Cette carte collaborative a été discutée, conçue et réalisée à distance par trois personnes lors de deux sessions de travail autour d’un salon virtuel mis à disposition. Lors de la première étape, chacune s’est rappelé les cartes individuelles du confinement des autres : M. a dessiné les personnes avec qui elle avait des échanges directs, J. s’est plutôt concentrée sur son rapport à l’espace intérieur et F. a suivi les modifications de son balcon et de son quartier depuis son étage, sous forme de tableau et photos. Les méthodes graphiques utilisées sont donc assez diverses (photographies, plan, tableau de données, portraits).
Elles se proposent de rassembler ce que chacune a souhaité exprimer dans ses cartes, en se donnant pour cadre commun le salon virtuel autour duquel elles sont rassemblées. Etant dans des régions de France éparses, elles optent pour un rapprochement non géographique de leurs situations, qui s’articulent autour de ce lieu virtuel. Alors comment mettre en commun ?
Elles esquissent de suivre le protocole de construction d’une carte explicité en séance précédemment, comme piste pour concevoir cette carte collaborative. Mais ce sera finalement en dessinant chacune sa perception du confinement des autres : il leur semble que cela leur permettrait de sortir de leur propre perception autocentrée de cette situation en essayant de se projeter dans l’espace de l’autre, face au regard qui s’émousse sur notre propre quotidien peut être.
Pour entreprendre de dessiner chacune ce qu’elles perçoivent, comprennent et imaginent de la situation de confinement des autres, elles échangent oralement des précisions sur leur cartographie individuelle et sur leur contexte de vie actuelle (pièce, type de logement, quartier, ville, région). Le besoin de définir une légende commune de ce qui doit être représenté est évoqué mais celle-ci naitra finalement de la confrontation des dessins de chacune rapprochés. La tentative est donc de faire émerger une forme commune du croisement des dessins effectués individuellement selon la même « règle du jeu ». Il s’agissait de démultiplier les points de vues : trois regards sur trois lieux et avec trois modalités graphiques, qui devraient se combiner dans leur possibilités et peut être prendre le relais de leurs limites. Une organisation en trois niveaux de perception et de proximité apparaît ainsi dans la discussion : le salon virtuel, la pièce où elles se trouvent pour la réunion et leur domicile avec son environnement.
L’outil de dessin collaboratif n’est pas utilisé lors de cette première session. Chacune des collaboratrices dessine individuellement sur du papier tout en restant connectée, à regarder régulièrement son écran d’ordinateur où sont visibles les autres et à leur demander des précisions sur ce qu’elles voient de leur coté ou ce qui les entourent. A la fin de cette première étape, chacune montre aux autres ses dessins. J. a commencé par dessiner les plans des espaces où se trouvent ses interlocutrices, ainsi qu’une axonométrie de situation de leur logement. M. a dessiné les écrans du salon virtuel de chacune et F. a opéré une figuration plus analytique qui schématise les lieux et les relations entre eux.
Lors d’un échange intermédiaire par mail, les dessins scannés de chacune sont mis en commun à l’aide d’un dossier drive. Apparait pour M. que chacune a une échelle de représentation privilégiée correspondant à l’un des trois niveaux. Avant la seconde session de travail collectif, F. rebondie également à propos de ces trois niveaux qui forment des échelles spatiales emboitées et la nécessité de définir des coordonnées à la carte. Un nouveau schéma qui rapproche les trois situations est apparu.
Lors de la deuxième session, l’ensemble des dessins est disposé sur l’outil numérique collaboratif. Le dessin schématique de F. commence à organiser la disposition des autres : est-il a intégrer dans la carte commune ou est-il à transposer et traduire par une légende équivalente ?
Se pose la question des précisions à apporter par du texte sous forme de commentaires qui permettraient de restituer certaines indications et les positions géographiques. Les dessins sont donc organisés par situation les uns à coté des autres et leur distanciation géographique mise en apparence par le nom de la ville et le numéro de département.
Comment positionner les relations entre ces lieux ? L’outil graphique n’est pas très maniable et l’ensemble s’encombre rapidement, « attention à utiliser le même graphisme pour le même phénomène ! ». Finalement la composition ne sera pas la retranscription complète du schéma mais celui-ci devient le mode de lecture des dessins situés au dessus. Ainsi se croise un regard plus surplombant qui rend compte des systèmes de relations et une perception plus détaillée qui donne à voir la vie intérieure.
Les dernières articulations concernent l’utilisation d’un signe rouge sur plusieurs dessins pour signaler chacune des personnes et le choix d’un axe vertical latéral à propos de la réduction d’échelle par palier. Il est complété d’un axe horizontal qui dispose les villes sans référent géographique comme sur un graphique.
Enfin un titre est discuté pour chapeauter la cartographie, qui passe par les termes « ressenti », « relations », pour s’arrêter sur « perception de l’espace ». Le schéma réalisé entre deux sessions apparaît alors comme assez parlant du titre « Percevoir l’espace du confinement à travers le virtuel ». Bien qu’il est été un outil de réflexion de parcours, il est conservé et titré séparément.
Si les tâtonnements de manipulation de l’outil numérique sont soulignés au début, deux participantes y font des modifications simultanées et coordonnées à la fin.