MOCNIK, Franz-Benjamin, FAIRBAIRN, David, « Maps Telling Stories ? », The Cartographic Journal, 2018, Vol.55, n° 1, pp. 36-57.
Franz-Benjamin Mocnik est professeur adjoint à l’université de Twente aux Pays-Bas et diplômé d’un doctorat de l’université technologique de Vienne depuis 2012. Il a effectué ses recherches post-doctorales à l’université de Heidelberg au sein du groupe de recherche du GIScience. Ses recherches se penchent sur ce qui rend l’information géographique, géographique. Quant à David Fairbairn, il est conférencier en géomatiques à l’école d’ingénierie civile et de géosciences de l’université de Newcastle en Angleterre. L’article que nous allons analyser, daté de 2018, se demande dans quelle mesure les cartes conventionnelles peuvent raconter une histoire, comme le ferait un texte narratif. Cet article est composé d’une introduction, de quatre parties principales, elles-mêmes découpées en plusieurs sous-parties et d’une conclusion.
Dans leur introduction, les deux chercheurs présentent les deux supports de cette recherche : la carte et le texte. Partant du constat que le texte, comme celui d’un guide de voyage, serait plus efficace qu’une carte pour rendre compte des expériences des voyageurs précédents et ainsi, donnerait des descriptions plus précises de certains lieux. Dans un guide de voyage, lorsque le texte est accompagné de cartes, les représentations des expériences dans le temps et l’espace se caractérisent par des symboles et des mots. En effet, le texte permet une plus grande accessibilité aux notions liées au temps tandis que la carte permet une meilleure description spatiale. Ainsi, les chercheurs se demandent s’il est possible de créer des cartes capables de raconter des histoires comme le ferait un texte. Bien que certaines cartes multimédias ou numériques permettent aujourd’hui de raconter des histoires, les chercheurs proposent dans un premier temps de déterminer l’utilité des représentations du texte et de la carte conventionnelle et leurs ressemblances structurelles leur permettant de décrire la réalité. Une seconde partie de l’article propose un nouveau concept permettant de modifier la carte de sorte à ce que les éléments structurels des textes y soient intégrés pour rendre plus accessible les histoires. Une première partie s’intéresse à la représentation de l’espace dans les cartes et les texte. Une deuxième partie interroge le contraste entre les représentation des textes et des cartes à travers les concepts d’échelle, de dimensions, de symboles et de modèles. Puis, une troisième partie s’appuie sur les descriptions textuelles de Robert MacFarlane en guise d’exemple. Enfin, une dernière partie propose un concept, intégrant les propriétés structurelles d’un texte et d’une carte, dénommé « story focus ».
Mocnik et Fairbairn définissent les représentations comme « des substituts pour, et des transformations de la réalité ». Elles permettent notamment de faire le lien entre notre compréhension et le monde réel. Elles sont également des créations de l’Homme, pour les connaissances l’Homme. Les propriétés d’une carte sont multiples ; la carte est graphique, multi-dimensionnelle et une échelle y est incorporée. Elle permet également d’enrichir une texte. On distingue également les cartes conventionnelles des cartes multi-media qui utilisent un contenu technologique dans la visualisation de l’information géographique. Selon Agnew, l’espace est une construction de l’activité sociologique et politique qui peut être analysée. Le « lieu », est un endroit perçu émotionnellement et doit être au centre de toutes les analyses du comportement spatial. Ainsi, Agnew propose de remplacer les études topographiques par des représentations topologiques pour mieux comprendre le monde. En évoquant les travaux de Duncan & Levy et de Wood, les deux chercheurs montrent les difficultés (voire l’impossibilité) de créer des cartes objectives et réelles en raison des conventions culturelles de chacun d’entre nous.
