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Cartographie sensible du confinement – Protocole participatif (séance #2) – R. Gadé, L. Herse & M. SBriglio

Louka : cartographier les espaces intérieurs

Vient le moment de mettre en œuvre le protocole « CONFINEMENT ». Je suis en présentiel et je me retrouve dans un groupe composé de Marion, de Romane et d’un autre étudiant dont j’ai perdu le nom. C’est Marion qui est promue au grade d’« enquêtée » par le groupe. Nous sommes dans une petite salle, au numéro 54 du boulevard Raspail. Marion sort pour nous laisser entre enquêteurs. Nous réfléchissons alors à la posture à adopter pour mener un entretien collectif. Pour moi, c’est une première : j’ai déjà mené un entretien avec une autre enquêtrice face à un interlocuteur seul, j’ai déjà aussi interrogé deux personnes en même temps, mais je n’ai jamais questionné une seule personne avec deux autres chercheurs. La relation d’entretien est, il me semble, très différente. Trois enquêteurs, n’est-ce pas trop ? Si le développement d’une relation de confiance n’est de fait pas toujours aisé entre deux personnes, cela me paraît plus complexe de faire de même si nous sommes quatre. Ce temps de réflexion passé, Marion revient dans la salle. L’entretien se déroule sans problème. Il est très dense. Il y a de l’émotion, celle du terrain.

Voici ma carte :

Carte sensible des espaces intérieurs du confinement de Marion, de mars 2020 à mars 2021 – Louka Herse

J’étais personnellement chargé d’établir la carte sensible de son rapport aux espaces intérieurs et notamment de son usage et de son rapport à l’espace domestique. Mais Marion nous a surtout parlé de son corps, du rapport de son corps à l’espace et dans l’espace. Par conséquent, au sortir de l’entretien, il m’est impossible de dessiner une carte de la géographie domestique de Marion. Je décide donc de représenter plutôt la façon dont elle a géré son corps dans l’espace ou plutôt la façon dont elle a géré l’espace avec son corps. J’essaie notamment de rendre compte de trois mouvements qui, pour moi, sont centraux dans le discours de Marion : une dialectique douleurs/plaisirs du corps, une dialectique entre l’intérieur et l’extérieur, une dialectique extension/repli du corps sur le monde.

Romane : la carte sensible des espaces du dehors

J’étais chargée de réaliser la cartographie de l’espace de Marion en dehors du logement pendant le confinement.

Carte sensible des espaces en dehors du logement du confinement de Marion, de mars 2020 à mars 2021 – Romane Gadé

La première étape a consisté à prendre des notes lors de l’entretien. J’ai essayé de réaliser une prise de notes la plus complète possible en portant une attention particulière aux différents (et nombreux) espaces investis par Marion sur la période étudiée, de mars 2020 à mars 2021. Sur cette période, Marion s’est déplacée dans plusieurs villes. Elle a souvent changé de logement et, donc, les lieux extérieurs à ses espaces d’habitation ont aussi beaucoup varié. Du fait de cette multiplicité d’espaces investis, il m’a semblé essentiel de faire apparaître une chronologie la plus fidèle possible aux différents déplacements de Marion.

L’objectif de la carte est de montrer les variations des utilisations de l’espace en dehors du logement, pendant un an à partir du premier confinement. Afin de montrer les variations, je me suis donc appuyée sur la chronologie que j’ai choisi de faire ressortir à travers une sémiologie attribuant une couleur à une période donnée. En couleur, selon les périodes, apparaissent donc :

  • …des déplacements, sous la forme de flèches et avec une typographie différente selon la durée d’installation et la définition géographique :
    • des lignes pleines pour les déplacements qui ont amené à une installation dans la durée. Ces villes sont spatialisées les unes aux autres (pas à l’échelle de la France) : Paris au Nord, Chambéry au sud-est de Paris, Lyon au sud de Paris et à l’ouest de Chambéry.
    • des traits en pointillés pour les voyages de courte durée, par exemple un week-end, et dont la spatialisation n’est pas définie sur la carte.
  • … des espaces géographiques extérieurs, qui ont été importants pour elle (les montagnes de Chambéry, le Rhône et la Saône, la colline Fourvière et son terrain de recherche à Aubervilliers). J’ai également représenté deux de ses logements sur la période de mars 2020 (la Cité internationale et sa maison familiale à Chambéry), ce que j’ai regretté aussitôt les avoir dessinés puisque j’aurais dû me contenter des espaces en dehors du logement.
  • … mais aussi des personnes qui peuplent ces « espaces en dehors du logement » et qui sont déterminantes pour Marion : les femmes de son collectif féministe d’improvisation vocale à Aubervilliers ; ou la présence de ses amis à Lyon qui a déterminé son installation pendant le second confinement.

