  • Tentative  d’évaluation collective des facteurs economie/santé/politique en France

Cartographie collaborative du confinement – Groupe 1 –

Cette carte collaborative a été discutée, conçue et réalisée à distance par trois personnes lors de deux sessions de travail autour d’un salon virtuel mis à disposition. Lors de la première étape, chacune s’est rappelé les cartes individuelles du confinement des autres : M. a dessiné les personnes avec qui elle avait des échanges directs, J. s’est plutôt concentrée sur son rapport à l’espace intérieur et F. a suivi les modifications de son balcon et de son quartier depuis son étage, sous forme de tableau et photos. Les méthodes graphiques utilisées sont donc assez diverses (photographies, plan, tableau de données, portraits).

Elles se proposent de rassembler ce que chacune a souhaité exprimer dans ses cartes, en se donnant pour cadre commun le salon virtuel autour duquel elles sont rassemblées. Etant dans des régions de France éparses, elles optent pour un rapprochement non géographique de leurs situations, qui s’articulent autour de ce lieu virtuel. Alors comment mettre en commun ?
Elles esquissent de suivre le protocole de construction d’une carte explicité en séance précédemment, comme piste pour concevoir cette carte collaborative. Mais ce sera finalement en dessinant chacune sa perception du confinement des autres : il leur semble que cela leur permettrait de sortir de leur propre perception autocentrée de cette situation en essayant de se projeter dans l’espace de l’autre, face au regard qui s’émousse sur notre propre quotidien peut être.

Pour entreprendre de dessiner chacune ce qu’elles perçoivent, comprennent et imaginent de la situation de confinement des autres, elles échangent oralement des précisions sur leur cartographie individuelle et sur leur contexte de vie actuelle (pièce, type de logement, quartier, ville, région). Le besoin de définir une légende commune de ce qui doit être représenté est évoqué mais celle-ci naitra finalement de la confrontation des dessins de chacune rapprochés. La tentative est donc de faire émerger une forme commune du croisement des dessins effectués individuellement selon la même « règle du jeu ». Il s’agissait de démultiplier les points de vues : trois regards sur trois lieux et avec trois modalités graphiques, qui devraient se combiner dans leur possibilités et peut être prendre le relais de leurs limites. Une organisation en trois niveaux de perception et de proximité apparaît ainsi dans la discussion : le salon virtuel, la pièce où elles se trouvent pour la réunion et leur domicile avec son environnement.

L’outil de dessin collaboratif n’est pas utilisé lors de cette première session. Chacune des collaboratrices dessine individuellement sur du papier tout en restant connectée, à regarder régulièrement son écran d’ordinateur où sont visibles les autres et à leur demander des précisions sur ce qu’elles voient de leur coté ou ce qui les entourent. A la fin de cette première étape, chacune montre aux autres ses dessins. J. a commencé par dessiner les plans des espaces où se trouvent ses interlocutrices, ainsi qu’une axonométrie de situation de leur logement. M. a dessiné les écrans du salon virtuel de chacune et F. a opéré une figuration plus analytique qui schématise les lieux et les relations entre eux.

Lors d’un échange intermédiaire par mail, les dessins scannés de chacune sont mis en commun à l’aide d’un dossier drive. Apparait pour M. que chacune a une échelle de représentation privilégiée correspondant à l’un des trois niveaux. Avant la seconde session de travail collectif, F. rebondie également à propos de ces trois niveaux qui forment des échelles spatiales emboitées et la nécessité de définir des coordonnées à la carte. Un nouveau schéma qui rapproche les trois situations est apparu.

Lors de la deuxième session, l’ensemble des dessins est disposé sur l’outil numérique collaboratif. Le dessin schématique de F. commence à organiser la disposition des autres : est-il a intégrer dans la carte commune ou est-il à transposer et traduire par une légende équivalente ?
Se pose la question des précisions à apporter par du texte sous forme de commentaires qui permettraient de restituer certaines indications et les positions géographiques. Les dessins sont donc organisés par situation les uns à coté des autres et leur distanciation géographique mise en apparence par le nom de la ville et le numéro de département.
Comment positionner les relations entre ces lieux ? L’outil graphique n’est pas très maniable et l’ensemble s’encombre rapidement, « attention à utiliser le même graphisme pour le même phénomène ! ». Finalement la composition ne sera pas la retranscription complète du schéma mais celui-ci devient le mode de lecture des dessins situés au dessus. Ainsi se croise un regard plus surplombant qui rend compte des systèmes de relations et une perception plus détaillée qui donne à voir la vie intérieure.

Les dernières articulations concernent l’utilisation d’un signe rouge sur plusieurs dessins pour signaler chacune des personnes et le choix d’un axe vertical latéral à propos de la réduction d’échelle par palier. Il est complété d’un axe horizontal qui dispose les villes sans référent géographique comme sur un graphique.

Enfin un titre est discuté pour chapeauter la cartographie, qui passe par les termes « ressenti », « relations », pour s’arrêter sur « perception de l’espace ». Le schéma réalisé entre deux sessions apparaît alors comme assez parlant du titre « Percevoir l’espace du confinement à travers le virtuel ». Bien qu’il est été un outil de réflexion de parcours, il est conservé et titré séparément.

Si les tâtonnements de manipulation de l’outil numérique sont soulignés au début, deux participantes y font des modifications simultanées et coordonnées à la fin. 

Synthèse_ “La ville Côté Femme”_Célia Lebarbey & Jeanne Leman

Corinne Luxembourg et Dalila Massaoudi
« Projet de recherche-action à Gennevilliers : “La ville côté femmes” »,
Recherches féministes , 29 (1), 129-146.

Cet article est écrit par deux géographes en 2016 et publié dans un numéro de la revue Recherches féministes, intitulé « démarches méthodologiques et perspectives féministes ». Il rend compte de l’expérience d’une recherche-action menée à Gennevilliers pendant 6 ans, visant à « interroger la place des femmes dans l’espace public ». Titrée « La ville côté femmes », celle-ci est une réponse à une commande de la ville, associant un volet de diagnostic à un volet de préconisations. Les auteures décrivent ici leur démarche méthodologique mise en place sur le terrain grâce à des cartes mentales associées à des entretiens. Dans un premier temps, elles dressent le contexte de cette recherche-action, choix méthodologique particulier pour une situation spécifique. Elles présentent ensuite les résultats obtenus, pour enfin souligner les difficultés de mises en œuvre.

