Proposition de Protocole Parvis – A. Fletcher, R. Gadé, M. Préjengemme, M. Sbriglio et L. Soto

Anastasia Fletcher, Romane Gadé, Mélodia Préjengemme, Marion Sbriglio et Lisette Soto

Présentation

Ce protocole de promenade et de cartographie sensibles s’inscrit dans le cadre du projet PARVIS. Il a été pensé pour être réalisé à Marne-la-Vallée, autour de la bibliothèque Georges Perec, lieu où se tiendra le colloque du projet PARVIS. Ce colloque réunira près d’une trentaine de personnes. La plupart seront présents sur les lieux, mais une partie des participant.e.s suivra la journée d’étude à distance. 

L’objectif de l’expérimentation est de rendre compte des zones de fraîcheur et de chaleur à l’occasion d’un parcours. Notre protocole se construit autour de la question de la comparaison de l’identification a priori des zones de chaleur ou de fraîcheur et des perceptions réelles ressenties sur le terrain, lors de la promenade. 

Déroulé du protocole

Le protocole, qui  se déroule sur une heure, comporte trois grandes étapes. Chaque étape est différente selon que les participant.e.s soient en présentiel ou en distanciel. 

  1. Identification préalable et cartographique des zones de fraîcheur et de chaleur (durée : 5 minutes)
  • pour les personnes en présentiel : un fond de carte est distribué aux participant.e.s, sur lequel est indiqué le parcours pédestre qui sera réalisé. Les participant.e.s identifient sur un calque superposé au fond de carte les zones supposées de chaleur et de fraîcheur selon les différentes étapes du parcours déterminé à l’avance. 
  • pour les personnes à distance : elles réalisent ce même travail mais sur un SIG, par exemple sur l’application My Maps. Le parcours est, là aussi, préparé et inscrit par avance sur la carte. 

Bien que les participant.e.s soit divisé.e.s en deux groupes selon leur présence physique ou non au colloque, ils.elles travaillent avec des variables fixes : l’emprise est la même (le lieu est identique), le support est similaire (le même fond de carte, possédant les mêmes informations topographiques), et il leur est demandé d’utiliser une sémiologie fixe (en bleu les zones de fraîcheur, en rouge les zones de chaleur).

  1. Promenade sensible à pied et en système hybride (20 à 30 minutes)
  • pour les personnes en présentiel: réalisation du parcours pédestre au départ de la bibliothèque George Perec. Les participant.e.s sont ici doté.e.s d’une feuille calque qu’ils.elles superposent à leur fond de carte de l’étape 1. Sur ce calque, les personnes sont invitées à écrire leurs ressentis et leurs perceptions des zones de fraîcheur et de chaleur par tous les sens : le toucher (sensation de chaleur/fraîcheur sur le corps), l’odorat…
  • pour les personnes à distance – un parcours pédestre hybride : Un.e organisateur.ice filme en direct le parcours avec une GoPro (grand angle) et enregistre le son de la balade en live. Attention : la personne enregistre le parcours de la manière la plus exhaustive possible, pour essayer de neutraliser au maximum les biais de sélection.

Les personnes à distance notent, sur un calque SIG dans l’application My Maps, les perceptions qu’ils saisissent virtuellement aussi bien par la vue (grâce à l’image filmée qui leur permet par exemple de capter les zones de lumière ou d’ombre, la texture des bâtiments…) et par l’ouïe (son). 

Possibilité de plan B pour le parcours hybride : Un parcours sur street-view avec un enregistrement audio préalable fourni aux participants. 

  1. Mise en commun collective, comparaison des différents calques physiques et virtuels et cartographie collective (30 minutes)

A l’issue de la balade, une mise en commun est organisée pour permettre la comparaison entre les perceptions personnelles. Cette mise en commun est réalisée en 5 groupes de 5 personnes (un groupe composé des 5 personnes en distanciel et les 4 autres groupes sont constitué des participant.e.s en présentiel). Ce travail de comparaison des ressentis doit permettre la création d’une cartographie collective (par groupe) des zones de fraîcheur et de chaleur. 