Le nom des villes est inscrit en couleur noir. La typographie est différente selon si ces villes sont des lieux où Marion s’est installée (en majuscule) ou si ce sont simplement des lieux de passage (minuscule). Au centre de ce triangle que forment les déplacements Paris-Chambéry-Lyon, j’ai représenté la silhouette de Marion. L’objectif est ici de souligner l’importance que revêt pour Marion l’échelle de son corps. Il s’agit là aussi d’une « variation » sur la période mars 2020-mars 2021 puisqu’elle nous a expliqué avoir particulièrement pris conscience de son corps pendant le confinement.

Enfin, j’ai inséré des verbatim issus de ma prise de notes pour qualifier certains espaces et expliquer certaines pratiques. Ces extraits d’entretien nous informent sur le ressenti de Marion pendant le confinement (« je cherche la porte de sortie tout le temps » illustre son besoin de sortir de son logement, où qu’elle se trouve) mais aussi sur ses pratiques (« j’allais crapahuter le long du Rhône et de la Saône »…).

Le brouillon

Avant de commencer la carte, j’ai esquissé quelques idées sur un brouillon :

  • Le triangle de déplacements Paris-Lyon-Chambéry
  • Les 5 temporalités que j’ai identifiées
  • Les lieux, avec la notion d’ « installation » et de « bouger » (pour les déplacements courts)
  • Et enfin les pratiques, où j’ai noté la marche et la course.

Réaliser cette carte dans le temps imparti a été difficile. Le manque de temps ne m’a pas permis d’inclure autant de citations que je l’aurais souhaité. De plus, le temps contraint ne m’a pas permis de hiérarchiser les informations importantes. J’ai représenté certaines choses (comme la voiture du père de Marion qui l’a emmené à Lyon en mars 2020, ou encore la notion « agrégation » pour indiquer qu’elle avait passé le concours lors de l’été 2020) qui ne sont pas cruciales pour comprendre les variations des espaces vécus par Marion en dehors de son logement durant cette période d’un an à partir du premier confinement.

Marion : la carte de l’enquêtée

J’ai été désignée comme la personne enquêtée. Dans un premier temps j’ai pris des notes pour essayer de trouver les mots clés et motifs qui émergeaient lorsque je pensais aux trois espaces évoqués. Je me suis rendue compte que je parvenais difficilement à me soumettre aux espaces réels évoqués par le protocole, et que j’avais surtout réfléchi en terme de stratégie pour échapper au confinement et au sentiment d’enfermement (déménagements multipliés en l’espace d’un an, métaphore de l’espace du corps agrandi/restreint, non respect des consignes sanitaires pour me remettre en mouvement à l’extérieur, etc, cartographie de l’espace capté à distance). Je me suis aussi rendue compte paradoxalement que tout en ayant peu suivi les restrictions, j’avais choisi une temporalité longue, depuis mars 2020, date depuis laquelle j’ai le sentiment d’être en sursis, malgré les « dé-confinements » officiellement annoncés.

Carte sensible du confinement, de mars 2020 à mars 2021 – Marion Sbriglio

Le(s) brouillon(s) 

La carte a été réalisée après plusieurs brouillons. J’ai d’abord tenté de réaliser un diagramme qui prenne en compte l’évolution de mon rapport à ces trois espaces depuis le début du Covid (la continuité perçue entre confinement-déconfinement étant plus grande que la rupture). Finalement j’ai tenté de réaliser un schéma de synthèse représentant mes stratégies relatives à ces trois espaces pour échapper au sentiment d’enfermement. Ces stratégies, qui reposent sur mes privilèges, ont été de trois ordres, correspondant aux trois espaces :

  • Changer de logement pour trouver le plus grand et / ou  celui à partir duquel il me serait le plus facile de sortir sans me faire contrôler par les forces de police et sans nécessairement suivre les règles sanitaires
  • Investir les espaces limitrophes au logement par la pratique sportive / de la balade le long des fleuves (Paris, Lyon), sur les reliefs (montagnes à Chambéry, points culminants de Fourvière ou les Buttes Chaumont à Paris) ET investir davantage les seuils du logement ouvrant sur l’extérieur (portes, fenêtres, paliers, terrasses, etc)
  • Multiplier les espaces captés à distance (radio, méditation) ou la sensation d’espace (mouvements de yoga) au sein du logement

Finalement, cette représentation graphique représente un entre-deux, de la géographie « réelle », concrète qui a été la mienne pendant le confinement (nombre d’heures passé dans les logements successifs) et les stratégies pour bouleverser cette géographie.