Contexte d’une méthodologie de recherche-action

Les chercheuses mobilisent un cadre interdisciplinaire qui emprunte à la géographie, à l’aménagement et à l’urbanisme. Leur « diagnostic des pratiques urbaines » repose ici sur une conception de l’habiter comme relation dynamique entre l’individu et la ville. Il s’intéresse aux rapports à la ville au travers des représentations, perceptions et expériences des espaces publics, spécifiquement via des « indicateurs de citadinité » (comme le voisinage ou la mobilité).

Elles parlent d’une « recherche-action intégrale », menée avec les acteurs et actrices du territoire, qu’il s’agit d’impliquer dans le dispositif afin d’être force de propositions.

Leur travail s’est décliné en plusieurs temps, dont un premier d’observations et de communication par voie de presse et d’affichage. En s’appuyant sur des rendez-vous clés pour les luttes féministes, cela a permis de faire connaître et mettre en discussion le projet, tout au long de son déroulement. Des journées d’étude ont eu pour but d’échanger sur « le processus même de la recherche en train de se faire », pouvant ainsi la faire évoluer, mais aussi en faire valider les résultats, afin d’aller vers des transformations.

Le second dispositif méthodologique a constitué « un corpus de cartes mentales dessinées par les femmes et les hommes », au cours de rencontres dans des cadres associatifs ou à domicile. Ces « cartographies d’itinéraires » (selon de Certeau et Lynch) rendent compte d’une série de connexions, qualifiées par un code de couleur et de tracé, entre des lieux. Le dessin est fait de mémoire, sollicitant la perception que se font les habitant.e.s de leur environnement urbain, les déformations étant alors révélatrices de l’image mentale qu’ils et elles s’en font.

L’objectif in fine est de constituer une cartographie dite sensible (d’après de Biase), aux indicateurs qualitatifs constitués grâce aux observations et aux représentations des habitant.e.s, qu’elles soient graphiques (cartes mentales) ou discursives. Celles-ci ont été recueillies lors d’entretiens dans l’espace public et lors d’ateliers d’écriture en non-mixité.

Gennevilliers est une ville moyenne de banlieue parisienne, dont l’emploi est encore assez industriel et le logement pour partie constitué de grands ensembles, soumis à diverses politiques de la Ville. Les premières interventions de l’ANRU (Agence Nationale de Rénovation Urbaine) ont produit des séparations genrées des activités, conduisant à l’attention marquée de l’ANRU 2 pour des diagnostics genrés des espaces publics. Le contexte spécifique de cette ville s’est constitué après guerre sur une distinction travail-logement, tenant la majorité des femmes loin de l’espace public. Il faut attendre les années 80 pour que se développent des politiques préventives qui cherchent à s’appuyer sur celles-ci, mais les luttes défendant la place aux femmes dans l’espace public ne sont encore pas une évidence.

L’orientation politique de la ville et sa « longue histoire de militantisme pour les droits des femmes » ont permis le développement d’actions en faveur de leur appropriation de l’espace et du débat public.

Cette recherche-action se positionne dans ce contexte comme un « outil de citoyenneté », dans le sens de l’élargissement du rapport politique des femmes à l’espace, passant aussi par le réaménagement de certaines configurations spatiales. Mais encore de « l’invention de nouveaux droits » par la pratique de la recherche — par les femmes habitantes elles-mêmes, tout comme l’intéressement de toute la population à ces questions, mettant ainsi l’accent sur l’importance du « processus de mise en œuvre » de la recherche aux côtés de ses résultats.

Usage de la cartographie dans l’enquête, résultats :

La récolte de matériaux de terrain s’est donc effectuée par la réalisation de cartes mentales par les enquêté.e.s (femmes et hommes de Gennevilliers), complétées par la suite par des observations de terrains et des entretiens. Nous allons synthétiser ici les différents résultats obtenus par cette enquête, mais également la méthode cartographique utilisée dans ce travail.

En effet, le processus de réalisation et d’analyse des cartes mentales est très probant, permettant d’obtenir des résultats chiffrés et clairs.

Les chercheuses ont ainsi demandé à 102 personnes (femmes et hommes) de dessiner leurs « déplacements dans la commune ». Ces cartes mentales permettent à ces habitant.e.s de représenter leurs perceptions de l’espace sans les contraintes de la cartographie classique. Ce sont d’ailleurs les distorsions, variations d’échelles et représentations sélectives de l’espace, qui apporte des informations aux chercheuses sur la perception de la ville par les habitant.e.s. Une légende a cependant été fixée dès le départ auprès des enquêté.e.s, surement pour faciliter l’analyse. Un code couleur est choisi pour l’appréciation des trajets : ceux vus négativement se dessinent en rouge, ceux vus de manière neutre en noir et ceux positivement en vert. Est également demandé d’intégrer la temporalité dans les cartes : les parcours nocturnes se font en pointillés et ceux diurnes en trait plein.

Une analyse systématique a ensuite été réalisée à partir des cartes selon différents critères. Un des premiers critères concerne la quantité d’information représentée par les cartes mentales. Les auteures font l’hypothèse préalable que « plus les cartes fournissent de repères spatiaux, plus leur auteur ou auteure connaît le territoire communal et le pratique ». On peut ainsi classer les cartes réalisées par le nombre de quartiers cités, ce qui nous renseigne sur les périmètres quotidiens des habitant.e.s. De manière générale « les femmes s’approprieraient plus largement le territoire que les hommes ». Cependant, à y regarder de plus près il s’avère que deux tiers des hommes ne s’approprient que deux ou trois quartiers quand les femmes se divisent en trois “catégories” : un premier tiers ne dépasserait pas vraiment le périmètre du quartier de résidence alors qu’un autre tiers s’approprierait largement plus la ville que les hommes.