Pourra-t-on observer une série d’écarts importants entre projections/sensations, individuel/collectif ? Quelles sont les relations entre représentations/projections et sensations identifiées, nommées et spatialisées via la carte et via plusieurs sens ? Enfin, en quoi la dimension multisensorielle, de plus en plus prise en charge par les études urbaines et en aménagement attentive à l’espace sensible perçu et vécu (Manola, 2013) joue-t-elle sur la représentation cartographique synthétique des zones chaleur / fraîcheur ?

Commentaire et critiques de l’article : « Cartographie sensible des pratiques piétonnes en lien avec les perceptions de l’environnement » de Florence Huguenin-Richard.

Aurélie Nicolella, M2 TES

Florence Huguenin-Richard est maitresse de conférences à l’institut de géographie et d’aménagement à Sorbonne Université. L’article que nous allons commenter est paru en 2019. Il sort à l’occasion du colloque « Mobilités spatiales, méthodologie de collecte, d’analyse et de traitement » qui se déroule à Tour en novembre 2019. L’enjeu de ce colloque est d’expliciter les méthodologies des chercheurs qui participent à la construction du champ académique de la mobilité. Cet article s’inscrit dans cette perspective.

            Dans l’introduction Florence Huguenin-Richard explique qu’il y a un délaissement de la marche dans les politiques de transports et de recherche, que les méthodologies pour l’appréhender sont incomplètes pour pouvoir comprendre précisément le choix de l’itinéraire des personnes, des tactiques, en lien avec l’environnement. Dans son article, elle se concentre sur deux publics spécifiques : les personnes âgées et les jeunes. La marche embrasse différents enjeux pour ce public : un enjeu de sécurité car ce sont les personnes qui sont le plus souvent impliqués dans les accidents. De plus, ce sont pour eux un élément essentiel en termes d’accessibilités aux ressources urbaines, de socialisations, de bien être psychique ou physique. La marche est un outil essentiel pour leur autonomie. Un environnement non favorable limite leur sortie. Il est donc nécessaire de comprendre leurs besoins spécifiques liés au déplacement quel que soit leur niveau de vulnérabilité. La spécificité de la marche est qu’elle est une immersion totale de l’environnement. Il est nécessaire pour Florence Huguenin-Richard de prendre en compte à la fois l’environnement qui peut influer sur les pratiques piétonnes et sur la subjectivité (comme le sentiment d’insécurité, l’attractivité ou non d’un lieu) qui peut faire changer les pratiques ou renoncer à un itinéraire.

            Dans une première partie, la chercheuse fait un état de l’art non exhaustif des différentes techniques d’enquête : les enquêtes à domiciles, les méthodes d’observation de terrain qui comprennent les études de site, les enquêteurs mobiles, les suivis, les parcours accompagnés.

Dans une deuxième partie elle présente sur trois protocoles d’enquête. Elle croise deux types de techniques : des questionnaires classiques et des techniques plus qualitatives avec la réalisation de cartes « sensibles ».

            Le premier protocole s’intitule MAPISE (la marche à pieds chez les séniors). L’enquête se déroule de 2012 à 2015 et est financé par le PRÉDIT. Lors de cette enquête, les chercheurs mettent en place deux techniques : l’observations directes non participantes et des suivis furtifs des piétons en déplacements. Ils recueillent en binômes des informations complémentaires sur le profil des personnes enquêtées. Les trajets et données sont cartographiés sur un plan de quartier puis reporté sur le système d’information géographiques. Florence Huguenin-Richard estime que la limite de ce protocole est que les perceptions des piétons sont méconnues.