Le texte quant à lui est définit comme une forme linguistique de communication qui peut être lue. Un texte est ainsi composé de mots, eux-mêmes composés de lettres et formant des phrases. Le texte est classé selon son but et son mode comme la fonction descriptive, narrative ou explicative. Une analyse des possibilités linguistiques d’un texte permet de montrer la manière dont il peut être agrémenté de variables et de différentes caractéristiques comme le rythme, les dialogues, la taille de la police, la couleur etc. Toutes ces variables peuvent par conséquent, influencer le lecteur.
Ainsi, les chercheurs montrent que les représentations permettent de transmettre des idées, des concepts ou des réalités à travers l’utilisation de symboles. Ils expliquent également que les informations transmises grâce aux représentations dépendent d’un contexte. Une analyse de l’état mental du lecteur devrait être analyser. L’impact cognitif sur ce dernier serait variable, il y aurait plusieurs façons d’interpréter l’information donnée même si les modes de communication supposent que les représentations ont une interprétation et un contexte donnés.
La deuxième partie de l’article est consacrée à l’analyse des aspects structurels de la carte et du texte afin de comprendre les différents aspects de l’information pouvant être transmis. La première différence entre le texte et la carte est la façon dont les symboles et les mots sont arrangés. Le carte établit le lien entre la localisation d’un espace et la carte. La carte est multi-dimensionnelle tandis que le texte ne possède qu’une seule dimension. Un tableau montre les différences entre les deux supports permettant de démontrer que le texte donne une importance au temps, tandis que la carte donne une importance à l’espace. Pour donner un contexte au temps et à l’espace au sein des deux supports, les aspects thématiques sont essentiels mais sont utilisés différemment dans les deux supports. L’échelle permet de représenter l’espace et le temps. Dans le cas d’une carte conventionnelle, l’échelle est fixe. Pour le texte, l’échelle du temps et de l’espace est variable. Cette variabilité est dû à la différence de dimensionnalité. Les hypothèses dégagées par le texte et la carte diffèrent également selon les représentations. Dans le cas d’une carte, les choses qui ne sont pas représentées ou qui se trouvent en dehors d’un cadre suggèrent qu’il n’existe rien au-delà de ce dernier. Pour le texte en revanche, si quelque chose n’est pas mentionné cela ne veut pas sous-entendre que cela n’existe pas. On assiste alors à un monde d’hypothèses ouvertes dans le cas d’un texte et d’un monde d’hypothèses fermées pour la carte. La réalité dans une carte est organisée en point, lignes ou encore pictogrammes. Leur nombre est limité et organisé grâce à des concepts. À l’inverse du texte, chaque symbole renvoie à un seul concept. En revanche, les relations spatiales dans la carte sont plus implicites grâce aux formes et aux arrangements spatiaux représentés. On lit et perçoit de manière différente les cartes et les textes. La carte, visuelle, donne une vue d’ensemble et permet d’être lue dans son ensemble. À l’inverse, le texte doit être lu de manière linéaire. On comprend ainsi que toutes les représentations sont subjectives car elles sont le produit d’une création humaine et de choix délibérés. Les cartes conventionnelles tendent cependant à être plus objectives que les textes grâce aux descriptions plus précises des lieux présents dans la carte comparé aux descriptions vagues d’un texte. À ce titre, le texte est donc capable de retranscrire l’ambiance d’un lieu permettant au lecteur de ce projeter ; ce qui n’est pas le cas d’une carte. Les représentations sont donc limitées pour décrire le monde réel. Le processus de généralisation d’une carte par exemple conserve les relations topologiques et le sens spatial d’un lieu. Pour le texte, la forme de généralisation (l’extrait) permet de montrer l’importance des concepts. Ainsi, la carte et le texte permettent de représenter la réalité avec une certaine flexibilité.
Avant les discussions sur l’intégration de la nature des textes vers la cartographie dans la quatrième partie, les auteurs font une distinction entre les fonctionnalités des cartes et des textes dans la troisième partie. Les distinctions entre les textes et les cartes, indiquées par les auteurs à travers les travaux de Macfarlane (2013) et Casey (2002), se retrouvent principalement dans deux aspects : les caractères particuliers de l’usage et de l’effet, dont les différences structurelles au sein des représentations.