Les chercheuses exposent ensuite une analyse à travers les types de lieux cités dans les cartes mentales. Cette « typologie des lieux représentés » nous apprend beaucoup sur des usages différenciés et genrés de la ville. En effet, les femmes représentent précisément plus de lieux que les hommes, et ces lieux sont en grande partie liés aux tâches domestiques : garde des enfants dans les parcs, ou équipements sportifs, centres commerciaux pour les courses familiales. Les transports publics sont également plus empruntés par les femmes que les hommes.

Enfin, l’analyse des cartes mentales a également permis une spatialisation des perceptions de l’espace au travers d’une carte ici plus classique. Sont ainsi représentés les espaces de la commune perçus négativement ou positivement par les femmes puis les hommes. Cette perception ne relève pas simplement du sentiment de sécurité ou d’insécurité. Les différentes annotations dans les cartes mentales permettent de constater une multitude de sensations liées à l’espace : l’aspect esthétique, le climat, les détournements d’usages et enfin le sentiment de sécurité ou non.

L’enquête, qui rassemble à la fois l’analyse des cartes mentales, mais également les observations de terrain ainsi que les entretiens réalisés via le Labo-roulotte, a permis aux deux chercheuses de « prendre la mesure des usages des espaces publics par les femmes et les hommes ». En termes de mobilité (en tant qu’indicateur multiple selon Borja, Courty et Ramadier), ce travail met en évidence la double injonction faite aux femmes de Gennevilliers, entre une mobilité domestique “forcée”( tâches domestiques, garde des enfants, en dehors du foyer) et une « immobilité contrainte » au sein du domicile familial. Les auteures définissent également des « gradients d’appropriation de l’espace » à partir du concept de « coquille » (selon Moles et Rohmer) allant du corps de l’individu jusqu’à la ville. Croisés avec les données de l’enquête, ces gradients permettent de comprendre quel partage de l’espace est fait entre homme et femme, privé et public. Certains lieux apparaissent alors comme des « excroissances du domaine privé », des « entre-soi » ou des lieux « d’attitudes exclusives » et « excluantes ».

En guise de conclusion

Ce qu’il nous semble intéressant de retenir de cet article et de la démarche de recherche présentée par les chercheuses est notamment l’inscription de la méthodologie cartographique dans une recherche-action qui mobilise de façon plus large des outils scientifiques comme des pratiques artistiques, mettant en avant l’importance du processus de recherche et des enjeux de son partage avec les populations concernées. Dans ce sens, on peut souligner l’apport du processus cartographique à l’enquête, outil qui permet de récolter et de produire des données quantitatives et qualitatives, mais également sur le terrain de faciliter un travail AVEC les habitant.e.s, l’enquête cartographique favorisant largement l’aspect participatif de la recherche. Plus spécifiquement, elles démontrent l’efficacité à fixer d’emblée un nombre de variables graphiques restreintes pour qualifier les itinéraires afin de permettre la comparaison et l’établissement de statistiques à partir des cartes mentales, dont la synthèse produit des cartes beaucoup plus “classiques” dans leur représentation, bien qu’elles soient dites “sensibles”.

Discussions et questions avec Lisette Rosales et Mahdokht Karampour

http://psig.huma-num.fr/cartes-sensibles/index.php/2020/05/02/questions-projet-de-recherche-action-a-gennevilliers-la-ville-cote-femmes/

Synthèse_« Maps Telling Stories ? »_Manon PRUD’HOMME & Xinmin Hu

MOCNIK, Franz-Benjamin, FAIRBAIRN, David, « Maps Telling Stories ? », The Cartographic Journal, 2018, Vol.55, n° 1, pp. 36-57.

Franz-Benjamin Mocnik est professeur adjoint à l’université de Twente aux Pays-Bas et diplômé d’un doctorat de l’université technologique de Vienne depuis 2012. Il a effectué ses recherches post-doctorales à l’université de Heidelberg au sein du groupe de recherche du GIScience. Ses recherches se penchent sur ce qui rend l’information géographique, géographique. Quant à David Fairbairn, il est conférencier en géomatiques à l’école d’ingénierie civile et de géosciences de l’université de Newcastle en Angleterre. L’article que nous allons analyser, daté de 2018, se demande dans quelle mesure les cartes conventionnelles peuvent raconter une histoire, comme le ferait un texte narratif. Cet article est composé d’une introduction, de quatre parties principales, elles-mêmes découpées en plusieurs sous-parties et d’une conclusion.

            Dans leur introduction, les deux chercheurs présentent les deux supports de cette recherche : la carte et le texte. Partant du constat que le texte, comme celui d’un guide de voyage, serait plus efficace qu’une carte pour rendre compte des expériences des voyageurs précédents et ainsi, donnerait des descriptions plus précises de certains lieux. Dans un guide de voyage, lorsque le texte est accompagné de cartes, les représentations des expériences dans le temps et l’espace se caractérisent par des symboles et des mots. En effet, le texte permet une plus grande accessibilité aux notions liées au temps tandis que la carte permet une meilleure description spatiale. Ainsi, les chercheurs se demandent s’il est possible de créer des cartes capables de raconter des histoires comme le ferait un texte. Bien que certaines cartes multimédias ou numériques permettent aujourd’hui de raconter des histoires, les chercheurs proposent dans un premier temps de déterminer l’utilité des représentations du texte et de la carte conventionnelle et leurs ressemblances structurelles leur permettant de décrire la réalité. Une seconde partie de l’article propose un nouveau concept permettant de modifier la carte de sorte à ce que les éléments structurels des textes y soient intégrés pour rendre plus accessible les histoires. Une première partie s’intéresse à la représentation de l’espace dans les cartes et les texte. Une deuxième partie interroge le contraste entre les représentation des textes et des cartes à travers les concepts d’échelle, de dimensions, de symboles et de modèles. Puis, une troisième partie s’appuie sur les descriptions textuelles de Robert MacFarlane en guise d’exemple. Enfin, une dernière partie propose un concept, intégrant les propriétés structurelles d’un texte et d’une carte, dénommé « story focus ».