Les registres graphiques employés et déployés à 3 échelles

  • La carte de France renvoie
  • Les dessins renvoient aux spécificités des environnements proches des lieux de confinement que je parcourais le plus souvent possible
  • Le schéma renvoie à une configuration récurrente des logements fréquentés

Les figurés 

  • La prédominance des flèches renvoie pour moi à toutes les stratégies développées pour « gagner de l’espace » (dans l’espace du logement, à l’extérieur du logement, par la captation d’espace à distance).
  • Les signes + renvoient aux pièces/endroits que je privilégiais privilégiais 

Les couleurs 

  • Rouge : espaces contractés par les règles du Covid et ressenti comme contracté, la couleur renvoie aussi pour moi à un registre émotionnel de la peur de l’enfermement
  • Vert : pratique d’extension de l’espace vécu (parcouru ou capté) par des stratégies privilégiant le mouvement dans les espaces extérieurs, et à l’intérieur la représentation d’espaces imaginés ou captés à distance (le confinement a été pour moi le moment d’expérimentations cartographiques)

Séance six : mise en œuvre du protocole PARVIS autour de l’EHESS – lOUKA HERSE.

Aujourd’hui, 1er juin 2021, nous appliquons le protocole Parvis que Catherine et Eric ont remodelé en fonction des différents éléments que nous avons proposés dans les protocoles présentés durant la séance précédente du 17 mai 2021. Le principe est simple : il s’agit de suivre un itinéraire prédéfini et de noter sur ce chemin les zones, les choses ou les pratiques qui s’apparentent pour nous à la fraîcheur ou à la chaleur. En ce sens, la cartographie est sensible car nous percevons essentiellement la chaleur et la fraîcheur à l’aide de nos sens : j’ai vu de chaudes couleurs, l’air frais d’un réfrigérateur a touché ma peau en passant à côté d’un primeur, j’ai aussi senti l’odeur fraîche des fraises, j’ai entendu le bruit des moteurs chauds…

Chacun d’entre nous a réalisé cet itinéraire de façon individuelle. Ensuite, nous devions construire ensemble une carte sensible. En confrontant nos différentes perceptions, il s’agissait de voir si elles se recoupaient. Globalement, nous étions d’accord sur tout. Par exemple et à la différence des personnes qui se trouvaient à distance, nous avons tous remarqué que notre perception de la chaleur évoluait en fonction de l’état de fatigue de notre corps. De mon côté, à la fin du parcours qui durait une heure, j’avais beaucoup plus chaud, et ce alors que la température n’avait sans doute pas augmenté. Tous les participants n’avaient pas noté les mêmes éléments sur leur chemin, mais nos remarques étaient plus complémentaires que contradictoires. Pour moi, les couleurs des voitures, des bâtiments, des commerces, etc., avaient relativement peu d’importance. Mes sensations de chaleur ou de fraîcheur n’étaient pas directement liées au sens visuel. Néanmoins, lorsque les autres participantes évoquèrent la chaleur ou la fraîcheur de certaines couleurs, j’ai convenu avec elles que certaines couleurs ramenaient au froid ou au chaud, à partir d’expériences personnelles antérieures.

A l’exception d’une erreur de parcours, ma balade sensorielle et la cartographie qui l’a suivie se sont très bien déroulées. Le seul problème de ce protocole pour moi : l’absence de collation rafraîchissante à la fin de la balade !

Louka Herse.

Proposition de protocole PARVIs – Louka Herse, Beatriz Raimundez et Aurélie Nicolella.

Imaginer la ville du futur, entre chaleur et fraîcheur

Objectif : il s’agit d’imaginer la ville du futur, entre chaleur et fraîcheur, à partir d’un parcours urbain délimité par les enquêteurs et donnant lieu à la production d’une carte sensible.