Ils soulignent le fait que les textes apportent plus de contenus narratifs sur les lieux, qui permettent de caractériser les endroits avec les histoires et même des sensations locales abstraites. Les cartes, en revanche, montrent une forte capacité à illustrer les interrelations entre différents endroits, soit des relations abstraites, soit des relations géographiques. En raison du caractère narratif, le texte qui possède un filtre plutôt linéaire, à l’égard de la représentation. Il se focalise davantage sur un élément unidimensionnel : le temps. Cependant, les cartes décrivent et de mesurent l’espace, formant ainsi un élément bidimensionnel.
La coopération entre les textes et les cartes se limite à la cartographie multimédia, laquelle se compose de cartes agrémentées de photos, vidéos, etc. Dans cet article les auteurs indiquent que cette approche ne parvient pas à diminuer la séparation entre les textes et les cartes en termes de représentation et de compréhension. Ils proposent ainsi le concept de « story focus » dans la quatrième partie pour intégrer le caractère textuel dans une carte.
Le concept de « story focus » est définit par les auteurs comme un paradigme qui peut rétablir fondamentalement la compréhension des cartes. Pour former une perception générale sur les cartes le « story focus », l’article se concentre sur les contenus actuels des cartes et sur l’aspect abstrait produit dans les cartes. Afin de raconter une histoire dans les cartes, il est nécessaire de les changer auprès du développement du temps, lequel est normalement chargé par les textes. Les éléments qui peuvent être représentés auprès du développent du temps incluent les cartes multicouches, le niveau des détails, l’échelle et la précision, les émotions et les sensations etc. L’exemple donné est la hauteur de marée sur la côte, dont le changement est potentiellement important sur l’histoire que nous allons raconter. L’idée est que les cartes peuvent présenter les données en série, avec un temps donné différent.
Un autre point concernant les contenus est que la priorité conventionnelle des relations spatiales dans la cartographie doit être diminuée. En représentation dans les cartes, pour se focaliser sur les histoires (ou « contenus narratifs »), les auteurs nous proposent d’assigner plus exactement les informations qui aident à raconter l’histoire plutôt que simplement les relations spatiales.
Ensuite, la subjectivité est aussi une nature soulignée dans l’article pour le concept « story focus ». L’article discute de la focalisation, l’échelle et la symbolisation. L’emphase sur les informations non-spatiales rend libre la représentation de la subjectivité dans les cartes, qui était limitée par la structure spatiale depuis longtemps. En incluant les interactions sociales et les perceptives personnelles, les cartes « story focus » doivent nous rendre une vision subjective d’une certaine personne, par l’arrière-plan culturel d’un évènement, des quartiers autour de cette personne, même l’aura (nimbe) des autres personnes qui sont autour de lui. Cependant, la flexibilité de l’échelle nous permet de représenter les informations thématiques en volume sélectionnées librement et selon des niveaux de précision plus souples. Au lieu de représenter les informations statistiques, il est possible de symboliser les émotions vers les quartiers ou les rues, pour ajouter de la subjectivité dans les cartes.
Selon l’article, l’expressivité est un aspect aussi important au sein des cartes « story focus ». Avec les ajustements structurels des cartes, l’expressivité augmente. L’un suppose un monde-ouvert, qui ne cherche pas à représenter tous les détails d’un quartier, mais capture les caractères cruciaux. L’autre décrit l’atmosphère d’un endroit où une histoire se passe. Le changement de style des cartes se consacre à représenter les statuts émotionnels des lieux.
En conclusion, malgré les limites narratives naturelles des cartes et en comparant les textes, les auteurs indiquent que la communication entre les lecteurs et les cartes, rendue par les cartes « story focus » peut devenir plus efficace et plus interactive. En même temps, le concept de création, les cartes « story focus » restent à explorer davantage avec l’intégration des autres formats (créatifs ou numériques).