            Mocnik et Fairbairn définissent les représentations comme « des substituts pour, et des transformations de la réalité ». Elles permettent notamment de faire le lien entre notre compréhension et le monde réel. Elles sont également des créations de l’Homme, pour les connaissances l’Homme. Les propriétés d’une carte sont multiples ; la carte est graphique, multi-dimensionnelle et une échelle y est incorporée. Elle permet également d’enrichir une texte. On distingue également les cartes conventionnelles des cartes multi-media qui utilisent un contenu technologique dans la visualisation de l’information géographique. Selon Agnew, l’espace est une construction de l’activité sociologique et politique qui peut être analysée. Le « lieu », est un endroit perçu émotionnellement et doit être au centre de toutes les analyses du comportement spatial. Ainsi, Agnew propose de remplacer les études topographiques par des représentations topologiques pour mieux comprendre le monde. En évoquant les travaux de Duncan & Levy et de Wood, les deux chercheurs montrent les difficultés (voire l’impossibilité) de créer des cartes objectives et réelles en raison des conventions culturelles de chacun d’entre nous.

Le texte quant à lui est définit comme une forme linguistique de communication qui peut être lue. Un texte est ainsi composé de mots, eux-mêmes composés de lettres et formant des phrases. Le texte est classé selon son but et son mode comme la fonction descriptive, narrative ou explicative. Une analyse des possibilités linguistiques d’un texte permet de montrer la manière dont il peut être agrémenté de variables et de différentes caractéristiques comme le rythme, les dialogues, la taille de la police, la couleur etc. Toutes ces variables peuvent par conséquent, influencer le lecteur.

Ainsi, les chercheurs montrent que les représentations permettent de transmettre des idées, des concepts ou des réalités à travers l’utilisation de symboles. Ils expliquent également que les informations transmises grâce aux représentations dépendent d’un contexte. Une analyse de l’état mental du lecteur devrait être analyser. L’impact cognitif sur ce dernier serait variable, il y aurait plusieurs façons d’interpréter l’information donnée même si les modes de communication supposent que les représentations ont une interprétation et un contexte donnés.

            La deuxième partie de l’article est consacrée à l’analyse des aspects structurels de la carte et du texte afin de comprendre les différents aspects de l’information pouvant être transmis. La première différence entre le texte et la carte est la façon dont les symboles et les mots sont arrangés. Le carte établit le lien entre la localisation d’un espace et la carte. La carte est multi-dimensionnelle tandis que le texte ne possède qu’une seule dimension. Un tableau montre les différences entre les deux supports permettant de démontrer que le texte donne une importance au temps, tandis que la carte donne une importance à l’espace. Pour donner un contexte au temps et à l’espace au sein des deux supports, les aspects thématiques sont essentiels mais sont utilisés différemment dans les deux supports. L’échelle permet de représenter l’espace et le temps. Dans le cas d’une carte conventionnelle, l’échelle est fixe. Pour le texte, l’échelle du temps et de l’espace est variable. Cette variabilité est dû  à la différence de dimensionnalité. Les hypothèses dégagées par le texte et la carte diffèrent également selon les représentations. Dans le cas d’une carte, les choses qui ne sont pas représentées ou qui se trouvent en dehors d’un cadre suggèrent qu’il n’existe rien au-delà de ce dernier. Pour le texte en revanche, si quelque chose n’est pas mentionné cela ne veut pas sous-entendre que cela n’existe pas. On assiste alors à un monde d’hypothèses ouvertes dans le cas d’un texte et d’un monde d’hypothèses fermées pour la carte. La réalité dans une carte est organisée en point, lignes ou encore pictogrammes. Leur nombre est limité et organisé grâce à des concepts. À l’inverse du texte, chaque symbole renvoie à un seul concept. En revanche, les relations spatiales dans la carte sont plus implicites grâce aux formes et aux arrangements spatiaux représentés. On lit et perçoit de manière différente les cartes et les textes. La carte, visuelle, donne une vue d’ensemble et permet d’être lue dans son ensemble. À l’inverse, le texte doit être lu de manière linéaire. On comprend ainsi que toutes les représentations sont subjectives car elles sont le produit d’une création humaine et de choix délibérés. Les cartes conventionnelles tendent cependant à être plus objectives que les textes grâce aux descriptions plus précises des lieux présents dans la carte comparé aux descriptions vagues d’un texte. À ce titre, le texte est donc capable de retranscrire l’ambiance d’un lieu permettant au lecteur de ce projeter ; ce qui n’est pas le cas d’une carte. Les représentations sont donc limitées pour décrire le monde réel. Le processus de généralisation d’une carte par exemple conserve les relations topologiques et le sens spatial d’un lieu. Pour le texte, la forme de généralisation (l’extrait) permet de montrer l’importance des concepts. Ainsi, la carte et le texte permettent de représenter la réalité avec une certaine flexibilité.

            Avant les discussions sur l’intégration de la nature des textes vers la cartographie dans la quatrième partie, les auteurs font une distinction entre les fonctionnalités des cartes et des textes dans la troisième partie. Les distinctions entre les textes et les cartes, indiquées par les auteurs à travers les travaux de Macfarlane (2013) et Casey (2002), se retrouvent principalement dans deux aspects : les caractères particuliers de l’usage et de l’effet, dont les différences structurelles au sein des représentations.

Ils soulignent le fait que les textes apportent plus de contenus narratifs sur les lieux, qui permettent de caractériser les endroits avec les histoires et même des sensations locales abstraites. Les cartes, en revanche, montrent une forte capacité à illustrer les interrelations entre différents endroits, soit des relations abstraites, soit des relations géographiques. En raison du caractère narratif, le texte qui possède un filtre plutôt linéaire, à l’égard de la représentation. Il se focalise davantage sur un élément unidimensionnel : le temps. Cependant, les cartes décrivent et de mesurent l’espace, formant ainsi un élément bidimensionnel.