Forme de l’enquête

. La réalisation du protocole sera précédée d’un temps d’explication. Alors, les organisateurs expliqueront aux participants les fondements, les objectifs du protocole et les moyens utilisés pour y parvenir (temps prévu : 15-20 minutes).

. Pour les participants en distanciel, un des organisateurs réalisera une capture vidéo en direct et commentera sa perception de la chaleur et de la fraîcheur au fil de son parcours.

. Pour les participants en présentiel, il s’agira durant le parcours de dessiner sur une carte les points de fraîcheur et de chaleur, et parallèlement de prendre des notes sur un support papier. A l’issue de ce parcours et avec les données récoltées, chacun sera alors chargé de produire une carte sensible individuelle.

. Le protocole est individuel, chacun note et cartographie ses perceptions.

Organisation du parcours

. Il est délimité au préalable par les organisateurs.

. Il durera 1 heure.

. Lors du parcours, les organisateurs guideront les participants afin que ceux-ci se concentrent sur la récolte de données sensibles.

. Ce parcours sera suivi d’une collation, elle-aussi filmée par l’organisateur-vidéaste.

Organisation de la production d’une carte sensible

. Le temps imparti pour réaliser ces cartes sensibles sera de une heure et demi, dans l’après-midi suivant le parcours urbain.

. Les participants auront à disposition des feutres de différentes couleurs, des crayons de papier et des stylos. Ils pourront aussi utiliser des feuilles de différentes couleurs, des paires de ciseaux et de la colle pour procéder à des collages.

Commentaires de cartes et discussion finale

. Le jour suivant la production de ces cartes sensibles, organisateurs et participants pourront les consulter dans la bibliothèque Georges Perec. Les cartes seront disposées sur des tables, espacées les unes des autres, afin de respecter les règles sanitaires. Ce temps d’observation sera limité à l’heure du midi.

. Ensuite, dans l’après-midi, une analyse par groupe de 4 personnes sera proposée. Il s’agira alors d’échanger pendant 30 minutes autour de ces diverses productions et, à partir de ces comparaisons, faire des propositions pour une ville du futur. Chaque groupe viendra présenter ensuite son analyse devant l’auditoire et une discussion, animée par les organisateurs et organisatrices, pourra être entamée. Il s’agira alors de penser la ville du futur au regard des zones de chaleur et de fraîcheur observées et perçues lors du parcours.

Un protocole proposé par Louka Herse, Beatriz Raimundez et Aurélie Nicolella.

Synthèse – Parcourir et cartographier pour rendre compte d’une réalité – Texte d’Hélènne Ancion

« Cartes sensibles et promenades exploratoires : parcourir et cartographier pour rendre compte d’une réalité » – un texte de Hélène Ancion présenté par Louka Herse (M1 – TES) et Romane Gadé (M2 – Sociologie)

Ce texte est paru en 2016 dans La lettre des CCATM n°69, une publication de la Fédération Inter-Environnement Wallonie (IEW). C’est une « fiche technique » destinée à des citoyens qui émettent, à l’échelle de leur commune, des avis sur des dossiers liés au développement territorial.

Son objectif est d’encourager ces citoyens à faire des promenades exploratoires dans l’espace communal et de restituer ces expériences par le biais d’une carte sensible. Le texte a donc une visée didactique : l’autrice donne aux lecteurs des conseils techniques et pratiques pour expérimenter les méthodologies sensibles. Elle s’intéresse particulièrement à deux méthodes : la promenade sensible et le diagnostic en marchant.

Comment restituer des informations sensibles recueillies lors d’une marche exploratoire sous la forme de cartes ?

            Pour répondre à cette problématique, l’autrice donne rapidement ses premiers conseils : si la carte sensible doit comporter quelques éléments conventionnels comme « une légende, une orientation avec indication du Nord et un semblant d’échelle » (p.2), elle se différencie des cartes et plans officiels en « quittant la planéité absolue et en déformant les proportions ». C’est la perception, individuelle ou collective d’un espace vécu qui doit focaliser notre attention ici. L’autrice s’intéresse ici particulièrement à deux méthodes : la promenade sensible et le diagnostic en marchant.