            Le deuxième protocole s’intitule PAAM (Piétons adolescents accidents et mobilité). Il se déroule de 2014 à 2016 et est financé par la Fondation sécurité routière. Le public est constitué de collégiens volontaire. Des questionnaires leurs sont auto-administrés pour comprendre leur rapport à leur environnement, leurs comportements dans la rue, s’ils ont déjà eu des accidents, etc. Puis à partir d’une carte détaillée des rues, les enquêteurs ont demandé aux collégiens de localiser dans un rayon de 300 mètres autour de leur collège leur pratiques spatiales et des endroits ressentis comme agréable ou désagréable, facile ou difficile. Puis, il leur a été demandé d’exprimer leur choix par écrit. Par la suite, les enquêteurs ont numérisé les données et ont obtenu une carte de mots comme révélateurs de perceptions collectives de l’environnement.
            Le troisième protocole s’intitule : la mobilité des personnes âgées à l’échelle d’un quartier comme enjeu de démocratie. L’étude était en cours et est financé par la CNAV. Le public était une trentaine de personnes âgées volontaires habitant d’un quartier de la ville. La méthodologie utilisée est une cartographie collaborative. La première étape était d’identifier des lieux dans leur quartier qui leur semblaient agréable vs désagréable etc, puis d’exprimer oralement les raisons de ces qualifications. Enfin, il leur a été demandé de réaliser un collage de post-it sur une carte pour localiser les lieux. Une couleur différente est utilisée en fonction que le lieu ait été qualifié positivement ou négativement. Cette cartographie débouche sur un débat sur la circulation de « personnes non-désirées ».            

            En conclusion, Florence Huguenin-Richard explique que chaque méthodologie employée pour comprendre les stratégies et les tactiques des piétons nécessite la collecte d’un grand nombre d’information, souvent laborieuses et longues. Elle fait par la suite un bilan avantage et inconvénients des méthodes utilisés. La cartographie des perceptions semble être le protocole qui permette d’obtenir des données à la fois sur l’environnement et sur la perception des enquêtés selon Florence Huguenin-Richard. Le principal bémol est qu’il faut numériser les données à posteriori. Pour répondre à ce problème elle pense à développer une application pour « réaliser en même temps des suivis » (cartographie par GPS des itinéraires réalisés au quotidien) et « une évaluation de la qualité et de la sécurité des espaces de marche en recueillant sous forme de commentaires vidéos géolocalisés les remarques et perceptions. Cependant, cela pose selon elle des questions éthiques et légales sur le traçage quotidien des personnes.

En lisant le texte, j’ai eu quelques interrogations. Je me suis posée la question de ce que Florence Huguenin-Richard entendait par « personnes âgées ». Elle ne le définit jamais. Concernant le premier protocole, j’ai eu l’impression qu’il manquait des données générales et que les questionnaires n’étaient pas distribués. De plus, dans ce protocole, il n’y a pas de données sensibles. Or, la chercheuse met l’accent sur l’importance de recueillir des données à la fois sur l’environnement et sur la perception. Je me pose également des questions sur la méthode du suivi. J’ai trouvé que d’une part sur un public dit « vulnérable », qui pourrait être plus vigilant que les autres, par peur d’agression ou d’harcèlement, cela posait des questions d’éthique. De plus, cela pouvait provoquer un changement de comportement des personnes, d’itinéraire et biaiser les résultats de l’enquête. Enfin, j’ai trouvé qu’elle n’analysait pas les biais potentiels des enquêteurs qui pouvait avoir tendance à suivre telle ou telle type de personne. Je me suis interrogée sur le rejet de l’utilisation de l’enquête de « suivi accompagné ». Cela nécessite évidemment plus de temps, mais cela permettrait d’avoir une perception plus détaillée des itinéraires et sans problème éthique puisque les personnes consentent aux recueils des données et à l’échange avec l’enquêteur. Cela pose selon moi la question plus large du financement de la recherche et du temps long.

Dans le deuxième protocole, j’ai regretté qu’elle mélange les adjectifs « désagréables et difficiles.

Dans le troisième protocole, lorsque le débat aboutit sur un débat sur la circulation de personnes non-désirée. J’ai trouvé que cela soulevait la question de savoir s’il fallait réduire la mobilité de certaines personnes pour que les riverains puissent circuler. J’ai trouvé que cette question était insuffisamment soulevée. Sur la question de l’utilisation d’un GPS pour la cartographie sensible, cela me pose également des questions d’éthiques sur l’utilisation des données des personnes et sur la pertinence d’utiliser de la technologie pour une telle enquête.

Enfin, ces protocoles sont uniquement de jour. Or, les personnes âgées et les jeunes sont également présentes la nuit. La prise en compte de cette plage horaire pourrait avoir un impact sur les données sensibles.

