Commentaire et critiques de l’article : « Cartographie sensible des pratiques piétonnes en lien avec les perceptions de l’environnement » de Florence Huguenin-Richard.

Aurélie Nicolella, M2 TES

Florence Huguenin-Richard est maitresse de conférences à l’institut de géographie et d’aménagement à Sorbonne Université. L’article que nous allons commenter est paru en 2019. Il sort à l’occasion du colloque « Mobilités spatiales, méthodologie de collecte, d’analyse et de traitement » qui se déroule à Tour en novembre 2019. L’enjeu de ce colloque est d’expliciter les méthodologies des chercheurs qui participent à la construction du champ académique de la mobilité. Cet article s’inscrit dans cette perspective.

            Dans l’introduction Florence Huguenin-Richard explique qu’il y a un délaissement de la marche dans les politiques de transports et de recherche, que les méthodologies pour l’appréhender sont incomplètes pour pouvoir comprendre précisément le choix de l’itinéraire des personnes, des tactiques, en lien avec l’environnement. Dans son article, elle se concentre sur deux publics spécifiques : les personnes âgées et les jeunes. La marche embrasse différents enjeux pour ce public : un enjeu de sécurité car ce sont les personnes qui sont le plus souvent impliqués dans les accidents. De plus, ce sont pour eux un élément essentiel en termes d’accessibilités aux ressources urbaines, de socialisations, de bien être psychique ou physique. La marche est un outil essentiel pour leur autonomie. Un environnement non favorable limite leur sortie. Il est donc nécessaire de comprendre leurs besoins spécifiques liés au déplacement quel que soit leur niveau de vulnérabilité. La spécificité de la marche est qu’elle est une immersion totale de l’environnement. Il est nécessaire pour Florence Huguenin-Richard de prendre en compte à la fois l’environnement qui peut influer sur les pratiques piétonnes et sur la subjectivité (comme le sentiment d’insécurité, l’attractivité ou non d’un lieu) qui peut faire changer les pratiques ou renoncer à un itinéraire.

            Dans une première partie, la chercheuse fait un état de l’art non exhaustif des différentes techniques d’enquête : les enquêtes à domiciles, les méthodes d’observation de terrain qui comprennent les études de site, les enquêteurs mobiles, les suivis, les parcours accompagnés.

Dans une deuxième partie elle présente sur trois protocoles d’enquête. Elle croise deux types de techniques : des questionnaires classiques et des techniques plus qualitatives avec la réalisation de cartes « sensibles ».

            Le premier protocole s’intitule MAPISE (la marche à pieds chez les séniors). L’enquête se déroule de 2012 à 2015 et est financé par le PRÉDIT. Lors de cette enquête, les chercheurs mettent en place deux techniques : l’observations directes non participantes et des suivis furtifs des piétons en déplacements. Ils recueillent en binômes des informations complémentaires sur le profil des personnes enquêtées. Les trajets et données sont cartographiés sur un plan de quartier puis reporté sur le système d’information géographiques. Florence Huguenin-Richard estime que la limite de ce protocole est que les perceptions des piétons sont méconnues.

            Le deuxième protocole s’intitule PAAM (Piétons adolescents accidents et mobilité). Il se déroule de 2014 à 2016 et est financé par la Fondation sécurité routière. Le public est constitué de collégiens volontaire. Des questionnaires leurs sont auto-administrés pour comprendre leur rapport à leur environnement, leurs comportements dans la rue, s’ils ont déjà eu des accidents, etc. Puis à partir d’une carte détaillée des rues, les enquêteurs ont demandé aux collégiens de localiser dans un rayon de 300 mètres autour de leur collège leur pratiques spatiales et des endroits ressentis comme agréable ou désagréable, facile ou difficile. Puis, il leur a été demandé d’exprimer leur choix par écrit. Par la suite, les enquêteurs ont numérisé les données et ont obtenu une carte de mots comme révélateurs de perceptions collectives de l’environnement.
            Le troisième protocole s’intitule : la mobilité des personnes âgées à l’échelle d’un quartier comme enjeu de démocratie. L’étude était en cours et est financé par la CNAV. Le public était une trentaine de personnes âgées volontaires habitant d’un quartier de la ville. La méthodologie utilisée est une cartographie collaborative. La première étape était d’identifier des lieux dans leur quartier qui leur semblaient agréable vs désagréable etc, puis d’exprimer oralement les raisons de ces qualifications. Enfin, il leur a été demandé de réaliser un collage de post-it sur une carte pour localiser les lieux. Une couleur différente est utilisée en fonction que le lieu ait été qualifié positivement ou négativement. Cette cartographie débouche sur un débat sur la circulation de « personnes non-désirées ».            