1ère méthode : la promenade sensible

            L’exercice consiste à réaliser une promenade en groupe. Les marcheurs, équipés de feuilles blanches et de crayons, dessinent au gré d’une balade dont le parcours est déterminé par des « organisateurs ». A la fin de la balade, les cartes individuelles sont synthétisées par les organisateurs dans un dessin unique. Le lendemain, la synthèse cartographique est présentée à l’ensemble des participants. Une question reste en suspens : peut-on synthétiser des informations sensibles ? Les cartes sensibles n’ont-elles pas, au contraire, pour but de représenter des réalités plurielles, fragmentées ?

2ème méthode : le diagnostic en marchant

            Il s’agit là aussi d’une promenade exploratoire mais, cette fois-ci, elle consiste à produire un diagnostic et non une carte sensible. Lors de la marche, les participants remplissent des grilles d’analyse en consignant les aménités et les contraintes de l’espace observé, en repérant à la fois ce qui fonctionne et ce qui dysfonctionne dans la ville. Souvent, ces diagnostics en marchant rassemblent différents acteurs urbains : des habitants, des techniciens et des élus.

Conclusion

            Le lecteur ou la lectrice issu·e du champ académique sera curieux·se de découvrir cette publication qui favorise la diffusion de la recherche. Il sera aussi intéressé par les conseils judicieux que donne la géographe-praticienne.

  1. L’enquêteur se doit d’adopter la posture la plus neutre possible durant la marche sensible. Il doit « se taire » et se contenter de guider les « cartographes-explorateurs ».
  2. La réflexion cartographique doit précéder la marche exploratoire et être continuée après elle. Il s’agit de produire une carte avec l’objectif de « lisibilité ‘‘non-assistée’’ » (p.2) afin d’être compréhensible par un lecteur extérieur à l’exercice.

            Le lecteur sera peut-être moins convaincu par l’implicite qui prédomine dans ce texte : pourquoi l’autrice a-t-elle choisi de nous présenter ces deux méthodes ? En outre, la transition entre ces deux méthodes et la partie sur le gender mainstreaming est brusque et insaisissable. Par ailleurs, l’autrice alterne entre plusieurs registres d’écriture. Elle passe d’un style d’écriture oralisé à un autre plus académique, et, parallèlement, d’un registre didactique (transmission de méthodes cartographiques par un travail de vulgarisation) à un registre politique (conseils donnés aux élus, etc.).

            Reste que le principal écueil de cet article est qu’il n’atteint pas, selon nous, son objet premier. L’idée est de présenter à des citoyens une méthode sensible pour explorer l’espace, puis pour le transformer. Or, l’autrice ne fournit presque aucun élément de méthode : comment construire une carte sensible avec les enquêtés ? Les lecteurs ne disposent que de deux exemples et de quelques conseils pour construire eux-mêmes leur outil exploratoire. Enfin, des exemples de cartes sensibles auraient pu illustrer cette fiche technique.

    

De la speed-carto pour se presenter- Louka Herse – 2021

Speed-carto ? Ce nom peut être trompeur. Tout dépend l’usage qu’on en fait. Lors de la séance introductive de ce séminaire, le 8 mars 2021, j’ai réalisé pour la première fois de ma vie, de la speed-cartographie.

Mais que recouvre donc cette expression ? Une réponse parmi d’autres avec l’exemple de la séance du lundi 8 mars.

13h-15h: premier séminaire de cartographie sensible. Un protocole de recherche cartographique nous est proposé. Il s’agit de répondre à deux questions – “qui suis-je ?” et “en quoi consiste ma recherche?” – en produisant, en temps limité, une carte. En l’occurrence, le temps imparti était de 10 minutes. C’était trop peu pour moi. Je pris donc le temps de la pause pour finir mon ébauche de carte :

difficile de se résumer et de résumer sa recherche en quelques coups de crayons !

Lorsque tous les participants eurent terminé leur carte, nous avons commencé à échanger. Le principe était d’interpréter la carte écrite par un autre séminariste afin de le présenter, lui le séminariste, aux autres participants. Si l’interprétation était fausse ou manquait de précision, le cartographe pouvait compléter le propos de son interprète. Les échanges furent stimulants, car les divergences d’interprétation entre le lecteur et le cartographe forçaient le producteur a explicité ses choix d’écriture.

Les malentendus cartographiques sont une richesse pour le cartographe.