La coopération entre les textes et les cartes se limite à la cartographie multimédia, laquelle se compose de cartes agrémentées de photos, vidéos, etc. Dans cet article les auteurs indiquent que cette approche ne parvient pas à diminuer la séparation entre les textes et les cartes en termes de représentation et de compréhension. Ils proposent ainsi le concept de « story focus » dans la quatrième partie pour intégrer le caractère textuel dans une carte.

Le concept de « story focus » est définit par les auteurs comme un paradigme qui peut rétablir fondamentalement la compréhension des cartes. Pour former une perception générale sur les cartes le « story focus », l’article se concentre sur les contenus actuels des cartes et sur l’aspect abstrait produit dans les cartes. Afin de raconter une histoire dans les cartes, il est nécessaire de les changer auprès du développement du temps, lequel est normalement chargé par les textes. Les éléments qui peuvent être représentés auprès du développent du temps incluent les cartes multicouches, le niveau des détails, l’échelle et la précision, les émotions et les sensations etc. L’exemple donné est la hauteur de marée sur la côte, dont le changement est potentiellement important sur l’histoire que nous allons raconter. L’idée est que les cartes peuvent présenter les données en série, avec un temps donné différent.

Un autre point concernant les contenus est que la priorité conventionnelle des relations spatiales dans la cartographie doit être diminuée. En représentation dans les cartes, pour se focaliser sur les histoires (ou « contenus narratifs »), les auteurs nous proposent d’assigner plus exactement les informations qui aident à raconter l’histoire plutôt que simplement les relations spatiales.

Ensuite, la subjectivité est aussi une nature soulignée dans l’article pour le concept « story focus ». L’article discute de la focalisation, l’échelle et la symbolisation. L’emphase sur les informations non-spatiales rend libre la représentation de la subjectivité dans les cartes, qui était limitée par la structure spatiale depuis longtemps. En incluant les interactions sociales et les perceptives personnelles, les cartes « story focus » doivent nous rendre une vision subjective d’une certaine personne, par l’arrière-plan culturel d’un évènement, des quartiers autour de cette personne, même l’aura (nimbe) des autres personnes qui sont autour de lui. Cependant, la flexibilité de l’échelle nous permet de représenter les informations thématiques en volume sélectionnées librement et selon des niveaux de précision plus souples. Au lieu de représenter les informations statistiques, il est possible de symboliser les émotions vers les quartiers ou les rues, pour ajouter de la subjectivité dans les cartes.

Selon l’article, l’expressivité est un aspect aussi important au sein des cartes « story focus ». Avec les ajustements structurels des cartes, l’expressivité augmente. L’un suppose un monde-ouvert, qui ne cherche pas à représenter tous les détails d’un quartier, mais capture les caractères cruciaux. L’autre décrit l’atmosphère d’un endroit où une histoire se passe. Le changement de style des cartes se consacre à représenter les statuts émotionnels des lieux.

En conclusion, malgré les limites narratives naturelles des cartes et en comparant les textes, les auteurs indiquent que la communication entre les lecteurs et les cartes, rendue par les cartes « story focus » peut devenir plus efficace et plus interactive. En même temps, le concept de création, les cartes « story focus » restent à explorer davantage avec l’intégration des autres formats (créatifs ou numériques).

Synthèses Fabricio Villamil & Mathieu longlade

Alenka Poplin (2017) Cartographies of Fuzziness: Mapping Places and

Emotions, The Cartographic Journal, 54:4, 291-300, DOI: 10.1080/00087041.2017.1420020

SYNTHÈSE

Alenka Poplin est professeure dans l’Iowa State University, elle est fondatrice de GeoGames Lab, elle travaille sur la géolocalisation, des cartes online et GIS basées sur des lieux. Dans ce texte, dès l’introduction, l’auteur explique la difficulté pour récupérer des données sur les émotions et pour pouvoir les représenter sur des cartes. Ainsi, comme un manque d’informations sur les émotions liées aux lieux dans les recherches actuelles. En effet, différentes études ont fait des efforts pour mesurer des émotions en analysant les réponses galvaniques de la peau (GSR), c’est à dire les changements de sueur, méthode qui paraissent  insuffisants pour une tâche si complexe.

Les expériences liées aux lieux doivent être étudiées avec une interaction plus forte avec les acteurs et des échelles beaucoup plus ouvertes. Cette recherche utilise l’échelle de Russell (1980) « Circumplex Model of Affect » qui est inspirée du  modèle circulaire des expressions faciales de Schlosberg (1952). Ce modèle se compose en deux axes croisés : l’axe horizontal Est-Ouest est celui du plaisir-déplaisir et l’axe verticale Nord-Sud est celui de l’hyper excitation-sommeil. Il y a aussi 4 dimensions dans les intersections : Nord-Ouest détresse, Nord-Est excitation, Sud-Est contentement, Sud-Ouest dépression.

Les systèmes d’informations géographiques (GIS) classiques peuvent garder les données des objets bien délimités mais pas des objets en constant changement comme des forêts ou des lacs et même pas des lieux qui dépendent de descriptions et de représentations personnelles comme « le centre-ville ».

Donc il faut insister dans la création de systèmes d’information géographiques qui puissent se localiser en gardant les notions sociales totales sur les lieux, c’est à dire mieux stocker l’information dans le cadre de la dichotomie qualitative-quantitative. Ce document est une contribution à cette tâche en se focalisant sur « les lieux de pouvoir » (power places)

Pour l’auteur les lieux de pouvoir sont là où les personnes peuvent aller se recharger et se relaxer dans le cadre d’une quotidienneté stressante. Ils peuvent aussi évoquer différentes émotions et peuvent se localiser à l’intérieur comme à l’extérieur. Les interrogations principales de cette recherche sont sur la localisation et les descriptions de ces lieux, ainsi comme les descriptions sur les émotions liées aux lieux. 