Speed carto – Romane Gadé

Lors de la première séance de l’atelier, le 8 mars 2021, nous avons été invité.e.s à nous présenter à travers une speed-carto. En 10 minutes, sur une feuille A4 blanche, nous devions représenter cartographiquement qui nous sommes (master, niveau d’études, directeur.ice de recherche) et présenter notre projet de recherche.

La difficulté principale : le manque de temps

Le temps qui nous était imparti étant très court, je n’ai pas pris le temps de faire un brouillon. J’ai donc commencé à dessiner très rapidement, avec comme objectif principal d’utiliser le moins de texte possible.

Cette précipitation a eu comme conséquence des choix de symboles et de figurés qui ne sont sans doute pas les plus pertinents. De plus, cela a induit une relative importante utilisation du texte, là encore en raison du manque de temps (et sans doute aussi d’habitude) pour réfléchir à la manière de représenter des choses abstraites et des concepts.

Speed-carto en 10 minutes, 8 mars 2021, Romane Gadé (M2 sociologie).

Prenons par exemple le symbole que j’ai choisi pour représenter Nantes, la ville où je réalise ma recherche. J’ai en effet choisi de dessiner un éléphant, symbole de la ville, pour représenter la ville de la même manière que la Tour Eiffel représente Paris sur ma carte. Ce n’est que dans un deuxième temps, juste avant de rendre ma carte, que j’ai rajouté le nom de la ville sur le corps de l’éléphant. J’ai en effet réalisé que ce symbole ne serait sans doute pas compris par tou.te.s… ce qui s’est d’ailleurs confirmé en deuxième partie de séance : l’étudiante qui a tenté de lire ma carte n’a pas compris ce que l’éléphant représentait. Cet exemple illustre donc l’importance de réfléchir en amont aux symboles utilisés en cartographie sensible afin qu’elle soit lisible et compréhensible par les autres personnes, sans l’aide de son auteur.ice.

Pour expliquer mon objet de recherche, j’ai tenté de représenter la localisation de l’enquête (le quartier prioritaire Bellevue), l’objet de l’étude (les habitants, et leur trajet du confinement dans la limite d’une heure et d’un kilomètre), la période de l’étude (décembre 2020 à juin 2021) ainsi qu’une partie de ma méthodologie (l’arpentage et la photographie participative). J’ai cependant dû recourir au texte pour indiquer la thématique de ma recherche, à savoir les représentations, les pratiques et les modes d’appropriation des espaces publics des habitants du quartier pendant la crise sanitaire.

Cartographie Eurydice Boussac – Parcours Vélo République

Cette carte a été réalisée lors de la séance du 12 avril. Pour conserver la spontanéité du dessin, je n’ai pris aucune notes lors de l’écoute et me suis directement mise à cartographier au fur et à mesure que j’entendais l’enregistrement et que le parcours de la cycliste évoluait. J’ajoutais les choses qu’elle mentionnait, les unes après les autres, en ayant une attention particulière pour les impressions, les sensations, notamment olfactives, et surtout les images. La courbe du parcours n’est pas tout à fait fidèle aux directions qu’elle décrivait. En revanche, les couleurs mentionnées et les impressions ressenties (stress, silence, odeur, reconnaissance d’autres cycliste), sont fidèlement restituées. Il n’y a pas de légendes associée à cette carte, parce qu’elle n’aurait pas été utile. Le lecteur peut comprendre assez intuitivement la carte grâce aux symboles utilisés, aux dessins explicites et aux nombreux mots-clefs intégrés dans le corps de la carte. Il y a une certaine trame à la carte : une ligne centrale et continue représente le parcours de la cycliste, et les éléments mentionnés viennent se raccrocher à cette ligne. L’objet central de la restitution est donc le chemin parcouru ainsi que la destination finale (la place, certainement de la République), mise en exergue par ce cercle, qui rompt la ligne du parcours et prend une place plus importante les autres lieux décrits. Certains éléments, mentionnés par la cycliste à travers des métaphores ou des images, ont été restitués en se servant de ces images dans un sens littéral : les scooters sont des insectes, les bâtiments près de l’école sont des formes géométriques, les balcons sont des grandes barres alignées, un feu-rouge est cassé en deux.

Cartographie romane Moïse – Parcours vélo autour de l’EHESS

Chaque rayon représente un changement de rue, les flèches bleues indiquent les directions empruntées.