            En conclusion, Florence Huguenin-Richard explique que chaque méthodologie employée pour comprendre les stratégies et les tactiques des piétons nécessite la collecte d’un grand nombre d’information, souvent laborieuses et longues. Elle fait par la suite un bilan avantage et inconvénients des méthodes utilisés. La cartographie des perceptions semble être le protocole qui permette d’obtenir des données à la fois sur l’environnement et sur la perception des enquêtés selon Florence Huguenin-Richard. Le principal bémol est qu’il faut numériser les données à posteriori. Pour répondre à ce problème elle pense à développer une application pour « réaliser en même temps des suivis » (cartographie par GPS des itinéraires réalisés au quotidien) et « une évaluation de la qualité et de la sécurité des espaces de marche en recueillant sous forme de commentaires vidéos géolocalisés les remarques et perceptions. Cependant, cela pose selon elle des questions éthiques et légales sur le traçage quotidien des personnes.

En lisant le texte, j’ai eu quelques interrogations. Je me suis posée la question de ce que Florence Huguenin-Richard entendait par « personnes âgées ». Elle ne le définit jamais. Concernant le premier protocole, j’ai eu l’impression qu’il manquait des données générales et que les questionnaires n’étaient pas distribués. De plus, dans ce protocole, il n’y a pas de données sensibles. Or, la chercheuse met l’accent sur l’importance de recueillir des données à la fois sur l’environnement et sur la perception. Je me pose également des questions sur la méthode du suivi. J’ai trouvé que d’une part sur un public dit « vulnérable », qui pourrait être plus vigilant que les autres, par peur d’agression ou d’harcèlement, cela posait des questions d’éthique. De plus, cela pouvait provoquer un changement de comportement des personnes, d’itinéraire et biaiser les résultats de l’enquête. Enfin, j’ai trouvé qu’elle n’analysait pas les biais potentiels des enquêteurs qui pouvait avoir tendance à suivre telle ou telle type de personne. Je me suis interrogée sur le rejet de l’utilisation de l’enquête de « suivi accompagné ». Cela nécessite évidemment plus de temps, mais cela permettrait d’avoir une perception plus détaillée des itinéraires et sans problème éthique puisque les personnes consentent aux recueils des données et à l’échange avec l’enquêteur. Cela pose selon moi la question plus large du financement de la recherche et du temps long.

Dans le deuxième protocole, j’ai regretté qu’elle mélange les adjectifs « désagréables et difficiles.

Dans le troisième protocole, lorsque le débat aboutit sur un débat sur la circulation de personnes non-désirée. J’ai trouvé que cela soulevait la question de savoir s’il fallait réduire la mobilité de certaines personnes pour que les riverains puissent circuler. J’ai trouvé que cette question était insuffisamment soulevée. Sur la question de l’utilisation d’un GPS pour la cartographie sensible, cela me pose également des questions d’éthiques sur l’utilisation des données des personnes et sur la pertinence d’utiliser de la technologie pour une telle enquête.

Enfin, ces protocoles sont uniquement de jour. Or, les personnes âgées et les jeunes sont également présentes la nuit. La prise en compte de cette plage horaire pourrait avoir un impact sur les données sensibles.

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