L’expérience qui a été conduite s’est faite sur deux villes, Hambourg en Allemagne et Ames aux Etats-Unis. La première est une ville de 2 millions d’habitants et la deuxième une ville universitaire de 62 000 habitants et les enquêtés sont des étudiants. La ville d’Hambourg a eu 101 participants et celle de Ames 72 participants  Cette étude est menée à l’aide d’une carte représentant la ville, un questionnaire imprimé et une liste d’émotions. Le même dispositif a été mis en ligne pour la ville d’Ames. Après explication du concept de lieux de pouvoir les étudiants ont placé leurs lieux de pouvoir sur la carte en les décrivant sur le questionnaire. Les catégories principales du questionnaires incluent la localisation des lieux de pouvoir, leurs caractéristiques, les émotions que l’on y ressent, les modes de transports pour l’atteindre, la possibilité d’esquisser ce lieu ainsi que les informations de genre et d’âge des participants.

Il a été demandé aux étudiants de n’indiquer que les lieux à l’extérieur et publics. L’enquête parvient à dénombrer 191 lieux de pouvoir pour la ville de Hambourg et 136 pour la ville d’Ames. La principale catégorie relevée est celle des parcs et des espaces verts. La deuxième étant celle des espaces à l’intérieur de bâtiments tels que les restaurants ou les magasins. 

Les mots et expressions utilisés par les enquêtés ont été rassemblés dans sept différentes catégories telles que : expérience, atmosphère, infrastructure, vert, eau, activité et objets.  Un tableau résume les principales catégories de la descriptions, le nombre de descriptions de chaque catégories et le pourcentage de toutes les descriptions sélectionnées dans la ville. A Hambourg se suivent l’atmosphère (27.2%), l’expérience (21.5%) et l’eau (18.3%) alors qu’à Ames  c’est l’expérience (31%), l’atmosphère (23%) et l’infrastructure (20.5%). Un deuxième tableau résume les émotions utilisées pour identifier les lieux de pouvoirs. Cela avec un pourcentage des mots utilisés par les enquêtés pour identifier ces espaces.  Puis, afin d’améliorer la compréhension de ces données il a été utilisé le Modèle Circomplexe de l’Affect de Russel pour localiser sur un repère les mots utilisés pour chaque ville. Un repère a été fait pour Hambourg et un autre pour Aimes

Cette expérience possède des limites méthodologiques qui sont partagées par l’auteur. L’utilisation du GIS requiert l’insertion de données précises pour localiser les espaces étudiés. Dans l’étude ces espaces sont représentés par des points. Toutefois, la précision de la localisation de ces espaces n’est pas importante car les mêmes émotions peuvent être ressenties proches de cet espace. De plus il est difficile de définir la localisation exacte d’un espace, c’est à dire là où il commence et où il se termine. L’importance selon l’article est de s’intéresser à la manière dont ils sont perçus, mémorisés et expérimentés. Des lieux de pouvoirs peuvent également être cartographiés en tant que point, faisant références à un banc ou une voie de piétonne. Enfin, concernant les structures de l’affect ou de l’expression des émotions des différences culturelles ont été observées entre étudiants américains et allemands. Cela s’observe sur le repère créé précédemment sur l’axe plaisir-éveil davantage utilisé par les étudiants américains. 

Questions – Projet de recherche-action à Gennevilliers : « La ville côté femmes »

Par Lisette Rosales et Mahdokht Karampour

1) En plus des données telles que l’âge, le sexe, le district de résidence ou de travail, existe-t-il d’autres éléments clés à prendre en considération pour l’interprétation de la carte ?

Commentaire: Selon Lissette deux des éléments clés qui ne sont pas mentionnés dans le texte, qui ont peut-être été envisagés et non mentionnés, sont l’origine ou le contexte familial et le statut migratoire. En tant que migrant, je pense qu’il existe une forte relation entre la culture dans laquelle vous grandissez et la relation avec l’espace, par exemple, au Mexique, les gens regrettent l’utilisation de la rue pour les loisirs, principalement pour les enfants, qui offrait un lieu sûr pour les mères en laissant leurs enfants vivre avec d’autres enfants et en leur permettant de prendre un peu plus de temps pour leurs propres occupations, la rue est aujourd’hui souvent un lieu de suspicion et d’insécurité, principalement pour les femmes en raison du contexte des féminicides au niveau national. Je suppose que les contextes familiaux d’origine, ils indiquent la tendance de la façon de vivre ou non l’espace public, dans un pays comme la France et dans une ville comme Paris, me semble un élément très intéressant à considérer.

2) Selon les auteures, les femmes utilisent davantage l’espace public en raison des activités qu’il faut développer en fonction des rôles sociaux de genre, mais d’une manière générale l’expérience devient négative. Pour vous, quelle serait une possibilité d’action pour renverser cette tendance ?

3) Vu que le projet mis en place est une recherche-action, d’après vous quels sont ses attraits éducatifs, aussi bien pour les femmes que pour les hommes? Quel impact préventif ? Quel impact social? Comment ce projet répond à cette fonction évoquée de « la recherche action conçue comme un outil de citoyenneté » ? 

Femmes->Comment à travers une cartographie les femmes qui y ont participé et contribué pourront « aller au-delà d’un simple relevé physique des déplacements » et « agir sur leur espace », « agir sur leur propre personne »?

Hommes->Comment sensibiliser les hommes à cette question ? Comment partager cette « perception de l’Autre » primordiale afin de mettre en lumière les “comportements de domination et d’évitement d’ordre spatial » ? Comment impliquer les hommes ?

Est-ce que cela pourrait se produire uniquement par la cartographie si ce n’est pas accompagnée par d’autres actions éducatives et préventives complémentaires ?

4) Comment le dispositif de cartographie mentale pourrait favoriser des objectifs abordés comme interroger les stéréotypes et des rapports sociaux de sexe? Qu’est-ce que le projet propose justement pour « défaire des rapports de domination existants », pour appeler « à la remise en cause des certitude », et « laisser la trace d’un apprentissage commun et réciproque enrichissant » comme évoqués dans les dernières lignes en conclusion?

5) Comme évoqué dans le texte parmi les objectifs, comment «faire de cette question une cause commune à l’ensemble de la population sans limite de genre »? Quel « regard collectif » serait possible ? 