On distingue 2 types de circonférences différentes. L’une en couleur représentant l’intensité sonore (du vert étant le plus calme au rouge le plus bruyant), l’autre représente les types de rues empruntée avec les types d’immeubles et embuches observées de chaque côtés. Les intersections, croisements ou rues dépassées sont spécifiées de partes et d’autres de la route principale empruntée.

Cartographie Elvira Labarca – Parcours vélo Parmentier-République

Cette carte est faite en deux écoutes : première écoute rapide, deuxième écoute en coupant à chaque « partie ». Je fais plusieurs essais car l’idée était de faire la carte en un feuille en essayant recueillir tous l’info donnés, sans légende.

 Sauf mention au BRUIT, tous l’infos dans la carte sont de l’auteur du parcours de même que les « couleurs » ajoutés.

Synthèse – Parcourir et cartographier pour rendre compte d’une réalité – Texte d’Hélènne Ancion

« Cartes sensibles et promenades exploratoires : parcourir et cartographier pour rendre compte d’une réalité » – un texte de Hélène Ancion présenté par Louka Herse (M1 – TES) et Romane Gadé (M2 – Sociologie)

Ce texte est paru en 2016 dans La lettre des CCATM n°69, une publication de la Fédération Inter-Environnement Wallonie (IEW). C’est une « fiche technique » destinée à des citoyens qui émettent, à l’échelle de leur commune, des avis sur des dossiers liés au développement territorial.

Son objectif est d’encourager ces citoyens à faire des promenades exploratoires dans l’espace communal et de restituer ces expériences par le biais d’une carte sensible. Le texte a donc une visée didactique : l’autrice donne aux lecteurs des conseils techniques et pratiques pour expérimenter les méthodologies sensibles. Elle s’intéresse particulièrement à deux méthodes : la promenade sensible et le diagnostic en marchant.

Comment restituer des informations sensibles recueillies lors d’une marche exploratoire sous la forme de cartes ?

            Pour répondre à cette problématique, l’autrice donne rapidement ses premiers conseils : si la carte sensible doit comporter quelques éléments conventionnels comme « une légende, une orientation avec indication du Nord et un semblant d’échelle » (p.2), elle se différencie des cartes et plans officiels en « quittant la planéité absolue et en déformant les proportions ». C’est la perception, individuelle ou collective d’un espace vécu qui doit focaliser notre attention ici. L’autrice s’intéresse ici particulièrement à deux méthodes : la promenade sensible et le diagnostic en marchant.

1ère méthode : la promenade sensible

            L’exercice consiste à réaliser une promenade en groupe. Les marcheurs, équipés de feuilles blanches et de crayons, dessinent au gré d’une balade dont le parcours est déterminé par des « organisateurs ». A la fin de la balade, les cartes individuelles sont synthétisées par les organisateurs dans un dessin unique. Le lendemain, la synthèse cartographique est présentée à l’ensemble des participants. Une question reste en suspens : peut-on synthétiser des informations sensibles ? Les cartes sensibles n’ont-elles pas, au contraire, pour but de représenter des réalités plurielles, fragmentées ?

2ème méthode : le diagnostic en marchant

            Il s’agit là aussi d’une promenade exploratoire mais, cette fois-ci, elle consiste à produire un diagnostic et non une carte sensible. Lors de la marche, les participants remplissent des grilles d’analyse en consignant les aménités et les contraintes de l’espace observé, en repérant à la fois ce qui fonctionne et ce qui dysfonctionne dans la ville. Souvent, ces diagnostics en marchant rassemblent différents acteurs urbains : des habitants, des techniciens et des élus.

Conclusion

            Le lecteur ou la lectrice issu·e du champ académique sera curieux·se de découvrir cette publication qui favorise la diffusion de la recherche. Il sera aussi intéressé par les conseils judicieux que donne la géographe-praticienne.

  1. L’enquêteur se doit d’adopter la posture la plus neutre possible durant la marche sensible. Il doit « se taire » et se contenter de guider les « cartographes-explorateurs ».
  2. La réflexion cartographique doit précéder la marche exploratoire et être continuée après elle. Il s’agit de produire une carte avec l’objectif de « lisibilité ‘‘non-assistée’’ » (p.2) afin d’être compréhensible par un lecteur extérieur à l’exercice.