Reste que ce jeu de présentation n’avait rien de speed. Au contraire. Briser la glace de l’inconnu avec des cartes requiert du temps, de l’espace et des outils, ceux de la cartographie (un support, des instruments d’écriture). Mais, il est vrai, que par rapport au temps que prend habituellement la confection d’une carte, nous avons fait ce jour-là, de la speed-carto.

Speed-carto / long-presentation.

J’aurais aimé illustrer cet article avec ma propre speed-map, mais je ne l’ai pas retrouvée. J’ai donc réalisé, en une vingtaine de minutes, une speed-cartographie que j’intitulerai :

Speed-carto de mon premier confinement (Louka Herse, 2021).

Voici quelques éléments de légende pour faciliter son interprétation :

  • les cercles représentent les différents espaces pratiqués durant le premier confinement;
  • les lignes rouges correspondent à mes trajets;
  • les bulles circulaires indiquent le nombre de personnes pratiquant/habitant un espace en même temps que moi;
  • les bulles rectangulaires précisent à la fois le temps et l’heure approximative de fréquentation des espaces de mon confinement.

Alors, pouvez-vous me dire dans quels types d’espace j’ai vécu ce confinement ?

Louka Herse – master 1 – “Territoires, Espaces, Sociétés”, École des hautes études en sciences sociales

Cartographie Parcours Vélo – de Gambetta a République – Louka Herse

Des conditions de cartographie précaires

Je m’apprête à déposer ces deux mini-cartes sur le site du séminaire. J’ai regardé au préalable les autres productions déjà disponibles en ligne. La qualité de certaines est déconcertante et je me sens bien piètre cartographe à côté de leurs auteurs et autrices. C’est pourquoi, plutôt que de commenter les choix que j’ai pris le 12 avril 2021 afin de transposer les 15 minutes d’audio mis à notre disposition en cartes, je reviendrai ici sur le contexte de production de ces deux pages cartographiques.

Au moment d’écrire, j’étais très fatigué. Je venais de passer une éprouvante semaine sur mon terrain. J’avais enchaîné les entretiens ethnographiques et j’avais aussi réalisé plusieurs marches urbaines avec mes interlocuteurs. Par ailleurs, je venais de présenter avec Romane Gadé un article sur les marches sensibles écrit par Hélène Ancion. Malgré ma condition de randonneur émérite, cela faisait beaucoup de marches en une seule semaine : j’étais éprouvé.

J’étais donc peu frais et peu dispos pour recevoir le matériau sonore proposé. Mais le principal problème fut d’ordre matériel : j’étais mal armé pour cartographier. D’une part, j’étais venu sans feuilles blanches. D’autre part, comble du ridicule pour un cartographe, je n’avais pas sur moi ma trousse à crayons-de-couleurs. Je n’avais que mon carnet vert (mon carnet de séminaires), un crayon de papier et deux stylos Bic, rouge et noir.

Comment ai-je donc procédé dans ces conditions cartographiques précaires ?

J’avais une heure pour mettre en application un protocole d’enquête conséquent. Il fallait donc que je n’écoute qu’une seule fois l’audio de 15 minutes et que cette écoute soit efficace. Mais comment développer une façon d’annoter sans connaître le texte à étudier ? J’ai lancé l’audio. Après une minute d’écoute, j’ai décidé de diviser ma prise de notes en deux. Cette division est visible sur ma feuille (voir photographies ci-dessus et ci-dessous). A gauche, j’écrirai toutes les informations se rapportant à la ville vécue, à commencer par les émotions de la cycliste étudiée. A droite, je noterai des informations plus concrètes : les éléments les plus visibles du paysage pour la cycliste, ses changements de direction, etc.

Mais cette prise de notes fut compliquée par le débit rapide de la cycliste. Très vite, je me suis contenté de noter, de tout noter, pour ne pas manquer une information-clef de son parcours urbain. Pour réussir à annoter correctement, il aurait fallu écouter à plusieurs reprises l’enregistrement, ce qui n’était pas concevable dans le temps imparti.

Finalement, que retenir de cette cartographie ?

Peut-être que l’exercice cartographique repose sur un ensemble de choses très terrestres : l’état physique et psychologique du chercheur, le matériel et le matériau disponibles pour cartographier. Ou peut-être qu’il repose juste sur une tasse remplie de café.

Louka Herse – Master 1 “Territoires, Espaces, Sociétés”, Ecole des hautes études en sciences sociales