Référence d’article:

 Luxembourg, C. & Messaoudi, D. (2016). Projet de recherche-action à Gennevilliers : « La ville côté femmes ». Recherches féministes, 29 (1), 129–146. https://doi.org/10.7202/1036673ar

Synthèse: Mahdokht Karampour /Lissette Rosales

Synthèse: Sentir et ressentir Paris. L’exemple du quai du RER B à Châtelet-les Halles de Lucile Grésillon

Mahdokht Karampour /Lissette Rosales

L’auteure met en place un dialogue avec les neurosciences pour développer un axe de la recherche géographique à partir de l’étude de cas située à la station du RER, Châtelet-Le Halles, à Paris. En ce sens, elle commence par exposer la signification polysémique en français du verbe «sentir» , qu’elle décrit comme : « Au sens concret, il signifie l’action de percevoir olfactivement ou tactilement un objet ou une personne. Au sens abstrait, il insiste sur le fait de percevoir une action, quelque chose ou quelqu’un (« je le sens mal ») ou d’être dans un état de bien-être («
je me sens bien ») » (Grésillon, 2013).

Ainsi, l’auteure développe deux branches par rapport au sentiment, le domaine de la sensorialité et également celle de la sensibilité, en explorant l’espace depuis l’odorat et en mettant en évidence les expériences de plaisir ou de dégoût vécues par les usagers des transports publics à Paris.

L’auteure met ensuite en discussion deux aspects qui font partie du processus d’institutionnalisation de la géographie en tant que discipline scientifique à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle : le premier, la recherche de l’objectivité fondée sur une séparation nette entre la sensibilité et l’analyse scientifique; et le second est lié au fait que, dans l’observation scientifique, on privilégie la vue comme principal moyen de captation de l’information en laissant de côté d’autres sens comme l’odorat, le toucher ou le goût.
Avec le développement ultérieur de la géographie ont émergé des positions qui ont dépassé ces limites, l’une des plus importantes peut être observée à l’arrivée de la phénoménologie avec les propositions d’Erik Dardel, où le tournant épistémologique se concentre sur l’observation de la relation entre le sujet et l’objet depuis l’émotionnel, le multisensoriel et l’hédoniste, dépassant les visions qui séparent l’objet du sujet et se concentrent uniquement sur l’interaction de ses propriétés.
Ce travail, est basé sur les perspectives de la géographie de la perception et la géographie des représentations. La première considère le paysage comme un réseau de significations qui est compris de différentes manières par des individus ou des groupes, et la seconde définit l’espace comme une construction sociale, et donc une représentation qui peut être lue à travers les caractéristiques structurelles et fonctionnelles de l’espace. À partir de ces deux perspectives, l’auteure propose d’enrichir le travail géographique en intégrant le sens de l’odorat en ce qui concerne les aspects liés aux neurosciences et les perceptions de plaisir et de dégoût depuis la psychologie à partir d’un lieu.

En ce qui concerne l’étude de cas, l’auteur fait une description concrète de la gare Châtelet- Les Halles, construite en 1977 et constituée comme l’une des plus grandes liaisons des transports publics parisiens. Sa construction la caractérise comme un trou de 25 mètres de profondeur, ce qui présente des difficultés pour sa ventilation puisqu’elle n’est pas ouverte au ciel. Son analyse est centrée sur le voué à la ligne de RER B direction Saint-Rémy-Lès- Chevreuse sur un côté, et au RER A direction Marne-la-Vallée-Chessy sur l’autre, où circulent près de 800 000 personnes par jour.

Sous l’observation personnelle de la chercheuse, celle-ci souligne la présence de fauteuils bleus, de distributeurs automatiques, d’un sol noir et sale où l’on observe du chewing-gum, accompagnés par les bruits des freins des trains, les messages audio et les voix des utilisateurs et l’entrée de faible luminosité. En ce qui concerne l’odeur, elle remarque la présence de sulfure d’hydrogène, qui rappelle le souvenir des bains universitaires.

Alors l’odeur devient l’objet d’investigation géographique. L’objectif principal de la chercheuse est d’évaluer la sensibilité olfactive des passagers et leurs vécus de l’attente. L’hypothèse principale est que l’odeur est un facteur fondamental dans la composition du lien établi entre l’individu et le lieu. L’odeur devient alors une clé pour saisir le vécu et le perçu sensibles de ceux qui pratiquent quotidiennement cet espace de transition. 

Les questionnaires sont alors de nature in situ dans un espace clos de transport de masse, et brefs, pour correspondre à un espace de transit marqué par une attente courte. La méthode choisie est l’entretien, ce qui facilite l’évocation rapide des perceptions olfactives et qui favorise l’élaboration des idées grâce à une confiance établie. Lors de l’entretien l’âge, le sexe et la fréquence de l’usage du quai sont interrogés. 

Trois questions sont posées. La première : « Est-ce que ça sent ? » Si la réponse est positive la deuxième question la suit « qu’est-ce que ça sent ? » Ensuite, « Qu’est-ce que ça vous évoque ? » L’intérêt des deux premières questions est de pouvoir comparer la perception des usagers. La dernière question démontre les représentations et les vécus de chaque passager pendant l’attente au quai. Dans le cadre global de ce projet de recherche cette dernière question traite la modalité du bien-être de chaque usager. L’échantillon défini devrait correspondre à la composition réelle de la population qui pratique ce lieu, alors 60% d’hommes et 40% de femmes, 30% de 15-24 ans, 30% de 25-34 ans, 30% de 35-54 ans et 10% de 55 ans et plus, enfin 20% de voyageurs occasionnels avec un usage d’au moins d’une fois par mois. Le moment de l’enquête devrait également être conforme, en fonction des saisons et de la fréquentation du quai. Ceci permet d’évaluer les facteurs de température, d’intensité et de diversité des odeurs et d’illustrer les différences entre l’été et l’hiver.  La régularité de la fréquentation est étudiée selon différentes périodes de la journée, l’heure creuse ou pleine afin de mesurer le stress. Enfin les questionnaires en été effectués seulement en semaine pour correspondre à la routine et au ressenti quotidien de chaque individu. 