            Le lecteur sera peut-être moins convaincu par l’implicite qui prédomine dans ce texte : pourquoi l’autrice a-t-elle choisi de nous présenter ces deux méthodes ? En outre, la transition entre ces deux méthodes et la partie sur le gender mainstreaming est brusque et insaisissable. Par ailleurs, l’autrice alterne entre plusieurs registres d’écriture. Elle passe d’un style d’écriture oralisé à un autre plus académique, et, parallèlement, d’un registre didactique (transmission de méthodes cartographiques par un travail de vulgarisation) à un registre politique (conseils donnés aux élus, etc.).

            Reste que le principal écueil de cet article est qu’il n’atteint pas, selon nous, son objet premier. L’idée est de présenter à des citoyens une méthode sensible pour explorer l’espace, puis pour le transformer. Or, l’autrice ne fournit presque aucun élément de méthode : comment construire une carte sensible avec les enquêtés ? Les lecteurs ne disposent que de deux exemples et de quelques conseils pour construire eux-mêmes leur outil exploratoire. Enfin, des exemples de cartes sensibles auraient pu illustrer cette fiche technique.

    

cartographie vélo – autour de l’ehess, Anastasia fletcher

Pour ma cartographie, j’ai “retranscrit” ce que j’entendais visuellement, minute par minute, je me suis arrêtée à environs 8 minutes (précisé en rose à la page 2), car il me semblait y avoir visuellement beaucoup d’informations. J’ai tenté de représenté les tournants des rues ainsi que leur largeurs si précisées, c’est pourquoi le résultat final est sinueux et sur deux pages recto/verso.

p1
p2 (+légende)

Le début du parcours se trouve en bas a gauche de la page 1 et il se termine en haut a droit de la seconde page. La légende est inscrite à la second page également et indique certains des symboles que j’ai décidé de représenté. Les couleurs et le dessin ont permis d’ajouter certains détails comme le climat, les différents bâtiments qui sont mentionnés (hôpital, église, bistrots, le Bon marché, immeubles bas/haut, anciens/modernes, rue résidentielle/commerciale etc). J’ai tenté de représenté ce qui était sensoriel, visuel, sonore, ainsi qu’un plan plus ou moins représentatif du trajets avec les tournants (généralement avec une ligne plus épaisse), les rues plus ou moins larges, les croisements de rue, les sens interdits etc. Enfin j’ai tenté de représenté l’affluence de personnes (en violet sur la légende).

De la speed-carto pour se presenter- Louka Herse – 2021

Speed-carto ? Ce nom peut être trompeur. Tout dépend l’usage qu’on en fait. Lors de la séance introductive de ce séminaire, le 8 mars 2021, j’ai réalisé pour la première fois de ma vie, de la speed-cartographie.

Mais que recouvre donc cette expression ? Une réponse parmi d’autres avec l’exemple de la séance du lundi 8 mars.

13h-15h: premier séminaire de cartographie sensible. Un protocole de recherche cartographique nous est proposé. Il s’agit de répondre à deux questions – “qui suis-je ?” et “en quoi consiste ma recherche?” – en produisant, en temps limité, une carte. En l’occurrence, le temps imparti était de 10 minutes. C’était trop peu pour moi. Je pris donc le temps de la pause pour finir mon ébauche de carte :

difficile de se résumer et de résumer sa recherche en quelques coups de crayons !

Lorsque tous les participants eurent terminé leur carte, nous avons commencé à échanger. Le principe était d’interpréter la carte écrite par un autre séminariste afin de le présenter, lui le séminariste, aux autres participants. Si l’interprétation était fausse ou manquait de précision, le cartographe pouvait compléter le propos de son interprète. Les échanges furent stimulants, car les divergences d’interprétation entre le lecteur et le cartographe forçaient le producteur a explicité ses choix d’écriture.

Les malentendus cartographiques sont une richesse pour le cartographe.

Reste que ce jeu de présentation n’avait rien de speed. Au contraire. Briser la glace de l’inconnu avec des cartes requiert du temps, de l’espace et des outils, ceux de la cartographie (un support, des instruments d’écriture). Mais, il est vrai, que par rapport au temps que prend habituellement la confection d’une carte, nous avons fait ce jour-là, de la speed-carto.

Speed-carto / long-presentation.

J’aurais aimé illustrer cet article avec ma propre speed-map, mais je ne l’ai pas retrouvée. J’ai donc réalisé, en une vingtaine de minutes, une speed-cartographie que j’intitulerai :

Speed-carto de mon premier confinement (Louka Herse, 2021).

Voici quelques éléments de légende pour faciliter son interprétation :

  • les cercles représentent les différents espaces pratiqués durant le premier confinement;
  • les lignes rouges correspondent à mes trajets;
  • les bulles circulaires indiquent le nombre de personnes pratiquant/habitant un espace en même temps que moi;
  • les bulles rectangulaires précisent à la fois le temps et l’heure approximative de fréquentation des espaces de mon confinement.

Alors, pouvez-vous me dire dans quels types d’espace j’ai vécu ce confinement ?

Louka Herse – master 1 – “Territoires, Espaces, Sociétés”, École des hautes études en sciences sociales

Cartographie Parcours Vélo – de Gambetta a République – Louka Herse

Des conditions de cartographie précaires

Je m’apprête à déposer ces deux mini-cartes sur le site du séminaire. J’ai regardé au préalable les autres productions déjà disponibles en ligne. La qualité de certaines est déconcertante et je me sens bien piètre cartographe à côté de leurs auteurs et autrices. C’est pourquoi, plutôt que de commenter les choix que j’ai pris le 12 avril 2021 afin de transposer les 15 minutes d’audio mis à notre disposition en cartes, je reviendrai ici sur le contexte de production de ces deux pages cartographiques.

Au moment d’écrire, j’étais très fatigué. Je venais de passer une éprouvante semaine sur mon terrain. J’avais enchaîné les entretiens ethnographiques et j’avais aussi réalisé plusieurs marches urbaines avec mes interlocuteurs. Par ailleurs, je venais de présenter avec Romane Gadé un article sur les marches sensibles écrit par Hélène Ancion. Malgré ma condition de randonneur émérite, cela faisait beaucoup de marches en une seule semaine : j’étais éprouvé.

J’étais donc peu frais et peu dispos pour recevoir le matériau sonore proposé. Mais le principal problème fut d’ordre matériel : j’étais mal armé pour cartographier. D’une part, j’étais venu sans feuilles blanches. D’autre part, comble du ridicule pour un cartographe, je n’avais pas sur moi ma trousse à crayons-de-couleurs. Je n’avais que mon carnet vert (mon carnet de séminaires), un crayon de papier et deux stylos Bic, rouge et noir.

Comment ai-je donc procédé dans ces conditions cartographiques précaires ?

J’avais une heure pour mettre en application un protocole d’enquête conséquent. Il fallait donc que je n’écoute qu’une seule fois l’audio de 15 minutes et que cette écoute soit efficace. Mais comment développer une façon d’annoter sans connaître le texte à étudier ? J’ai lancé l’audio. Après une minute d’écoute, j’ai décidé de diviser ma prise de notes en deux. Cette division est visible sur ma feuille (voir photographies ci-dessus et ci-dessous). A gauche, j’écrirai toutes les informations se rapportant à la ville vécue, à commencer par les émotions de la cycliste étudiée. A droite, je noterai des informations plus concrètes : les éléments les plus visibles du paysage pour la cycliste, ses changements de direction, etc.

Mais cette prise de notes fut compliquée par le débit rapide de la cycliste. Très vite, je me suis contenté de noter, de tout noter, pour ne pas manquer une information-clef de son parcours urbain. Pour réussir à annoter correctement, il aurait fallu écouter à plusieurs reprises l’enregistrement, ce qui n’était pas concevable dans le temps imparti.

Finalement, que retenir de cette cartographie ?

Peut-être que l’exercice cartographique repose sur un ensemble de choses très terrestres : l’état physique et psychologique du chercheur, le matériel et le matériau disponibles pour cartographier. Ou peut-être qu’il repose juste sur une tasse remplie de café.

Louka Herse – Master 1 “Territoires, Espaces, Sociétés”, Ecole des hautes études en sciences sociales