Au total 109 questionnaires ont été effectués, 11 non analysés. Les réponse à la question « Qu’est-ce que ça sent ? » ont été très diverses et distinctes. Sur 99 questionnaires 57 odeurs différentes ont été évoquées. Seules 19 odeurs sont partagées telles « la pisse », « un mélange d’odeur » etc. D’après l’auteure le fait étonnant est que le parfum Madeleine à la fragrance de muguet qui est réellement utilisé dans cet espace  depuis 1999 n’a jamais été évoqué. Sur 99 questionnaires, 28 usagers font des analogies entre cet endroit et d’autres endroits par l’aspect clos comme « grotte ».  Une analogie à d’autres types d’endroits s’est également produite à cause du dégoût que l’odeur ressentie a provoqué, comme « local poubelle ». De ce fait, nous apprenons que les modes d’identification des odeurs se font par analogie, par comparaison, et par d’autres modes de perception.

Par conséquent la chercheuse a également été amené à évaluer la « tonalité hédonique » relevée, par phrases et adjectifs. L’évolution hédonique de ce lieu est donc majoritairement négative. Sur 38 items, 23 étaient de tonalité négative comme la phrase « ça pue ». Tandis qu’il y avait aussi quelques cas de l’évolution hédonique positives comme « agréable » et « plaisant ». 

En raison du « caractère complexe et multifactoriel de l’olfaction » et face au manque des pistes de comparaison, il a été décidé que le corpus d’entretiens soit traité par un logiciel d’analyse textuel, Alceste, fondé sur une statistique de mots facilitant le rapprochement des individus et la création de groupes afin d’arriver à structurer des typologies d’usagers selon leur sensibilité olfactive. Alors les usagers se répartissent en 6 figures regroupées en deux types de sensibilité olfactive : Le premier type, sensibilité peu développée, valable pour ceux chez qui l’odeur a moins d’importance, ou bien à cause d’une olfaction peu cultivée. Majoritairement homme, ils identifient très peu les odeurs d’une manière qualitative, souvent par analogie à un lieu ou par une sensation. Cela comporte 3 types : Un premier groupe chez qui la contribution de l’odeur se trouve presque positive car ils évoquent des événements vécus paisiblement. Puis la deuxième figure regroupe des hommes entre 25 et 34 ans qui donnent aux odeurs de quai une valeur légèrement négative. Pourtant chez eux l’attente n’est toujours pas forcement un espace-temps de bien-être. Enfin le troisième groupe, usagers entre 35 et 54 ans qui fréquentent le quai 1 fois par mois et qui arrivent à relativiser. Ils ne vivent pas l’attente mal. Le deuxième type, doté au contraire d’une sensibilité olfactive aiguisée est constitué majoritairement de femmes et comporte trois figures : La première, composée de jeunes femmes entre 15 et 24 ans, chez qui les ressentis se relèvent très négatifs et la fréquentation du quai leur paraît un moment émotionnellement difficile. La deuxième figure s’agit des personnes ayant plus de 55 ans, identifiant les odeurs très précisément. La présence est donc vécue d’une manière désagréable. Enfin la dernière figure composée de femmes âgées de plus de 55 ans qui donnent une évaluation hédonique faiblement négative.

Enfin nous arrivons à plusieurs conclusions : Nous décrivons une odeur non pas par sa qualité mais par sa source supposée et par une évaluation hédonique, une analogie ou par un recours aux souvenirs autobiographiques. Les facultés olfactives dépendent donc non seulement des capacités des récepteurs olfactifs qui sont innés et varient d’un individu à l’autre, mais aussi de l’importance que l’on y accorde. En somme, la sensorialité est propre à chaque individu et dépend non seulement de son patrimoine génétique mais aussi de son vécu, de la part psychologique et sociale du sujet, et de son acquis.

Comme évoqué par la chercheuse, ce dialogue instauré avec la neuroscience a permis de démontrer une fois de plus la complexité de l’interaction entre l’humain et son environnement en essayant de dépasser une vision naturaliste sur ce sujet. Cette étude confirme que saisir la sensibilité olfactive de chaque individu demeure complexe et délicate car cela touche à la part intime et subjective du sujet. De ce fait, elle affirme également cette difficulté rencontrée par les géographes dans le traitement de l’aspect olfactif d’un paysage.

Référence électronique

Lucile Grésillon, « Sentir et ressentir Paris. L’exemple du quai du RER B à Châtelet-les Halles », Norois[En ligne], 227 | 2013, mis en ligne le 30 juin 2015, consulté le 01 mai 2019. URL : http:// journals.openedition.org/norois/4637 ; DOI : 10.4000/norois.4637

Questions/Remarques – Alba Perset et Manon Prud’homme

Nous n’avions pas vraiment de questions à propos de l’exposé ou du texte en lui-même puisque les deux étaient très clairs et accessibles. En revanche, nous avions souhaité souligner les points forts de ce texte.

Alba : Le premier point fort de ce texte est sa construction, plutôt scolaire lui permettant de vulgariser le domaine de la neurophysiologie olfactive et de le rendre accessible à tous les publics. Nous avions également remarqué que l’analyse géographique par le sensible, c’est-à-dire l’interaction entre le sujet et l’objet ainsi que l’analyse de la dimension charnelle, rendaient l’article particulièrement accessible.

Manon : Nous avons également remarqué que le modèle proposé par la chercheuse étaient intéressant. En effet, ce dernier était transposable à d’autres sujets; faisant de lui un article scientifique de qualité et utile à des chercheurs qui mènent des enquêtes sur le terrain. En revanche, nous avons regretté la forme trop textuelle de l’article. Un tableau aurait peut-être permis au lecteur de rester attentif et de mieux comprendre les réponses apportées au questionnaire que la chercheuse a fait.

De manière générale, nous avons trouvé ce texte utile et intéressant. Le domaine des neurosciences a pu nous être présenté d’une manière originale, à travers un lieu que nous connaissons et que nous fréquentons. La méthode d’analyse proposée par la chercheuse a fait écho à nos recherches, pourtant très éloignées du domaine des neurosciences.